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27 juillet 2010, La Serva Padrona de Pergolesi, dans le cadre du Festival Côté Cour, Aix-en-Provence

Le Festival Côté Cour célèbre le 300 e anniversaire de la naissance de Pergolèse (G. B. Pergolesi, 1710-1736) et fête la femme, servante et maîtresse de l’art. Orchestre de chambre Mozaïque. En première partie, création en France du concerto en do majeur pour deux clavecins de G. B. Pergolesi avec Brigitte Tramier et Jean-Marie Puli, clavecins


La Servante Maîtresse. Ou, pourrait-on dire, le vieux garçon au bord de la crise de nerfs.

Pergolèse
Pergolèse
Acte I
En effet, voici une servante (ici, une employée d’une petite entreprise à Naples), arrogante, agaçante, aguichante : obsédante en somme. Mais absente d’abord. Comment voulez-vous que bosse le « boss », Uberto, sans son café ? Hum, en a-t-il vraiment besoin ? Il est déjà passablement énervé : il a beau l’appeler, l’interpeller, Serpina oppose l’absence à tous ses appels. Il enrage :
Premier air : « Aspettare e non venire… » : J’attends, et ne vois rien venir…/ J’ai une servante et ne suis pas servi / Il y a de quoi mourir !
Au bord de l’infarctus, la crise, le pauvre patron! Serpina daigne enfin arriver et s’en prend à Vespone, le domestique mol et muet qui n’en peut mais. Vlan, une baffe ! Maître et servante se querellent encore : tiens, un vieux couple déjà ?
Second air d’Uberto exaspéré par l’esprit de contradiction de la belle, prenant à témoin Vespone de son impuissance à museler l’impertinente : « Sempre in contrasto, con te si sta… » : Toujours la guerre, guerre avec toi ! / Si blanc, c’est noir, / Si hue, c’est dia !… / Qu’en dis-tu, toi, eh ?/ J’en crèverai, moi ? Ma foi, non ! Suffit comme ça !…
Pas plus troublée que ça, l’effrontée affronte son patron, le nargue, le défie et lui parle d’autorité :
Air de Serpina : « Stizzoso, mio stizzoso… » : Monsieur le grincheux, mon grincheux, / Ne prenez pas vos grands airs, / Ça, ça ne marche pas avec moi ! / Vous allez filer doux et vous taire. / Chut, chut ! Serpina le veut, c’est son bon plaisir… C’est bien compris, oui ? / Vous me connaissez bien, / Et ce n’est pas d’aujourd’hui, / Alors, taisez-vous !…
Quelle insolence ! Eberlué, le maître écumant demande à Vespone de lui trouver illico une épouse, même une harpie. Ah, on va voir s’il va subir l’autoritarisme de cette chipie de servante qui se la joue maîtresse ! Une épouse ? Mais, moi, bien sûr! Serpina se propose sur le champ en mariage et se lance dans l’éloge, la promotion de ses charmes, harcelant son patron, pour le persuader qu’il la désire en réalité :
Duo : « Lo conosco a quegli ochietti… » : Serpina : Je le devine à vos yeux rusés, malicieux, coquins…/ Votre bouche a beau me dire ‘non,’/ Ils me disent : ’je te veux !’ Uberto : Mademoiselle, vous vous trompez : / Ma bouche et mes yeux vous disent ‘non’! / Vous rêvez et volez trop haut. Serpina : Mais pourquoi ?/ Mais pourquoi ?/ Ne suis-je pas belle, gracieuse, spirituelle ?…Uberto : Lâche-moi un peu ! Va-t-en ! Casse-toi, pauvre folle ( ?)
Cette méthode Coué a un couac, mais, commençant à flancher, fléchi par la taquine coquine, c’est lui qui abandonne la place.

