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Mexique, muralisme : Le muraliste communiste Diego Rivera récupéré par l'ultra-libéralisme

Il est difficile quand on se rend au Mexique d'échapper à la grand'messe touristique dont Diego Rivera, pape contemporain de la peinture murale, serait Dieu le Père.
Cet athée notoire, communiste de la première heure, hôte de Léon Trotsky en 1937, secrétaire général du parti communiste Mexicain jusqu'à son exclusion prononcée ... par lui-même, en temps que secrétaire général au nom des camarades, est devenu un «produit» touristique de tout premier plan, au même titre que le site aztèque de Teotihuacan ou les stations balnéaires de Cancun ou d'Acapulco.
Le muralisme, art majeur de l'histoire moderne du Mexique, tend à prendre une place privilégiée dans la communication gouvernementale. Sous la forme d'une réelle usurpation intellectuelle.


Le Mexique actuel : «récup'art» politique ?

Mexico grève des taxis
Mexico grève des taxis
Ce qui est dommageable est la récupération - récup'art ?- opérée par l'état Mexicain.
Palais présidentiel, ministère de l'Education, musée San Ildefonso, Cour Suprême de Justice et de nombreux autres édifices publics à Mexico et dans de grandes villes du pays, reçoivent les touristes en rangs serrés pour admirer un Mexique d'Epinal.

Ce sont des années lumières qui séparent le Mexique actuel du Mexique révolutionnaire. L'économie ultra-libérale et la corruption sont les deux piliers de la société de 1998. Des piliers solides renforcés par les contraintes de l'accord sur le libre-échange nord-américain (A.l.e.n.a. ou Tratado de Libre Comercio signé le 1er janvier 1994), celles du Gatt et le mondialisme effréné. Le toujours moins d'état est mis à toutes les sauces, ce qui permet à l'état de se désengager en force. Ainsi l'enseignement ne relève du public que pour les six années du primaire. Secondaire et université sont payants et chers : environ 500 euros par mois alors que le salaire moyen tourne autour de 140 euros !

Le Muralisme, alibi démocratique d'un état corrompu

Mexique, muralisme : Le muraliste communiste Diego Rivera récupéré par l'ultra-libéralisme
Il y a une double escroquerie quant aux objectifs avoués de l'art mural.

La première est purement intellectuelle et relève de la responsabilité de José Vasconcelos, ministre de l'Education dans les années 20, qui commanda à Diego Rivera, David Alfaro Siqueiros et José Clemente Orozco, des fresques destinées à «instruire le peuple sur son passé, ses luttes, ses conquêtes et son avenir». En pleine période post-révolutionnaire mexicaine (1910-1920), russe (1917), après la première guerre mondiale que Rivera vécut à Paris, les muralistes s'en donnèrent à cœur joie et laissèrent libre cours à leur créativité pour dénoncer les atrocités de la colonisation, les horreurs du capitalisme le plus abrupt, et louer les vertus de la démocratie triomphante.

Escroquerie intellectuelle, car imaginer que les fresques qui ornent les murs du ministère de l'Education, à Mexico, peuvent «instruire les populations» de Rosario de Arriba (état de Baja california), ou de Chunhubub (état de Quintana Roo), villes situées à des centaines de kilomètres de la capitale et donc à des dizaines d'heures de voyage, relève d'un irréalisme inquiétant.

Inscrivons au crédit de cette époque une réelle volonté d'éducation populaire avec à la clé, la construction de 2000 écoles en milieu rural (1924-1930).

Pyramides sanglantes, opération aortes ouvertes

Mexique indiens
Mexique indiens
Deuxième escroquerie, la volonté bulldozer de Diego Rivera de construire une identité mexicaine nouvelle sur la double tragédie des indiens persécutés par les Conquistadores et des créoles saignés par la colonisation espagnole.

Règlons le sort de la beauté et de la pureté de la «brillante» civilisation aztèque. Latin, j'ai quelque fierté de trouver mes racines dans la Grèce Classique. Celle de l'Age d'Or, de la démocratie «idéale», de l'imagination de l'âme, de la philosophie, des mathématiciens qui avant notre ère ont la capacité de calculer la circonférence de la terre ...

Par contre, je ne vois pas quelle fierté on peut tirer d'une ascendance aztèque. Voilà une civilisation certes capable d'édifier des pyramides colossales : Piramide del Sol à Teotihuacan, pyramide de Cholula, comptent parmi les trois plus hautes du monde avec celle de Kéops. Et alors ? Les constructions monumentales du Mexique ne sont que de simples entassements de cailloux réalisés par des centaines de milliers d'esclaves. Nulle trace d'architecture au sens moderne du terme, c'est à dire l'élévation de murs fermés de plafonds et constituant de vrais édifices. Bref, un entassement destiné à écraser par son énormité des populations terrorisées par des prêtres sanguinaires.

