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Marseille, Théâtre Toursky : Cali chante Léo Ferré et fait s’envoler des colombes

Interpréter Ferré chez Richard, le frangin, l’ami fidèle, était un pari sacrément osé ! Cali l’a fait !


« Ferré… Ferré ? Ferré !
Voilà, me voilà face à la montagne. Au pied de l’Everest.
Ferré. J’ai choisi un chemin, mille se présentaient à moi. Alors j’ai choisi des chansons entendues sur le tourne-disque de mon papa. Je n’étais qu’un enfant. Je ne comprenais pas tout non, mais je devinais déjà. C’était fou. Comme le mot Liberté.
Et puis j’ai choisi ces chansons qui m’ont aidé à traverser l’adolescence pétillante, devenir un homme, être un homme…
Je mesure la chance de chanter ses mots, ces trésors. »
Cali

Interpréter Ferré chez Richard, le frangin, l’ami fidèle, était un pari sacrément osé !
Cali l’a fait ! Mercredi 17 octobre 2018, Cali, né Bruno Caliciuri, a investi la scène du Théâtre Toursky que Léo a foulée si souvent. Ici souffle un esprit libertaire, celui de la fraternité, insufflé par son directeur saltimbanque, Richard Martin. Léo Ferré est ici chez lui. Une salle de spectacles y porte d’ailleurs son nom. « La Poésie est une clameur » disait Ferré. Richard Martin le revendique, proclamant les mots de Ferré, de Raimbaud, de Villon et de tant d’autres ‘maudits’. Ici, avec les jeunes troupes théâtrales, la musique, la peinture et les gosses des quartiers qui investissent cette « maison », ce sont les poètes qui ont droit de cité.

Avant le spectacle, des jeunes, un public tout âge, venus apprécier ce Cali qu’ils aiment emplissent le grand hall. Les inconditionnels de Ferré sont là aussi, certains doutant, plus suspicieux que confiants, dans l’attente : - ce jeune chanteur dont la renommée n’est plus à faire réussira-t-il à empoigner Ferré par les tripes ?- Des jeunes, un public tout âge, venus apprécier ce Cali qu’ils aiment. Le rideau s’ouvre sur un piano, un synthé, une guitare, une scène en noir et blanc et la voix de Léo qui s’élève, chaude, revendicatrice. Le ton est donné. Sa voix accueillera, ponctuera certaines chansons et saluera le public, point d’orgue d’un concert fascinant. Cali ne fait pas du Ferré. Ce sont ses mots, ses alarmes, son spleen mais ce n’est pas Ferré. L’artiste le ressuscite, le transcende mais il invente un nouveau Ferré ; des chefs-d’œuvre qu’il vivifie à sa façon. La salle chavire avec lui. Mêlant habilement fougue, tendresse, passion et mélancolie, le chanteur apporte sa voix unique, son ardeur, son énergie, son mordant, à l’œuvre de Ferré, créant sans imiter. L’émotion, puis la liesse s’empare de la salle. Des premiers aux derniers rangs, les spectateurs, debout, saluent la performance. Les confidences, la tendresse, la passion, le poing levé de Cali et le talent de ce chanteur exceptionnel subjuguent la salle. C’est palpitant, c’est sublime.

Les applaudissements crépitent. Au milieu de l’exaltation et de l’enthousiasme qui s’emparent du public, un Richard Martin ému, littéralement captivé, un sourire lumineux sur le visage, salue debout la prestation de l’artiste. On imagine aisément les souvenirs, le passé affleurant à l’esprit, mais à l’instant précis se lisent seulement le plaisir d’accueillir l’ami et la joie du moment.

Sur scène, les jeux de lumière audacieux ajoutent à cette impression de modernité, battant en rythme avec le tempo. Le guitariste François Poggio et le pianiste, Steve Nieve, entourent le chanteur d’une musique actuelle, subtile. L’acoustique, le décor sonore, les accords, l’accompagnement, les arrangements relèvent du génie : diaboliques avec Thank you Satan, tempétueux avec l’époustouflant Ni Dieu ni Maître, pétillants avec l’ardente Jolie môme, impétueux avec Les Anarchistes, incisifs, pulsants avec l’Enfance « C’est l’enfer sous le tableau noir », langoureux avec C’est Extra, émouvants pour Avec le temps, et cerise sur le gâteau, un final en apothéose. Sous les doigts magiques du grand musicien Lévon Minassian, le son du doudouk, cet instrument millénaire, enveloppe la salle, nostalgique et poignant, avec L’affiche rouge « Quand tout sera fini plus tard en Erevan ». Moment intense où tous retiennent le souffle, les larmes aux yeux. Au dernier accord qui clôt le concert, dans un même élan, la salle entière se lève : c’est un déchainement de cris et de bravo.
Pari réussi. « Pour tout bagage on a sa gueule ». Cali y ajoute le talent, l’humanisme, un sens inné de la scène, une modestie et une tendresse qui en font un des plus grands artistes de notre époque.
Ce soir, Cali a fait s’envoler des colombes.
Danielle Dufour-Verna

Danielle Dufour-Verna
Mis en ligne le Dimanche 21 Octobre 2018 à 14:06 | Lu 901 fois

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