arts-spectacles.com
Sortir ici et a
Sortir ici et ailleurs, magazine des arts et des spectacles

Membre du Syndicat de la Presse Culturelle et Scientifique (SPCS) et de la Fédération Nationale de la Presse Spécialisée (FNPS)



Marsiho d’André Suarès, avec Philippe Caubère, théâtre Toursky, Marseille, les 11 et 12 octobre 2013

Sa plume était son pinceau. A sa mort en 1948, André Suarès laisse une œuvre immense.


Philippe Caubère © Michèle Laurent
Philippe Caubère © Michèle Laurent
Indépendant de toute faction politique, idéologique ou religieuse, il dérangeait l’ordre établi. Se définissant comme un messager de la beauté, un rêveur d’émotion, un conquérant de la grandeur, il prit le risque démesuré de tenter de laver notre société de ses souillures, il stigmatisa l’injustice, le fanatisme, la tyrannie. La médisance, le mépris et la haine achevèrent de l’enfermer dans une solitude dont il fit sa révolte.

Qui se doute à Marseille qu’avant Edmond Rostand, Antonin Artaud, Marcel Pagnol ou Albert Cohen, nous avons eu la chance d’avoir comme compatriote l’un des plus grands écrivains français et même européens du XXe siècle ? Quelqu’un qu’il faudrait situer, pour en mesurer la stature, aux côtés de Dante, de Montaigne, Stendhal ou des grands auteurs Grecs.

Il a fui le recours à la fiction pour rester dans le vrai et dans la poésie. Les événements qu’il a connus et commentés sont les plus grands : l’affaire Dreyfus, la guerre de 14, la crise des années 30, la guerre de 40 et l’occupation que sa condition de juif lui a fait vivre hélas aux premières loges.

Nul peuple ne croit plus fortement à la vie...
De toutes les villes illustres, Marseille est la plus calomniée. Et Marseille calomnie Marseille chaque fois qu’elle tâche à n’être plus elle-même. Elle se gâte au miroir de sa lie... -André Suarès.

Costume et chemise d’un blanc immaculé, regard bleuté, Caubère nous promène dans le Marseille de Suarès. On le suit de l’Estaque au Grand Lupanar avec ses cagoles, via le Vieux Port, la Bourse, les églises affreuses, le bar Stellior où trône une patronne fellinienne...
Une fois de plus Caubère nous sidère. On ressent un bonheur fou à l’écouter. 
Le mistral souffle, le soleil brûle et Marseille flamboie.

André Suarès écrit comme on laboure. Il fonde Marseille dans la littérature. Il la baptise, la vénère et lui crache dessus, il fait acte. Ses mots tombent comme ceux de Baudelaire. Ainsi Marsiho est comme un poème en prose, un poème qui met en musique des images de feu. Il fallait le charisme de Caubère pour restituer avec autant de force et de fidélité l’hymne à la cité phocéenne qu’écrivit Suarès en 1933, date de l’année de création de Marius de Marcel Pagnol qui semble s’en être très largement inspiré.

Philippe Caubère n’est pas ici pour célébrer le Marseille de Fernandel ou de Ribéry. Il est là pour réveiller la belle langue de l’écrivain au service d’une ville voluptueuse, à la fois vigoureuse et vulgaire, tour à tour exposée au soleil, à la saleté, au sublime ou aux excréments.

Marseille est à Suarès ce que Lisbonne est à Fernando Pessoa et Paris à Aragon. Le poète jette un regard ambivalent sur sa ville. Il la présente, la caresse, la critique, l’enchante... la déteste. Il la déteste car il l’aime trop. Un amour comme seuls nos mères et notre pays natal peuvent nous inspirer.
Marsiho est sans aucun doute le plus beau livre écrit sur Marseille, ville trop souvent réduite à son accent, son équipe de foot ou ses quartiers difficiles. 

Caubère en sublime la clarté et ses flamboiements. Sa performance nécessite un véritable exploit physique, de sorte que le texte déferle en nous comme un hymne à l’amour. A chaque mot, une image surgit. Le passage du tramway avec ses usagers est hilarant. Caubère joue le texte. L’acteur se lâche et nous voilà dans un dessin de Dubout. 
Grâce à lui, Suarès le proscrit, le marcheur des bas-côtés, peut enfin adresser sa lettre d’amour à Marseille de l’endroit où il le fallait, la scène du Toursky.
C’est sublime. Merci Suarès. Merci Caubère.

Pratique

Marsiho d’André Suarès
Adaptation et mise en scène : Philippe Caubère
Lumière : Philippe Olivier

Sur les musiques : Arabesque 1 ; Suite bergamasque, clair de lune ; Rêverie , Claude Debussy / Trauermarsch Götterdämmerung Le crépuscule des Dieux Richard Wagner / Die liebe Farbe Die schöne mullerin La belle meunière Franz Schubert / Kausi Kanhra

Avec : Philippe Caubère

Théatre Toursky
16 Promenade Léo Ferré
13003 Marseille, France ‎
+33 4 91 02 58 35
www.toursky.org


Afficher Théatre Toursky sur une carte plus grande

Pierre Aimar
Mis en ligne le Lundi 30 Septembre 2013 à 04:38 | Lu 293 fois

Nouveau commentaire :


Dans la même rubrique :
1 2 3 4 5 » ... 150

Festivals | Expositions | Opéra | Musique classique | théâtre | Danse | Humour | Jazz | Livres | Cinéma | Vu pour vous, critiques | Musiques du monde, chanson | Tourisme & restaurants | Evénements | Téléchargements