Rituel pour une métamorphose de Saadallah Wannous © Théâtre du Gymnase
Rituel pour une métamorphose du dramaturge syrien Saadallah Wannous (1941-1997) est une pièce de théâtre politique, revêtue de l'apparence d'une fable, qui se déroule à la fin du XIXème siècle dans un Damas imaginaire. Elle nous plonge dans une scandaleuse affaire de moeurs qui transforme étrangement ses principaux protagonistes en dévoilant à la fois leurs désirs intimes et les angoisses d'une société en crise. On y voit un Mufti tendre un piège au prévôt des marchands, Abdallah, en le prenant en flagrant délit de débauche avec la prostituée Warda, puis confondre Izzat, le chef de la police, en demandant à Moumina, la femme du prévôt, de se substituer à la courtisane emprisonnée. Humiliée par cet échange, cette dame en profite pour se libérer du poids de son mariage et devenir elle-même courtisane sous le nom d'Almâssa. Ce défi au pouvoir phallocrate et à l'équilibre social de la Cité provoque l'évènement tragique qui va lui coûter la vie.
L'auteur dramatique koweïtien Sulayman Al-Bassam, brillant représentant du théâtre contemporain dans le monde arabe, met en scène ce surprenant rituel avec les prestigieux Comédiens Français dans le cadre de Marseille 2013, Capitale européenne de la Culture. Sa version scénique réduit le texte de moitié en conservant les tableaux essentiels pour le déroulement des évènements. Quant à son interprétation qui a dû passer forcément par le filtre de la traduction française de Rania Samara, elle se nourrit de clichés occidentaux ou de représentations symboliques qui trahissent quelque peu l'esthétique singulière du théâtre arabe : ses invertis, ses travestis, ses prostituées appartiennent à l'univers de Lindsay Kemp. Célébrée par des militants anarchistes qui arborent des drapeaux noirs, son Almâssa se métamorphose en une Jeanne d'Arc à cotte de mailles, chaussée de cothurnes, et son Mufti, malade d'amour, s'inscrit dans la représentation d'une mise au tombeau de la Renaissance italienne. Enfin, à l'opposé, tandis qu'un religieux soufi, dans un moucharabieh, se livre à une lecture intériorisée du Coran, intrigues et destinées des personnages sont flashées sous des éclairs lumineux comme s'il s'agissait de les archiver.
Dans les rôles du Mufti et des notables, Thierry Hancisse, Laurent Natrella et Hervé Pierre, vêtus de riches costumes ottomans par Virginie Gervaise, déclament le texte avec une diction éclatante comme s'il s'agissait de vers de Racine, de prose de Musset ou de Montherlant. Sylvia Bergé (Warda, la patronne du bordel) et Julie Sicard (Almâssa) semblent imiter les prostituées du Balcon de Genet ou celles de Belle de Jour de Bunuel. Seul Denis Podalydès (Abdallah, le fou de dieu) se démarque par un jeu distancié pour faire valoir un esprit de tolérance ou tourner en dérision le fanatisme obtus. Quand il abandonne sa charge de prévôt, il nous offre un numéro de strip-tease intégral!
La magnifique scénographie de Sam Collins (décor qui relève à la fois de la maison damascène, du café maure ou du sérail de Bajazet) donne au spectacle cette couleur locale d'un univers oriental voluptueux qui flatte l'imagination puis se fissure avant de disparaître comme un mirage lorsque le texte calligraphié du conte s'écrit en ses limites. Elle contribue grandement au succès de cette production qui fait entrer au répertoire de la Comédie Française, pour la première fois, un texte traduit de la langue arabe.
Philippe Oualid
L'auteur dramatique koweïtien Sulayman Al-Bassam, brillant représentant du théâtre contemporain dans le monde arabe, met en scène ce surprenant rituel avec les prestigieux Comédiens Français dans le cadre de Marseille 2013, Capitale européenne de la Culture. Sa version scénique réduit le texte de moitié en conservant les tableaux essentiels pour le déroulement des évènements. Quant à son interprétation qui a dû passer forcément par le filtre de la traduction française de Rania Samara, elle se nourrit de clichés occidentaux ou de représentations symboliques qui trahissent quelque peu l'esthétique singulière du théâtre arabe : ses invertis, ses travestis, ses prostituées appartiennent à l'univers de Lindsay Kemp. Célébrée par des militants anarchistes qui arborent des drapeaux noirs, son Almâssa se métamorphose en une Jeanne d'Arc à cotte de mailles, chaussée de cothurnes, et son Mufti, malade d'amour, s'inscrit dans la représentation d'une mise au tombeau de la Renaissance italienne. Enfin, à l'opposé, tandis qu'un religieux soufi, dans un moucharabieh, se livre à une lecture intériorisée du Coran, intrigues et destinées des personnages sont flashées sous des éclairs lumineux comme s'il s'agissait de les archiver.
Dans les rôles du Mufti et des notables, Thierry Hancisse, Laurent Natrella et Hervé Pierre, vêtus de riches costumes ottomans par Virginie Gervaise, déclament le texte avec une diction éclatante comme s'il s'agissait de vers de Racine, de prose de Musset ou de Montherlant. Sylvia Bergé (Warda, la patronne du bordel) et Julie Sicard (Almâssa) semblent imiter les prostituées du Balcon de Genet ou celles de Belle de Jour de Bunuel. Seul Denis Podalydès (Abdallah, le fou de dieu) se démarque par un jeu distancié pour faire valoir un esprit de tolérance ou tourner en dérision le fanatisme obtus. Quand il abandonne sa charge de prévôt, il nous offre un numéro de strip-tease intégral!
La magnifique scénographie de Sam Collins (décor qui relève à la fois de la maison damascène, du café maure ou du sérail de Bajazet) donne au spectacle cette couleur locale d'un univers oriental voluptueux qui flatte l'imagination puis se fissure avant de disparaître comme un mirage lorsque le texte calligraphié du conte s'écrit en ses limites. Elle contribue grandement au succès de cette production qui fait entrer au répertoire de la Comédie Française, pour la première fois, un texte traduit de la langue arabe.
Philippe Oualid