Acte II
Vite ! le maître absent, la serpentine Serpina ourdit un plan, fait entrer Vespone dans son jeu, le déguise en soldat, le cache. Au retour d’Uberto, elle joue l’humilité, le repentir, les larmes, elle va quitter pour toujours la maison d’où l’intraitable maître la chasse :
Air mélancolique : « A Serpina penserete… » : Vous penserez parfois à Serpina /et regretterez cette pauvrette…
Et c’est le maître remué qui en a la larme à l’œil. Elle, ah, la pauvre ! faute de mieux, va se marier avec un brutal, un cogneur, le Capitaine Tempesta (Tempête). Elle va le chercher pour le lui présenter. Uberto, troublé, ému par le départ imminent de la jeune fille, s’interroge sur ses sentiments :
Air : « Son imbrogliato io già… » : Quelle embrouille ! Je suis dans la plus grande confusion…/ Est-ce pitié, est-ce amour ?/ Mais quelque chose me dit : /’Uberto, pense à toi, gare à toi !’…
En effet, Serpina revient avec Vespone, déguisé, méconnaissable, mine patibulaire : un dur, un mec, un mac. Serpina prétend qu’il exige du patron une dot, digne du parachute doré d’un PDG, comme condition sine qua non du mariage : il s’y connaît celui-là en rançon, en racket… En cas de refus, c’est Uberto qui devra épouser Serpina ou subir ses pires représailles. Sous le chantage et la terreur, soulagé aussi, Uberto cède et accepte Serpina, qui lui dévoile la ruse. Et voilà le bougon barbon berné mais béat, et c’est le duo final de l’accord entre le maître vaincu et la maîtresse femme qu’il épouse :
Duo : «Per te ho io nel core/ il martellin d’amore …un tamburo d’amore » : -Pour toi, je sens dans mon cœur/ un petit marteau d’amour tapant… / -…un tambour d’amour battant… / - Tippiti, tippiti, tippiti/ -Tappata, tappata, tappata…

Et c’est sur ces onomatopées sur le battement du cœur, qu’on retrouvera ensuite jusque dans l’orchestre accompagnant le « Batti, batti… » de la Zerlina et dans le duo Dorabella /Guglielmo du Cosí de Mozart, que s’achève le modèle des opéras bouffes qui met sur le devant de la scène non plus des dieux ou de nobles héros mais des personnages quotidiens, bourgeois et peuple, la ruse féminine, le travestissement. Et la défaite, souvent cruelle, du barbon.

Un peu d'histoire

La Serva padrona déclencha à Paris, en 1752, la fameuse « Querelle des bouffons », qui opposa « le coin de la Reine » et ses partisans, encyclopédistes, Rousseau en tête, qui défendaient cette musique, vive, populaire et savante, ces personnages naturels, et « le coin du roi » et les tenants des nobles pompes de Rameau.
Mais Hegel, hélas peu sensible à la musique, n’y vit sans doute pas une plaisante anticipation de sa théorie du renversement où l’esclave devient maître. Et la Femme, maîtresse. Et servante de l’Art.
Benito Pelegrín

G. B. Pergolesi . En 26 ans de vie, des chefs-d’œuvre pour le compositeur napolitain : le Stabat mater, des opéras seria que l’on redécouvre, parmi lesquels ce Prigioner superbo dont on ne se souvient que parce, qu’entre ses trois actes tragiques, il avait intercalé cette Serva padrona inoubliable.

Les interprètes

L’Orchestre de chambre « Mozaïque».
Formation de douze jeunes musiciens professionnels, pour la plupart de Nîmes où ils ont étudié au Conservatoire. A déjà accompagné de grands solistes. Invité aux « Soirées Lyriques de Gigondas », aux « Nuits musicales de Barbentane », à Nîmes.

Marie-Christine Thomaaset, direction musicale.
Diplômée du Conservatoire National de Musique de Région de Marseille, elle poursuit sa formation de chef à la fondation Yehudi Menuhin dont elle est lauréate. Elle étudie à Vienne auprès de maîtres autrichiens et obtient le diplôme des Wiener Meisterkurse Für Musik. En France, elle prend la direction de l’Orchestre de Chambre des Cévennes, parrainé par Yehudi Menuhin. Fonde en 2002 l’Orchestre de Chambre « A Tempo », puis, en 2005, l’Orchestre de Chambre « Mozaïque ». Dirige les répertoires classique et romantique, ainsi que des œuvres contemporaines de jeunes compositeurs.

