arts-spectacles.com
Sortir ici et a
Sortir ici et ailleurs, magazine des arts et des spectacles

Membre du Syndicat de la Presse Culturelle et Scientifique (SPCS) et de la Fédération Nationale de la Presse Spécialisée (FNPS)



Opéra de Toulon, « Norma » à Châteauvallon, une mise en espace poignante.


© Aurélien Kirchner
© Aurélien Kirchner
Une mise en espace poignante
Dans le cadre du festival La Vague Classique, l'Opéra de Toulon a présenté une mise en espace singulière de l'opéra "Norma" de Vincenzo Bellini (1801-1835). Après un prélude au Parc de la Méditerranée à Six-Fours-les-Plages le dimanche 22 juin, c'est la scène nationale de Chateauvallon qui a accueilli cette intense production hier soir, jeudi 26 juin 2025. Interprétée en italien, elle sera donnée à nouveau ce 28 juin à 21h30.

Un drame lyrique au cœur des conflits
"Norma", chef-d'œuvre du bel canto, nous plonge au cœur de la Gaule occupée par les Romains. Norma, grande prêtresse des druides, a secrètement trahi ses vœux en s'unissant à Pollione, proconsul romain, avec qui elle a eu deux enfants. Leur amour interdit est mis à l'épreuve lorsque Pollione tombe amoureux d'Adalgisa, une jeune vierge du temple et amie de Norma. Le drame se noue autour de la jalousie, de la trahison, du devoir religieux et de l'amour maternel, menant à un sacrifice final poignant.

Acte I : Le dilemme de la Grande Prêtresse
L'action se déroule dans la forêt sacrée des Druides. Les Gaulois, opprimés par Rome, attendent le signal de leur grande prêtresse, Norma, pour se soulever. Cependant, Norma, qui a secrètement eu deux enfants avec le proconsul romain Pollione, hésite. Elle chante sa célèbre prière à la lune, la sublime "Casta Diva", implorant la paix avec une mélodie d'une pureté saisissante. Ce moment de recueillement vocal, teinté de mélancolie, est un des sommets de l'opéra. Pollione, quant à lui, confie à son ami Flavio qu'il n'aime plus Norma et qu'il est tombé amoureux d'une jeune prêtresse, Adalgisa. Adalgisa, tiraillée par son amour naissant pour Pollione et ses vœux, demande conseil à Norma. C'est alors que les deux femmes réalisent qu'elles aiment le même homme. La fureur de Norma éclate lorsqu'elle comprend la trahison de Pollione, culminant dans la cabalette véhémente "Ah! bello a me ritorna", où son désespoir se mêle à une colère vengeresse.

Acte II : La Tragédie du Sacrifice
Dans sa demeure, Norma est sur le point de tuer ses enfants pour se venger de Pollione, mais l'amour maternel l'en empêche. Elle demande à Adalgisa de prendre soin de ses enfants et de partir avec Pollione. Les deux sopranos unissent alors leurs voix dans l'envoûtant duo "Mira, o Norma", un moment d'une rare beauté où la tendresse et la résignation se répondent. Mais Adalgisa, par loyauté envers Norma, refuse et décide de tenter de convaincre Pollione de revenir auprès de la prêtresse. Pendant ce temps, les Gaulois, lassés d'attendre, se préparent à la guerre. Pollione est capturé alors qu'il tente de s'emparer d'Adalgisa. Norma, face au dilemme de sacrifier soit Adalgisa soit Pollione, prend une décision héroïque et inattendue. Dans la scène finale, après un duo déchirant avec Pollione ("In mia man alfin tu sei"), elle avoue publiquement sa faute, se déclarant coupable d'avoir brisé ses vœux, et monte sur le bûcher, purifiant ainsi son âme. Touché par son courage et son amour, Pollione la rejoint dans la mort, dans un bouleversant final.

