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Paris, musée Rodin : Rodin-dessiner découper, exposition du 6 novembre 18 au 24 février 2019

Si Rodin reste aux yeux du public un sculpteur, ses dessins sont, dit-il, « la clé de mon œuvre ». L’exposition Rodin, dessiner découper, montre au public près de deux cent cinquante dessins au sein desquels quatre-vingt dix ont pour particularité le découpage et l’assemblage de figures. Jouant de la mise en espace de ces corps, ce procédé révèle d’audacieuses silhouettes découpées et un dynamisme d’une grande modernité. Cette exposition annonce un des modes d’expression novateurs du XXe siècle


Paris, musée Rodin : Rodin-dessiner découper, exposition du 6 novembre 18 au 24 février 2019

« J’ai une grande faiblesse pour ces petites feuilles de papiers ». C’est ainsi que Rodin manifestait son attachement à son œuvre dessiné. Dès ses débuts,
Rodin réalise – de façon indépendante de ses sculptures – des dessins qu’il exécute d’après le modèle vivant. Il présente ses dessins dans toutes les expositions qui lui sont consacrées, d’abord à Bruxelles, Amsterdam, Rotterdam, La Haye en 1899, puis à Paris en 1900, Prague en 1902 ou encore à Düsseldorf en 1904. Le musée conserve la majeure partie de cette œuvre dessinée, environ 7 500 feuilles.

Un mode opératoire inédit : dessiner, découper
Rodin soumet ses dessins faits d’un premier jet à diverses métamorphoses.
Il décalque ses dessins, repère le trait qui lui convient, pose la couleur en utilisant l’aquarelle, découpe ses figures, les replace, les assemble à d’autres figures et construit progressivement un dispositif inattendu. Dès ses jeunes années, Rodin procède au découpage de dessins et croquis qu’il colle dans des albums. Entre 1900 et 1910, il découpe une centaine de dessins de nus aquarellés qui forment le cœur de cette exposition. En les découpant, Rodin aime à les manipuler, les situer dans l’espace de multiples façons, les découper de manière volontairement approximative. Il joue avec les petites figures de papier qui sont l’équivalent de ses figures en plâtre. En mettant en relation ces découpages avec le caractère tridimensionnel de la sculpture, les figures découpées apparaissent comme un nouvel « objet » entre le dessin bidimensionnel et la sculpture. Dans une autre série, Rodin exécute à partir de ses figures découpées de véritables assemblages qu’il fixe lui-même sur un nouveau support, entrelaçant les corps dans une nouvelle composition.

Dessinés et découpés, ces dessins ne sont pas de simples accessoires techniques : ils ont conquis leur statut d’œuvres à part entière dont le dynamisme des silhouettes annonce la modernité de Matisse.

Commissariat général : Catherine Chevillot, Conservateur général du patrimoine et Directrice du musée Rodin
Commissariat : Sophie Biass-Fabiani, Conservateur du patrimoine, chargée des œuvres graphiques, des peintures et de l’art contemporain au musée Rodin

Parcours de l’exposition

Le musée met à nouveau à l’honneur sa collection de 7 500 dessins de Rodin. L’exposition rassemble pour la première fois les 90 dessins sur papier découpés et collés conservés au musée, sur un corpus estimé à une centaine d’œuvres. À leurs côtés sont présentés les dessins qui leurs sont proches afin de les restituer dans un processus cohérent de création.
Les œuvres dessinées ou sculptées pour lesquelles la démarche et les recherches plastiques sont parallèles viennent compléter cette sélection.
Enfin, quelques objets de la collection personnelle de l’artiste qui montrent sa prédilection pour la découpe sont présentés.
Deux grands types de découpage apparaissent. Le premier ensemble correspond à des dessins réalisés au moment de la commande de la Porte de l’enfer entre 1880 et 1889, dont les plus remarquables sont des
représentations de masques. Le second ensemble, daté autour de 1900-1908, le plus important, comprend des figures isolées découpées en un seul morceau ou quelquefois assemblées par deux. Quelques couples sont même découpés d’un seul tenant.

I - Dessins noirs » découpés et collés
Cette appellation désigne les œuvres réalisées pour la Porte de l’enfer. Ces papiers découpés représentent des masques, des démons ou des scènes liées à L’Enfer de Dante, qui sont tous collés sur des supports en papier plus grands, parfois retravaillés après le collage. Rodin dessine d’abord au crayon, puis ajoute, au pinceau ou
à la plume, de l’encre mélangée de gouache blanche. Parfois, l’artiste redéfinit les contours à l’encre ou au crayon. Plusieurs dessins ont été publiés en 1897 dans un ouvrage luxueux édité par Goupil, appelé album Fenaille, préfacé par le critique et écrivain Octave Mirbeau. Cette publication nous permet de savoir que les collages sont contemporains de la création de l’œuvre et de saisir l’importance de ces têtes que Rodin désigne sous le terme de « masque ».
Un ensemble plus singulier de découpages comporte des dessins collés sur des supports de catalogue publicitaire de tissus, dont Rodin réutilise les encadrements et les lettrines imprimés comme motif décoratif pour mettre en valeur son œuvre.

