Jules Migonney, Le Bain maure, 1911, Huile sur toile, 104 x 188 cm. Bourg-en-Bresse, musée du monastère royal de Brou © Bourg-en-Bresse, musée du monastère royal de Brou.
Parallèlement, des artistes lyonnais (peintres, sculpteurs et décorateurs) se fascinent pour cet ailleurs : ils aiment à en représenter ou à en imaginer l’âpreté du désert, la sensualité et l’opulence des femmes des harems, le pittoresque des scènes de rues colorées.
Nombreux sont ceux qui entreprennent des voyages. Louis Appian, Lucien Mainssieux, Jules Migonney et Jean Seignemartin peignent ce qu’ils observent, rencontrent, durant leurs séjours tandis que d’autres comme Jean Puy livrent une vision fantasmée et poétique de l’Orient. L’exotisme touche tous les arts, et trouve à s’exprimer dans les scénographies d’opéra, Aïda, Salammbô et les motifs ornementaux des soieries
Nombreux sont ceux qui entreprennent des voyages. Louis Appian, Lucien Mainssieux, Jules Migonney et Jean Seignemartin peignent ce qu’ils observent, rencontrent, durant leurs séjours tandis que d’autres comme Jean Puy livrent une vision fantasmée et poétique de l’Orient. L’exotisme touche tous les arts, et trouve à s’exprimer dans les scénographies d’opéra, Aïda, Salammbô et les motifs ornementaux des soieries
En quelques mots, par Sylvie Carlier, directeur du musée Paul-Dini, musée municipal de Villefranche-sur-Saône
L’Orient se révèle au fil des récits de voyages, des albums pittoresques alors que les arts visuels et décoratifs témoignent plus particulièrement de l’attrait exercé par ces contrées méditerranéennes sur les artistes formés ou ayant exposé à Lyon. Dès la fin du XVIIIe siècle, l’attrait pour l’Orient marque les écoles occidentales. Avec la campagne d’Égypte de 1898, l’orientalisme français s’impose aux Salons parisiens. Les peintures d’Antoine-Jean Gros et d’Anne-Louis Girodet manifestent alors les ressources exotiques de la peinture dite « d’histoire ». La «Grèce retrouvée » offre une voie d’interprétation du Levant et du Maghreb, justifiant des parallèles avec l’Antiquité.
Le courant philhellène est marqué par le Lyonnais Pierre Bonirote, qui rencontre à Rome, en 1840, Jean-Dominique Ingres, Hippolyte Flandrin ainsi que la duchesse de Parme. Elle le charge de fonder à Athènes une école de peinture qu’il dirigera jusqu’en 1843. À son retour à Lyon en 1848, Bonirote expose Femmes à Smyrne ainsi que des scènes de la vie quotidienne des Athéniens. À la même période, en 1843-1844, les architectes Antoine-Marie Chenavard, Jean-Michel Dalgabio et le peintre Étienne Rey partent pour la Grèce et l’Orient. Leurs observations et dessins seront publiés dans l’ouvrage Voyage en Grèce et dans le Levant en 1849. Au contraire de son ami Adolphe Appian qui semble avoir interprété l’Orient d’après les images qui circulaient, c’est grâce à ses fonctions commerciales dans la soierie que Charles Montlevault découvre l’Afrique du Nord et le Proche-Orient. Il en ramène des motifs d’architecture qu’il réutilise dans plusieurs compositions comme La Grande Place de la mosquée et Port.
La prise d’Alger en 1830 rend progressivement la terre du Sud familière aux milieux artistiques attirés par sa lumière et sa sensualité. L’Algérie constitue une destination propice aux voyages artistiques et à la description d’impressions. L’orientalisme rêvé tend à s’estomper au profit d’un orientalisme vécu via l’observation des scènes quotidiennes. C’est le cas pour Barthélemy Pupier qui, au gré des campagnes militaires, rend compte de l’architecture par l’intermédiaire de ses lavis et toiles et atteste ainsi d’une étude rigoureuse des monuments algérois.