Brigitte Tramier
a créé les classes de clavecin à l’Ecole Nationale de Musique de Valence et d’Arles avant d’enseigner au Conservatoire d’Aix. Collabore à nombre d’ensembles baroques (de Limoges, Musica Antiqua, Lacrimæ Consort, les Festes d’Orphée…) et a participé à une quarantaine d’enregistrement comme continuiste ou soliste (intégrale des Concertos Brandebourgeois chez Clavès). Ses deux premiers disques en solo (Pièces pour clavecin de J. H. d’Anglebert et J. Duphly) ont obtenu un diapason d’Or. Fonde avec Jean-Michel Robert, un label discographique : les Editions Parnassie (déjà une quarantaine d’enregistrements de musique du Moyen-Age à nos jours).

Jean-Marie Puli. Chef de choeur, claveciniste et organiste ;
actuellement professeur de clavecin, de basse continue et de culture musicale au Conservatoire d'Avignon. Il mène parallèlement une carrière de soliste apprécié a été invité à de nombreux festivals de musique ancienne en France ; collaborations régulières avec le Festival d'Avignon, les Chorégies d'Orange et l'OLRAP (orgue), deux disques (musique espagnole et française), festival d'orgue de Sarragosse (Espagne), du Veneto (Italie), divers enregistrements pour France-Musique et France-Culture .

Cyril Rovery, baryton.
Études de chant au C.N.R. de Marseille, classe de Tibère Raffalli : Médaille d’or à l’unanimité. Master classes de Leo Nucci, Alain Fondary, Gabriel Bacquier, Robert Massard et Renato Bruson. Premier prix au Concours international de Mâcon en 1999, et Prix du public en 2002 du Concours international de Sienne. Débuts dans La Bohème, Carmen, Don Giovanni. Chante sur de nombreuses scènes nationales et internationales, Avignon, Marseille, Nancy, Nantes, Paris, Opéra du Rhin, à Amsterdam, Rotterdam, au Japon, en Pologne. On a pu l’entendre dernièrement dans Faust, Traviata, Pelléas, Butterfly, Mireille, Lucrèce Borgia, L’Africaine, Boris Godounov, Tosca, les Troyens (dirigé par Michel Plasson), sans oublier le répertoire wagnérien, l’oratorio et certaines œuvres contemporaines recrées au Festival des Musiques interdites. Mélodiste très apprécié aussi dans le répertoire français et allemand.

Raphaële Aandrieu, soprano.
Classes d’art dramatique et de chant (Catherine Thomasset) au conservatoire d’Avignon. A chanté dans Didon et Enée, Louise, les Mousquetaires au couvent, « Elle », dans l’Amour Masqué de Messager, au théâtre d’Avignon et dans des œuvres d’Offenbach. Concerts de musique sacrée (Messe en Ut mineur de Mozart, en Mi bémol majeur de Schubert. En 2009, lauréate de la première édition des Saisons des Voix, à Gordes, Premier prix au Concours d’art lyrique d’Alès des jeunes talents. Vient d’obtenir son diplôme de fin d’études.

Alain Iltis, comédien et baryton.
Découvre ses voie et voix à Perpignan. En 2006, Conservatoire d’Avignon, classe de Catherine Thomasset. Rôle du baryton dans une création de Valérie Marestin, Mélodie à l’Opéra, de « Lui », dans l’Amour Masqué de Messager à l’opéra d’Avignon, de l’Ambassadeur dans l’Etoile de Chabrier, de Monsieur Ballandard dans Monsieur Choufleuri et don Pedro de Hinoyosa dans La Périchole d’Offenbach (2008 et 2009) dans différents lieux de la région. Actuellement, études de troisième cycle au Conservatoire.

Pratique

La Serva Padrona (1733) (La Servante Maîtresse)
Opéra-bouffe de Gianni Battista Pergolesi
Livret de Gennaro Maria Federico

Une production du cercle lyrique de Nîmes
Orchestre de chambre Mozaïque
Direction : Marie Christine Thomasset
Serpina : Raphaële Andrieu (Soprano)
Uberto : Cyril Rovery (baryton)
Vespone : Alain Iltis (comédien)
Mise en scène et textes additionnels en français : Jean-Marc Patris

Le Festival Côté Cour
27 juillet 2010, 21h15
Cloître des Oblats
54, Cours Mirabeau
Aix-en-Provence

pierre aimar
Mis en ligne le Dimanche 25 Juillet 2010 à 09:12 | Lu 4229 fois

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