La découpe dans les collections
Rodin est un collectionneur acharné et le legs de son patrimoine à l’État comprend de nombreux objets qui proviennent d’échanges avec des amis ou d’acquisitions. Le thème des masques y est particulièrement présent. On le retrouve dans des gravures que lui a données Alphonse Legros, ami qui lui enseignait la gravure à Londres.
Les masques inventés et gravés par Legros pour une fontaine ou pour des vases sont proches des décors sculptés par Rodin pour le Trocadéro. Les antiques représentent la part la plus importante de la collection de Rodin. On a choisi de montrer des masques originaux aussi bien que des moulages d’originaux. La fin du XIXe siècle est un moment fort du japonisme en Occident.
Rodin a acquis divers masques de théâtre japonais plus ou moins réalistes. Le goût pour la découpe apparaît également dans une série de pochoirs japonais qui est présentée dans sa totalité : les motifs de végétaux et d’animaux se lisent en négatif par rapport à la peinture projetée. La découpe du papier en fibres de mûrier de papier imprégné de jus de kaki est particulièrement délicate.

II— Figures aquarellées découpées
À partir de 1890, Rodin s’attache à dessiner d’après le modèle vivant et change de style, à la recherche d’une simplification des formes et du rendu du mouvement ainsi que de son caractère naturel. Le dessin au crayon précède l’aquarelle et parfois s’y superpose à nouveau. La figure humaine concentre l’attention et le fond est le plus souvent indistinct. La découpe semble être le geste qui parachève la volonté d’isoler la figure. Tous les papiers découpés sont des dessins au crayon aquarellés sur un papier un peu épais, ce qui est peu fréquent dans la production de Rodin, ce qui peut laisser penser que le découpage est prévu dès l’origine par l’artiste.

Cette pratique relève de l’intimité : une seule de ces figures découpées a été exposée par Rodin.
Ni lui, ni les critiques n’en parlent. Quelques figures sont collées par deux sur des feuilles de papier dont elles débordent légèrement. Certaines compo- sitions ont au contraire été réalisées d’après des assemblages de figures découpées. Les assem- blages de papiers découpés évoquent ceux qui ont été sculptés en plâtre. La majorité des figures découpées nous sont donc parvenues libres, sans montage et sans être positionnées ou collées.

Pour l’exposition, les papiers découpés ont été montés et encadrés de la façon la plus neutre possible. L’orientation de la figure a été déterminée par plusieurs critères : le bord rectiligne du papier, quand il existe, suggère une horizontale de référence ; des dessins non découpés représentant la même position ou encore le sens de lecture des inscriptions.

Nouvelle acquisition : étude pour le Baiser

Couple enlacé, ou étude pour Le Baiser, 1880-1889 © agence photographique du musée Rodin, ph. J. Manoukian
Couple enlacé, ou étude pour Le Baiser, 1880-1889 © agence photographique du musée Rodin, ph. J. Manoukian
Ce dessin qui fait partie des très beaux dessins « noirs » de Rodin a été acquis par préemption en vente publique en mars 2018. À l’examen attentif on découvre qu’il s’agit un papier découpé collé. Il en a toutes les caractéristiques : étude préliminaire au crayon, lavis d’encre, ajout
de gouache blanche, reprise à la plume et à l’encre pour souligner les lignes de force qui ont disparu dans les à-plats, collage d’un papier de forme irrégulière qui suit les contours des figures sur un autre papier. Ce type d’œuvre montre à quel point le découpage est précoce dans les pratiques artistiques de Rodin. Le motif est découpé après avoir été dessiné approximativement mais l’artiste continue la mise en « couleurs » après le collage : la gouache recouvre le deuxième support qui fait ainsi intégralement partie de l’œuvre.
Le caractère achevé du dessin est marqué par le fait que Rodin y a apposé sa signature.

Bien que le thème du Baiser soit particulièrement important pour la sculpture, il existe peu de dessins consacrés à ce thème dans les collections. Le thème associé aux amours illégitimes de Paolo et Francesca de Rimini disparaît relativement vite du vantail de la Porte de l’Enfer, sans doute à cause de son trop grand décalage en regard de la représentation des tourments de l’Enfer. La composition du dessin correspond à un stade où l’étreinte conserve la violence de la recherche originelle qui se perçoit dans la bouche mordante de la femme et dans la manière d’attirer vers elle l’homme qui semble surpris

Les dessins érotiques

Rodin est connu pour ses dessins érotiques : les papiers découpés qui sont l’aboutissement de ses recherches formelles sur la figure humaine enrichissent ce corpus. La très grande majorité des figures sont nues. Certaines figures ont été utilisées en 1902 pour l’illustration du Jardin des supplices d’Octave Mirbeau. Les figures renversées, arquées vers l’arrière, au point où on ne peut plus voir la tête, font l’objet d’une attention particulière de la part de Rodin. C’est l’un des rares cas pour lequel on a une version féminine et une version masculine de la même position. Dans le cas de l’homme, on conserve des études préliminaires dans lesquelles la sellette à roulettes sur laquelle repose le modèle est esquissée. La figure de la femme, très suggestive d’un point de vue érotique, reçoit l’appellation de « pieuvre ». Le visage disparaît derrière le buste et seule l’arche des jambes, avec au centre le sexe, matérialise la figure. À certains égards, la figure prolonge l’Origine du Monde de Courbet.

Pratique

Musée Rodin de Paris
77 rue de Varenne 75 007 Paris
T. +33 (0)1 44 18 61 10

HORAIRES
ouvert tous les jours de 10 h à 18 h
fermé le lundi


Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 2 Octobre 2018 à 16:34 | Lu 494 fois

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