Terrorisées à juste titre, car la religion de l'époque est fondée sur des principes simples : si l'on n'assassine pas régulièrement des hommes ou des femmes, le soleil ne se lève pas le lendemain ! Aussi, cette «brillante» civilisation a-t-elle procédé à des centaines de milliers d'assassinats rituels ... au nom d'un dieu !

J'exagère ? Quand Cortès fit détruire à Mexico les temples aztèques de Tenochtitlan (au cœur du Mexico actuel), ce sont plus de 130.000 crânes qui furent mis à jour. Notons que ce joyeux lieu de culte n'avait pas 100 ans.

Autre exemple ? En 1487, pour pendre la crémaillère d'un nouveau temple, le clergé eut à cœur d'extraire le cœur à 20.000 prisonniers. L'opération aorte ouverte dura quatre jours et s'acheva, non faute de «volontaires», mais à cause de l'épuisement des prêtres. Ailleurs, à El Tajin, la superbe Pyramide des Niches, compte très exactement 352 niches carrées de 50 cm de côté (photo ci-dessus). La bonne dimension pour placer chaque soir un cadavre en morceaux sans avoir à tenir des comptes trop compliqués pour remplir l'agenda.

Voilà en raccourci, la brillante civilisation que Diego Rivera entendait réhabiliter.

Soldats et soudards : sanglante conquête

Mexique tortures espagnoles
Mexique tortures espagnoles
Deuxième volet de l'identité culturelle Mexicaine : le peuple créole opprimé par le colon Espagnol. Soyons simples. Les soudards qui constituèrent les armées de la conquêtes n'étaient pas recrutés dans l'élite hispanique. Frustres, rustres, violents, sanguinaires, brutes, soient les qualités du soldat de toute époque, ces exécutants en s'accouplant aux indiens n'engendrèrent pas des éphèbes dignes de la Grèce décadente.

Rajoutons une couche. De 1520 à 1821, date de l'indépendance du Mexique, les colons Espagnols ne se privèrent pas d'exploiter à outrance les richesses du pays en usant sans retenue de l'esclavage, de la torture, des exécutions sommaires, de la terreur et du maintien du peuple dans la plus stricte ignorance.

C'est de tout ce fatras que Diego Rivera entendait extraire une identité. S'il fut le chef de l'église muraliste, Rivera devint rapidement le seul prêtre et membre de cette chapelle. Orozco, entre autres, dénonça rapidement l'hypocrisie du mouvement tout en couvrant les murs de fresques plus caricaturales qu'éducatives.
Que les Rivera et Vasconcelos se soient fourvoyés dans les utopies révolutionnaires est plutôt positif et, dans une certaine mesure, a fait évoluer l'immobilisme propre aux états conservateurs d'Amérique Latine.

Sois riche ou tais-toi !

Mexique police
Mexique police
Tout se paye de la main à la main, surtout quand on traite avec un fonctionnaire. Un extrait d'acte de naissance implique quelques billets au passage pour la poche de ce dernier. D'autant plus révoltant que le fonctionnaire de base perçoit au moins 3000 pesos mensuellement ... à comparer aux 800 pesos des 1500 salariés du Mont-de-Piété de Mexico en grève depuis décembre 97 et qui vraisemblablement n'obtiendront pas les 43 pesos d'augmentation par semaine qu'ils réclament.

Ainsi va le Mexique que ne reconnaîtrait pas Diego Rivera.

Un Diego qui aurait touché le fond de l'écœurement avec le cas Arturo Durazo : ce chef de la police de Mexico, à la fin des années 70, se retrouva à la tête d'une fortune de 600 millions de dollars planqués en Suisse et de quelques résidences luxueuses tant au Mexique qu'à l'étranger. N'omettons pas quelques chevaux de course. Petit détail, ce flic percevait un salaire officiel de 280 dollars par mois.
Cela se passait dans les années 70 me direz-vous. Erreur, j'ai été racketté par un honorable flic à moto à un carrefour des quartiers chics de Mexico : 500 pesos de la main à la main ou 1 mois de prison. Au choix. Mon «délit» ? Je n'ai pu présenter que la photocopie des papiers de la voiture de location. «Faux et usage de faux».
Pendant ce temps les touristes en rangs serrés arpentent les couloirs du Palais présidentiel et écoutent religieusement les guides faire l'apologie de la révolution mexicaine.

Pierre Aimar

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pierre aimar
Mis en ligne le Mercredi 30 Janvier 2008 à 01:11 | Lu 7721 fois

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