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Marseille, théâtre Toursky. « Chopin une vie en musique », par Alexandra Lescure et Etienne Kippelen

Soirée d’enchantement au théâtre Toursky ce mardi 13 mars 2018 pour une création musicale, un voyage passionnant au cœur de la vie artistique de Paris entre 1830 et 1834.


Etienne Kippelen © DR
Etienne Kippelen © DR
Quand la parole sublime la musique
Dans une mise en scène d’Alexandra Lescure et d’Etienne Kippelen, à laquelle Myrtille Buttner, metteuse en scène et professeure de théâtre, a apporté son regard avisé, texte et musique s’unissent, se mélangent, fusionnent, se répondent : un envol de mots et de notes sublimés qui ont littéralement transporté la salle au cœur de la mélodie et du monde de Chopin, une sensation unique de dépaysement total à l’écoute de la voix chaude d’Etienne, un bonheur ineffable lorsque les doigts d’Alexandra caressent divinement le piano. Si Frédéric Chopin incarne le compositeur romantique par excellence, Alexandra Lescure exalte au piano les méandres de son âme. L’atmosphère du Paris culturel de l’époque est totalement recréée. La musique et les textes de Chopin, Mozart, Sand, Musset, Lamartine, Liszt sont le miroir de l’existence de Chopin tissée de passions et de rencontres avec Sand, son amour, Delacroix, Musset ou Lamartine.

« J’ai 38 ans, il me reste un an à vivre »
Fruit de plusieurs mois de recherche fouillée autour de la vie du compositeur, le spectacle relate ses passions, ses amours et ses voyages jusqu’à sa maladie. Etienne Kippelen, musicologue et assistant de François Zygel, incarne à merveille le compositeur polonais. D’emblée, il campe tragiquement le personnage : « J’ai 38 ans, il me reste un an à vivre ».
Kippelen donne à son personnage le romantisme exacerbé du compositeur, ses réticences, ses hésitations, ses peurs, ses doutes. Toute la complexité de Chopin se découvre, tantôt amoureux, tantôt embarrassé, emporté même. « Elle aime les plaisirs de la chair, lui non », mais il a mal.
Au piano, Etienne Kippelen découvre également toute la mesure de son talent. Les deux artistes se complètent à merveille : enchainement parfait, plaisir de jouer ; on sent une complicité, une entente sous-jacente absolue, un travail méticuleux de l’œuvre. Le résultat est magnifique. L’originalité de cette création - musique et textes ciselés avec brio par les deux protagonistes – participe de son succès.

Aux côtés d’Etienne Kippelen, la pianiste concertiste Alexandra Lescure interprète avec passion, lucidité, concision, les œuvres de Chopin et revêt les traits de sa muse.
Nous l’avions entendu dans Gershwin, mais son talent éclate ici avec plus d’intensité et de finesse. Chopin est servi brillamment, avec ce qu’il faut de sensibilité et d’émotion qui font les « grands » interprètes. Et puis il y a les mots. Quand Alexandra parle, la diction est claire, et l’artiste, totalement investie dans son rôle, semble, avec les mots, prolonger la vibration du piano en notes poétiques, une mélodie qui s’achève dans le souffle de sa voix.

Le spectacle débute dans l’obscurité totale de la salle avec les notes du Nocturne en do dièse mineur qui s’élèvent, célestes, dans le silence. Une lumière vient peu à peu nimber de douceur une belle jeune femme qui joue du piano, vêtue d’une houppelande de velours dont la cape couvre la tête. C’est Georges Sand. Plus loin, un homme, jeune, qui ressemble étrangement à Chopin, en costume beige façon frac ; une table et un encrier avec une plume. Le décor est planté. Comment dire la nuit ? Le nocturne joué par Alexandra Lescure pose la question du rapport au temps, à l’angoisse. Le toucher de la pianiste parvient au quasi-frissonnement de la note, une interprétation mélodique qui ajoute au mystère. Le timbre est riche, cristallin, pur. Alexandra Lescure, c’est une couleur, une pure merveille du point de vue sonore et expressif.

Une femme, un homme, un piano, deux voix. Etienne Kippelin ne revêt pas simplement les habits de Chopin, il est Chopin. Cette table où il écrit fébrilement, cette plume qui gratte le papier, on l’entend, on la touche. Il a du mal à respirer, on souffre avec lui. La mélancolie le prend, la salle s’attriste. Puis, au gré des morceaux, les notes s’élèvent, enveloppent l’espace. Etrangement, les lieux ont disparu ; le public n’est plus ici ; il est sous le charme, il est ailleurs. Avec Alexandra Lescure, il est difficile de parler d’instrument. Chaque pièce jouée, qu’elle soit délicate, qu’elle soit virtuose, est un délice, les cordes frémissent. Avec Alexandra Lescure, le piano a une âme.
Touchante et ingénieuse création qui allie la beauté de la chose à un côté pédagogique non négligeable dans une époque où la culture a besoin de repères. A voir et revoir.
Danielle Dufour-Verna

Pour retrouver « Chopin, une vie en musique » rendez-vous :
-le 14 avril 2018 à Tourves
-le 5 mai 2018 au Château de Lourmarin
-le 9 juin 2018 au Festival des Tourelles

Danielle Dufour-Verna
Mis en ligne le Mercredi 28 Mars 2018 à 14:41 | Lu 874 fois

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