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« Les amours vulnérables de Desdémone et Othello », Théâtre du Gymnase, Marseille. Par Philippe Oualid

Ce qui distingue Othello des autres chefs d'œuvre de Shakespeare, c'est son caractère domestique. Dans des drames comme Hamlet ou Macbeth, on perçoit la situation d'un Etat troublé par des guerres.


Ici, l'absence d'arrière-plan belliqueux imprime à la pièce le sens d'un drame psychologique où toutes les péripéties sont d'ordre moral, uniquement déterminées par l'action d'un personnage d'une malignité effroyable qui conditionne toute l'intrigue par sa seule volonté. Le ressort du plan de l'Enseigne scélérat Iago consiste en effet à semer le doute et l'inquiétude dans l'esprit d'Othello, officier More de la République de Venise, en lui faisant croire que les rapports courtois entre sa jeune femme Desdémone et le lieutenant Cassio cachent une liaison amoureuse, ce qui exige de posséder d'abord complètement sa raison, son entendement, et de maîtriser ensuite assez d'éléments réels pour exercer son emprise et parvenir à ses fins: la ruine du bonheur conjugal, le meurtre de son rival et de l'épouse infortunée. La naïveté d'Othello, frisant parfois la débilité, s'accouple ainsi progressivement à la noirceur d'un être qui ne jouit que de le tromper. C'est une fusion effrayante, de l'ordre du transfert, au cours de laquelle Iago, fasciné par la réussite de ses mises en scène successives, hypnotise Othello, en lui soufflant ses fantasmes, jusqu’à ce que sa proie, en quelque sorte droguée, passe à l'acte avec une rigueur étonnante.

Le spectacle de Raserka Ben Sadia-Lavant se construit sur une réécriture de la pièce de Shakespeare, la recentre sur la dimension intime des relations entre les principaux personnages, et retranche un tiers du texte. Comparé au style de Stanislavski, rien de plus dérisoire que cette scénographie d'arcades de bois blanc, de bidons et de caissons en plastique, ou que ces fringues minables qui suppléent à l'absence de costumes. La mise en scène, plus intéressante, fait alterner récits de l'action, dialogues sur fond sonore de l'Oud de Mehdi Haddab, numéros de break dance et récital de chants arabes poignants par Sapho, pour souligner les situations dramatiques suscitées par les passions.

L'attention se focalise tout particulièrement sur l'interprétation des comédiens: Disiz (Othello) en impose par sa présence. Amoureux imperturbable au début, il devient progressivement un énergumène coléreux, brutal, impulsif, totalement étranger à lui-même, passée la crise d'épilepsie, puis criminel dans un état second. A ses côtés, Alexandra Fournier (Desdémone) a autant de bravoure que de cœur. Vivant d'abord comme en rêve, elle s'incline avec passivité quand son mari la frappe et l'injurie, et semble convertie à la perversion de vivre son amour fou dans la mort.
Denis Lavant (Iago) représente, quant à lui, la figure la plus impressionnante du spectacle: filou sans vergogne, il exprime avec une aisance étonnante, la malignité diabolique désireuse de faire le mal in abstracto. Il est regrettable que la dernière scène de la pièce qui concerne son châtiment soit supprimée. Mais cela ne relève pas du propos que Razerka Ben Sadia-Lavant souhaite développer à travers ce spectacle!
Philippe Oualid

Les amours vulnérables de Desdémone et Othello
Adaptation d'Othello de Shakespeare
Mise en scène de Raserka Ben Sadia Lavant
Théâtre du Gymnase (Marseille), du 15 au 17 Janvier 2015

Pierre Aimar
Mis en ligne le Lundi 19 Janvier 2015 à 00:42 | Lu 128 fois

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