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La Gioconda de Ponchielli à Marseille ! Par Serge Alexandre

Quelle belle idée de Maurice Xiberras de programmer le chef d’œuvre de Ponchielli dans la production réalisée par Jean-louis Grinda déjà présentée à Saint-Etienne, Liège, Nice et Palerme pour débuter sa nouvelle saison!


Une œuvre rare

La Gioconda © Christian Dresse
La Gioconda © Christian Dresse
Ouvrage redoutable, il exige des voix hors pairs. Peut-être est-ce pour cette raison qu’il a petit à petit disparu des grandes scènes. Le livret réalisé par Arrigo Boito s’inspire librement du drame d’Hugo : Angelo, Tyran de Padoue.
Cette œuvre avait déjà fait l’objet d’un opéra sous la plume de Saverio Mercadante : Il Giuramento.

L’intrigue de cet opéra en quatre actes de Ponchielli se déroule à Venise au XVIIe siècle. Enzo Grimaldi, un noble génois banni de Venise, revient déguisé en marin. Il est aimé par la cantatrice Gioconda, mais aime Laura, la femme du grand conseiller et chef de l’inquisition Alvise. Barnaba, un espion qui désire Gioconda mais qu'elle repousse, reconnait Enzo et le dénonce au conseil… Lorsqu’on parcourt la partition, on mesure combien ces personnages ont été taillés pour d’immenses chanteurs, capables de nous transmettre le frisson en permanence propre au style vériste. On se souvient encore des incarnations mythiques de Maria Callas, Leyla Gencer, Elena Suliotis, Renata Tebaldi ou Ghena Dimitrova. Réussir une reprise de cette œuvre est une gageure.

Pari plutôt réussi dans la cité phocéenne ! Une réalisation scénique aboutie et respectueuse du livret

La mise en scène fidèle, classique et efficace de Jean-louis Grinda met en lumières les différentes phases du drame lyrique : folie et démesure sont bien présentes. La direction d’acteurs est particulièrement réussie et elle s’inscrit dans un climat pesant correspondant au gouvernement de Venise de l’époque qui favorisait les dénonciations. Elle s’appuie sur de beaux décors d’Éric Chevalier et de superbes costumes de Jean-Pierre Capeyron bien mis en lumières par Jacques Chatelet réalisé ici par Cyrille Chabert.

Un chef d’orchestre inspiré

Dans la fosse, le maestro Fabrizio Maria Carminati conduit avec souplesse et une maîtrise consommée de l’ouvrage, l’orchestre de l’Opéra de Marseille en état de grâce. Sa lecture est précise.
Il maintient parfaitement l’équilibre nécessaire entre la fosse et le plateau.
Il réussit même à magnifier par sa direction musicale le ballet de l’acte III rendu célèbre jadis par Walt Disney bien réalisé ici par Marc Ribaud et des danseurs irréprochables.
Il parvient à souligner la filiation de l’œuvre avec le grand opéra à la française. Il impose une certaine tenue à l’ensemble des interprètes. Les chœurs de l’opéra et la Maîtrise des Bouches-du-Rhône bien préparés par Pierre Iodice et Samuel Coquard sont un ravissement.

Une distribution quasi idéale

La soprano Micaela Carosi avec des moyens vocaux considérables ne parvient jamais ou presque à nous faire vibrer dans son incarnation de la Gioconda. Son grave dépourvu de moelleux et un vibrato parfois envahissant ne lui ont pas permis hélas de nous transporter. Aucun frisson pour le sublime aria Suicidio !
Au sommet de sa forme vocale, Béatrice Uria-Monzon incarne une Laura rêvée, sensuelle et impétueuse.
La chinoise Qiu Lin Zhang possède le grand contralto requis pour incarner La Cieca, la mère aveugle de la Gioconda.
Pour ses débuts à l’Opéra de Marseille, le ténor italien Riccardo Massi réussit sa prise de rôle d’Enzo scéniquement. Certes, on est loin du chant magnifique et admirable de Marcelo Alvarez à l’Opéra Bastille. Il incarne dignement le noble proscrit avec des aigus très surs nous faisant oublier un timbre dépourvu de charme. Cela se ressent malheureusement dans le célèbre aria Cielo e mar au deuxième acte.
Le baryton Marco Di Felice est quant à lui un excellent Barnaba offrant la dimension nécessaire à ce personnage maléfique tandis que la basse russe Konstantin Gorny en Alvise n’a rien à faire dans ce répertoire.
Ses défauts d’intonations et son manque d’envergure conjugués à une projection faiblarde sont criants.
Soulignons enfin les interprétations irréprochables de Jean-Maris Delpas, de Mikhael Piccone et de Christophe Berry.

Cette Gioconda restera une soirée mémorable qui tient la dragée haute à la production présentée à l’Opéra Bastille.
L’accueil chaleureux du public exigeant de la cité phocéenne en témoigne. Souhaitons qu’il ne faille pas attendre plus de trente ans pour retrouver cet ouvrage et peut-être un jour découvrir Marion Delorme du même compositeur jadis réalisé au Festival Radio France de Montpellier incarnée par l’inoubliable soprano italienne Denia Mazzola !
Serge Alexandre

La Gioconda a été représentée à Marseille du 1er au 10 octobre.
La soprano russe Elena Popovskaya a incarné la Gioconda le 10 octobre lors de la dernière.

Le prochain opéra Moïse et Pharaon de Rossini du 8 au 16 novembre présenté en version concertante dirigé par Paolo Arrivabeni sera un événement sans nul doute…
Avec Mariella Devia, Annick Massis, Lucie Roche, Ildar Abdrazakov, Jean-François Lapointe, Philippe Talbot, Julien Dran, Nicolas Courjal, Rémy Mathieu….

Renseignements et location : 04 91 55 11 10 ou 04 91 55 20 43
www.opera.marseille.fr

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 28 Octobre 2014 à 04:57 | Lu 273 fois

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