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Le Barbier de Séville à L'Opéra de Marseille. Par Christian Colombeau

Florian Sempey, Figaro des temps modernes


Aucun " rasage " dans le spectacle de Laurent Pelly

Photo Christian Dresse
Photo Christian Dresse
On ne change pas une équipe qui gagne. Passant des bords de Seine à la Cannebière, Le Barbier de Séville signé Laurent Pelly a gardé intact son impact sur le public. Voilà un spectacle intelligent, farceur, raffiné, original, moderne, précis, inventif, qui décape de belle manière la partition rabâchée de Rossini, loin des espagnolades classiques ou transposées ordinairement proposées.
Point d'Andalousie d'opérette donc. Imaginez un peu : voilà au lever de rideau, de gigantesques feuilles de papier à musique vierges. Côté jardin, sur l'une d'elle, gracieusement recourbée, s'ouvre la fenêtre de Rosine. En seconde partie, c'est sur un immense cahier à musique ouvert sur la partition de " La Précaution inutile " que se déroule le chassé-croisé des amoureux. Tous vêtus de noir, les chanteurs évoquent des notes de musiques ! Notes qui tomberont des cintres pendant le célèbre orage rossinien ! Il fallait y penser ! Pas un temps mort dans ce tourbillon de nouveautés, ce show presque à l'américaine, d'une virtuosité extraordinaire, d'une précision où chaque geste bien préparé a son poids, sa vérité, sa raison d'être.

Inutile de faire briller le soleil sévillan... enfin, si, celui de Florian Sempey qui en trois notes renvoie aux oubliettes tous les barytons français qui se sont produits dans ce rôle depuis plus le départ à la retraite des Bacquier et Massard. Une projection au laser pour une leçon de bel canto qui justifierait à elle seule cette reprise. Splendide voix au grain serré ou large quand il le faut, d'une insolence libertaire exemplaire, Florian Sempey, avec son phrasé de seigneur, son souffle infini, rétablit le style rossinien pour ce qu'il est : une assomption virtuose au service d'une mâle sensualité vocale.
Qu'importe alors si le reste du plateau paraît un rien en retrait. Trois fois rien. En forme éblouissante, Philippe Talbot, très smart, beau comme il n'est pas permis (après sa première sérénade ses registres cherchaient leur fusion), fin musicien, charmeur impénitent, a assuré un vrai petit festival de pyrotechnies, même si l'effort se trahit.
Troisième choc de la soirée : la Rosine de Stéphanie d'Oustrac. Des graves dignes de la Berganza, un aigu de vrai mezzo dramatique d'agilité, aucun trou dans le médium. En prime un physique indiscutable, un timbre velouté, une technique là aussi ébouriffante.
La basse bien connue des marseillais, Mirco Palazzi, est un Basilio de grande classe, avec un style qui n'oublie jamais un humour à l'emporte-pièce.
Pablo Ruiz a remplacé au pied levé le vétéran Carlos Chausson malade. C'est jeune, frais, percutant, le prometteur artiste respectant, dans le bon sens du terme, la tradition ô combien discutable des buffi parlandi sans jamais écorcher son air le plus exposé. Quel diable d'homme sympathique avec ce Bartolo truculent, aigri par l'égoïsme, les crises de sciatique ou la dive bouteille... allez savoir...
De fort belle tenue le reste du plateau. Mikhaël Piccone, Jean-Luc Epitalon, Michel Vaissière jouent autant qu'ils chantent des utilités indispensables à ce marivaudage ibérique et Annunziata Vestri fait une excellente Berta.
Pour diriger un ensemble aussi jeune que le Barbier doit l'être, Roberto Rizzi Brignoli rivalise de finesse, de rigueur et surtout de justesse d'intonation. Avec une élégance un peu patricienne le maestro tire avec pertinence de la phalange phocéenne des transparences mozartiennes qui situent Rossini dans sa juste généalogie classique.

Christian Colombeau
Mis en ligne le Mercredi 7 Février 2018 à 11:33 | Lu 1567 fois

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