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Les Serments indiscrets, de Marivaux, au Théâtre du Gymnase, Marseille, du 20 au 24 Mai 2014. Par Philippe Oualid

Les Serments indiscrets, comédie en prose en cinq actes, représentée pour la première fois par les Comédiens Français, le 8 Juin 1732, est une de ces pièces de Marivaux dont le style choque par son audacieuse singularité, et qui reçut, à sa création, un très mauvais accueil.


Elle fut, selon les témoignages du temps, constamment sifflée du deuxième au cinquième acte, ce qui ne s'était jamais vu, mais heureusement, les connaisseurs et les critiques ne la jugèrent pas sans mérite. . .
A première vue, le sujet semble mince : Lucile et Damis, destinés l'un à l'autre par leurs parents, se sont engagés à la légère, par serment, à ne point s'épouser. S'apercevant qu'ils s'aiment, ils se demandent alors comment faire pour observer et trahir en même temps les mesures qu'ils doivent prendre contre leur mariage. Les moyens de se faire connaître un amour tout en le cachant, de garder une parole en la violant, sont du domaine de l'expression ou du langage. Et en aucune autre pièce, Marivaux n'a poussé plus loin l'ambiguïté des paroles prononcées, ni l'interprétation abusive des répliques de l'interlocuteur. Il la mettait d'ailleurs au nombre de ses comédies préférées.
La mise en scène de Christophe Rauck a le mérite de mettre en valeur la langue de Marivaux, équivoque, indiscrète, où les mots peuvent dire le contraire de ce qu'ils signifient dans le contexte insolite de leur situation, et dans l'optique de cette « métaphysique du cœur » qui met les deux amants, blessés dans leur amour-propre, en condition de ne pouvoir badiner avec l'amour. . . Mais la volonté d'actualiser à tout prix le spectacle par l'utilisation de la vidéo, de postures indécentes, d'un discours médical sur le cœur, d'une chanson de Brassens ou de guenilles inadéquates qui s'effilochent, constitue une faute de goût difficile à digérer!
Et que penser de l'interprétation de la principale actrice ? Avec une voix sourde, voilée, autoritaire, Cécile Garcia-Fogel (Lucile) joue dans un registre excessif de distanciation brechtienne, proche parfois de la commedia dell'arte, avec des mines et des clins d'yeux provocateurs en direction du public. Elle démonte le texte en sémioclaste, et cherche à éclairer l'inconscient du discours avec une telle insistance que son comportement, au dernier acte, finit par frôler l'hystérie. Son partenaire, Pierre-François Garel (Damis), en revanche, séduit par son élégance et sa distinction. Les deux pères, Marc Susini (Ergaste) et Alain Trétout (Orgon) adoptent le style compassé des comédies classiques ou du drame bourgeois. Quant à Lisette et Frontin (Hélène Schwaller et Marc Chouppart), conjurés ahuris ou grimaçants, au gré des comportements de leurs supérieurs, ils deviennent à la fin les maîtres du jeu avec une aisance surprenante. On ne peut dès lors que regretter d'avoir vu les effets d'une mise en scène tapageuse dénaturer quelque peu la subtile délicatesse de la dramaturgie de Marivaux.
Philippe Oualid

Les Serments indiscrets, de Marivaux
Mise en scène de Christophe Rauck
Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis
Théâtre du Gymnase, Marseille, du 20 au 24 Mai 2014

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 22 Mai 2014 à 19:34 | Lu 191 fois

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