Une distribution remarquable malgré un changement de dernière minute
La distribution réunie pour cette mise en espace a livré des performances vocales et scéniques remarquables. Il est important de souligner que le rôle-titre de Norma, initialement prévu pour Zuzana Marková, a été repris au pied levé par Salome Jicia pour des raisons personnelles. Un défi de taille que Salome Jicia a relevé avec brio, témoignant d'une grande maîtrise et d'un engagement profond.
Salome Jicia (Norma) a incarné une Norma déchirée entre son amour pour Pollione, son rôle de prêtresse et sa dignité blessée. Sa voix, puissante et nuancée, a su exprimer avec force les tourments intérieurs du personnage, des moments de fureur aux instants de tendresse maternelle. Sa performance a été d'autant plus admirable qu'elle a dû s'adapter à cette reprise de dernière minute.
Mattéo Falcier (Pollione) a campé un Pollione convaincant, à la fois séducteur et lâche, dont la versatilité vocale a su rendre compte de l'ambivalence du personnage. Son interprétation a parfaitement mis en lumière la complexité de ce proconsul tiraillé entre deux femmes.
Emily Sierra (Adalgisa) a offert une Adalgisa touchante et innocente. Sa voix lyrique et pure s'est mariée magnifiquement avec celle de Norma lors de leurs duos, créant des moments de grande émotion.
Onay Köse (Oroveso) a incarné un Oroveso imposant et digne, chef des druides. Sa voix grave et autoritaire a apporté une véritable profondeur au rôle, soulignant la solennité des rituels et la ferveur du peuple.
Kaarin Cecilia Phelps (Clotilda) et Alexander Marev (Flavio) ont complété cette belle distribution, apportant leur soutien essentiel à l'ensemble.

Une mise en espace : l'essence avant tout
L'œuvre était présentée sous la forme d'une mise en espace, un concept souvent utilisé dans le monde lyrique. Il signifie que le spectacle est donné avec des éléments de décors et de costumes réduits au minimum, l'accent étant mis sur la musique, le chant et le jeu des interprètes. Il ne s'agit pas d'une production entièrement scénographiée avec des décors grandioses, mais plutôt d'une suggestion de l'action, permettant au public de se concentrer sur l'essence dramatique et musicale. Les costumes, très sobres et inattendus pour une œuvre de cette époque, ont participé à cette approche épurée, invitant le spectateur à une interprétation plus personnelle de l'œuvre.

Un bémol pour le surtitrage, crucial pour les néophytes
Un point qui a malheureusement perturbé mon expérience d'écoute fut l'illisibilité du surtitrage depuis mon emplacement. Dans un opéra, dont les livrets sont souvent complexes et en langue étrangère comme ici l'italien, le surtitrage est un outil essentiel pour la compréhension de l'intrigue et des nuances du texte. Pour les néophytes en particulier, il constitue une porte d'entrée indispensable pour apprécier pleinement le spectacle. Cette difficulté à suivre les paroles a, par moments, entravé l'immersion totale dans le drame.

Une émotion palpable et une ovation méritée
La puissance dramatique de "Norma" et la qualité des performances ont profondément touché le public. L'émotion était palpable tout au long de la soirée, culminant en une ovation chaleureuse et prolongée pour tous les artistes à l'issue de la représentation. Cette mise en espace a offert une plongée intense et mémorable dans l'un des opéras les plus emblématiques du répertoire. Une occasion à ne pas manquer pour ceux qui pourront assister à la prochaine représentation prévue le 28 juin.

L'Équipe Artistique et Musicale
Direction Musicale : Andréa Sanguineti
Mise en espace : Emmanuelle Bastet
Scénographie : Tim Northam
Lumières : François Thouret
Assistant à la direction musicale, Chef de chant : Hélio Vida
Chef de chœur : Christophe Bernollin
Orchestre et Chœur : Opéra de Toulon

Les Interprètes
Norma : Salome Jicia (en remplacement de Zuzana Marková)
Pollione : Mattéo Falcier
Adalgisa : Emily Sierra
Oroveso : Onay Köse
Clotilda : Kaarin Cecilia Phelps
Flavio : Alexander Marev

Leïla Metina-Bouchour 
Leila.metina@gmail.com
Photos : © Aurélien Kirchner

Leïla Metina-Bouchour
Mis en ligne le Vendredi 4 Juillet 2025 à 13:47 | Lu 72 fois

Nouveau commentaire :


Dans la même rubrique :
1 2 3 4 5 » ... 43

Festivals | Expositions | Opéra | Musique classique | théâtre | Danse | Humour | Jazz | Livres | Cinéma | Vu pour vous, critiques | Musiques du monde, chanson | Tourisme & restaurants | Evénements | Téléchargements