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Mam'zelle Nitouche s'encanaille à l'Opéra d'Avignon

L'opérette autobiographique d'Hervé


Une œuvre pas si naïve que cela qui retrouve enfin ses lettres de noblesse

Mam'zelle Nitouche s'encanaille à l'Opéra d'Avignon
Mam’zelle Nitouche brasse tous les ressorts du comique à partir d'un scénario totalement loufoque: l'oganiste Célestin, professeur de musique au couvent des Hirondelles troque chaque soir sa soutane contre un costume de scène et devient Floridor, compositeur de musique légère et amant de Corinne.
Il a notamment pour élève la jeune Denise de Flavigny, dont la vocation religieuse est plus que défaillante. Elle se fait rebaptiser Mamzelle'Nitouche , devient chanteuse à succès et séduit (sous cette identité) son propre fiancé, le lieutenant des dragons Fernand de Champlâtreux
.

Cette histoire à dormir debout a pourtant un fond de vérité.
C'est la vie même d'Hervé ! Florimond Ronger (pour l'état-civil) fut pendant huit ans organiste à l'église Saint-Eustache ! Attiré par le théâtre, doté d'une jolie voix de ténor, il écumait les salles de banlieue et grâce au Marquis de Hervé il changea même son nom.
Meilhac et Millaud vont faire de ces facéties de jeunesse la trame de l'opérette.
Hervé – enfin délivré de l'ombre d'Offenbach - va donc souscrire, après être passé de parodies en farces burlesques, à l'opérette-vaudeville militaire alors en vogue en ces années quatre-vingt.
La musique, pas si simplette que cela, comporte peu d'ensembles vocaux et semble plutôt un faire valoir à des acteurs chantants plus que pour de vrais chanteurs.
Elle regorge pourtant de drôlerie et fourmille d'inventions dans le registre de la mélodie comique. Une chape de religiosité plane dans la partition, sous prétextes de rites monastiques autant que militaires. Un anticléricalisme érotisé (qui vient d'éclater superbement trois ans auparavant avec les Mousquetaires au Couvent) apporte une touche canaille. Qui en dit long sur cette France engoncée dans ses préjugés, ses conventions, où l'on doit se cacher pour vivre sa musique ou sa sexualité qui met en joie le public.

L'invocation à Sainte-Nitouche, le Gloria In Excelsis ou l'Alleluia soulèvent une hilarité coquine aux relents de fond d'alcôve consacrée. Deux cent douze représentations la première saison... Vox Populi, Vox Dei...
La production Bru Zane France, après avoir écumé la Suisse Romande, Toulon, en attendant Toulouse et Paris, faisait naturellement une halte (coproduction oblige) en Avignon.

Le metteur en scène Pierre-André Weitz (au passage cet homme Protée signe aussi costumes, scénographie et maquillage) a réuni pour l'occasion une formidable troupe d'acteurs-chanteurs-danseurs et les entraîne dans une délirante, une haletante course poursuite pleine de chausses-trappes et de portes qui claquent. Pas un temps mort dans ce show, ce musical en perpétuel mouvement... ça crie, ça gesticule, parle fort, les situations se suivent dans une chorégraphie réglée au millimètre, encore mieux que dans certains opéras ! Un spirituel mélange de Grande Eugène, Alcazar, Michou avec clin d'oeil obligé à La Cage aux Folles.

A tout seigneur, tout honneur : Olivier Py avec un brio exemplaire se tape trois rôles (deux travestissements et un inénarrable numéro de comique troupier digne d' Ouvrard) et met dans sa poche un public acquis d'avance.
Si Lara Neumann (Denise de Flavigny) passe avec une virtuosité réjouissante de l'opérette au negro-spiritual, le Major d'Eddie Chignara (autre Boum-Boum du répertoire?) s'il force un peu le trait est fort bien campé, caricaturé, chanté.
S'éloignant fort intelligemment des références cinématographiques dans le rôle, Damien Bigourdan dessine un Celestin/Floridor moins benêt que d'habitude.
Enfin, Samy Camps (Fernand à la voix de trompette) mériterait un vrai rôle à l'Opéra.
Dans la fosse, crinière au vent, Christophe Grapperon arriverait presque à nous faire prendre la partition d'Hervé pour du champagne millésimé, fait caracoler un Orchestre Régional Avignon-Provence comme survitaminé au Poppers, avec une frénésie, un enthousiasme communicatif balayant tout sur son passage.
Christian Colombeau

Christian Colombeau
Mis en ligne le Dimanche 17 Mars 2019 à 09:31 | Lu 375 fois

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