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Beaucoup de Bruit pour Rien, de Shakespeare. Le marivaudage avant la lettre, par Philippe Oualid

Beaucoup de Bruit pour Rien, qui serait une révision opérée par Shakespeare, vers 1598-99, d'une vieille comédie qu'il aurait conservée, est l'histoire d'un bon prince, Don Pedro d'Aragon, qui cherche à unir deux couples qui s'aiment, et dont le frère naturel, le bâtard machiavélique Don John, tente vainement de contrecarrer le projet.


© Théâtre de la Criée
© Théâtre de la Criée
L'intrigue est double avec d'une part l'histoire de Claudio et de Héro, inspirée d'une nouvelle de Matteo Bandello, et d'autre part celle de deux célibataires endurcis, deux ironistes, Béatrice et Bénédict, qui se jetteront dans les bras l'un de l'autre après quelques combats d'esprit durement menés. Mais il n'y a pas que du comique dans cette comédie : la scène du quatrième acte où Héro, à l'église, se voit injustement calomniée par son fiancé, et du même coup abandonnée de tous en un instant, contient les éléments d'un véritable moment tragique. Par ailleurs, compte tenu des goûts du public élisabéthain, de ses mœurs, de son réalisme foncier, la pièce est truffée de plaisanteries, d'équivoques, de sous-entendus sur l'acte sexuel qui produisent un effet de vulgarité, mais qui lui assurent néanmoins un grand succès.

La pièce qui a fait l'objet de productions somptueuses à Londres et à Paris, aux XIXe et XXe siècles, est présentée dans le décor peu éclairé d'un immense encadrement de tableau, fermé d'un rideau gris, qui s'ouvre le plus souvent sur un ridicule comptoir de bar des années soixante, surmonté d'un grand miroir (scénographie de Erwan Creff).
On lui préfère la remarquable direction d'acteurs de Clément Poirée qui confronte une Béatrice aristocrate, d'un charme acide et d'une ironie mordante (Emeline Bayart) à un Bénédict danseur baroque, insolent, bouffon ou mélancolique (Bruno Blairet), qui distingue un Claudio hautain, impétueux (Laurent Menoret) d'un prince d'humeur égale et sereine(Matthieu Marie), isole le satanique bâtard Don John, et permet aux deux clowns inquisiteurs (Raphaël Almosni et Antony Paliotti) d'accomplir une étonnante performance burlesque. Leur diction parfaite met en plus en valeur la belle adaptation française de Jude Lucas, dépourvue des obscurités et platitudes de celle de François-Victor Hugo.

Une belle mise en scène, en définitive, qui parvient à gommer les défauts signalés depuis la création par la critique : le manque d'harmonie entre les éléments romanesque, comique et tragique, et engage à goûter pleinement la saveur amère, le marivaudage avant la lettre du propos shakespearien.
Philippe Oualid

Beaucoup de bruit pour rien, de Shakespeare
Mise en scène de Clément Poirée (Théâtre de la Tempête)
Théâtre de La Criée (Marseille), du 15 au 18 Mai 2013

Pierre Aimar
Mis en ligne le Vendredi 17 Mai 2013 à 02:20 | Lu 202 fois

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