La figure de Félix Ziem se détache parmi les peintres orientalistes présents aux Salons lyonnais. Il se rend à Constantinople en juin 1856 puis prolonge son séjour en passant par l’Égypte puis Smyrne, Rhodes, Beyrouth et Damas. De retour à Paris, ses premières toiles, directement inspirées de ce voyage, sont présentées aux Salons de 1857 et 1859 et au Salon lyonnais des Amis des arts de 1863 et 1864. […] Félix-Auguste Clément s’illustre aussi parmi ces artistes qui poursuivent le rêve de l’Orient à leur retour en France. Formé à Lyon (1844-1848) puis à Paris (1848), il reçoit le premier prix de Rome puis séjourne en Égypte de 1862 à 1868.
La confrontation avec l’Orient incite certains peintres à emprunter des thèmes nouveaux: l’âpreté du désert, la sensualité des femmes des harems, le pittoresque des scènes de rues aux foules grouillantes et colorées. Le Lyonnais Jean Seignemartin (ancien élève de Joseph Guichard à l’école des beaux-arts de Lyon) se rend en Algérie en 1874 et en 1875, conduit par son mécène le docteur Raymond Tripier. […] Ses contemporains Louis Appian, David Girin et Joannès Drevet (en Algérie en 1892) peignent la lumière de ce monde oriental sensuel et vaste. Cette volonté de transcrire la lumière d’Orient se poursuit avec les oeuvres d’Antoine Barbier et d’Eugène Villon. Ces derniers créent, en 1934, la Société des aquarellistes lyonnais.
À Paris, la Société des peintres orientalistes français, fondée en 1893, instaure un salon annuel au palais de l’Industrie. Cet événement régulier contribue de façon significative à la formation des artistes ainsi qu’à la diffusion des connaissances sur l’art musulman. Si aucun salon « orientaliste » à proprement dit n’est organisé à Lyon, les artistes de l’actuel territoire de Rhône-Alpes sont, comme la plupart de leurs confrères français, grandement influencés par Delacroix, Gérôme et Ingres.
Membre de la Société des peintres orientalistes français, Marie Caire-Tonoir et son mari, Jean Caire, sillonnent aussi la Tunisie et l’Algérie. En 1897, elle expose à Tunis. Entre 1899 et 1900, le couple de peintres s’installe à Biskra et chacun réalise des tableaux décrivant de manière naturaliste la vie quotidienne.
En 1894, la Ville de Lyon met en place l’Exposition universelle, internationale et coloniale au parc de la Tête-d’Or. L’Exposition ouvre celle de l’Exposition coloniale, qui se matérialise sous forme de pavillons. Agencement qui jouit d’un certain succès populaire : quatre palais sont reconstitués dont ceux de l’Afrique occidentale, de l’Algérie – sur le modèle du palais Mustapha, résidence d’été du Gouverneur Jules Cambon –, de la Tunisie – réplique de la mosquée des Souk-el-Bey à Tunis –, et celui de l’Indochine – reprenant les ornementations d’une pagode annamite. C’est probablement la même attirance pour l’Orient qui amène le musée des Beaux-Arts de Lyon à acquérir au Salon de la Société lyonnaise des beaux-arts l’oeuvre, numérotée 662, de Gaston-Casimir Saint-Pierre, Saâdia (l’heureuse). L’artiste expose régulièrement à Lyon, notamment des sujets orientaux.
En 1906, Matisse part pour Alger, Constantine et Biskra. Il passe les hivers 1911 à 1913 à Tanger. Dans les années 1922-1929, [il] entame une série d’odalisques qu’il décline en d’amples lithographies. L’importance des blancs lui permet de suggérer, par des rapports de tons, le volume et la lumière.
L’Algérie offre une vision européenne en pleine création et ouvre, en 1907, sur les conseils du critique d’art Arsène Alexandre, une maison d’artistes proposant à de jeunes talents métropolitains de se transplanter sur la terre nord-africaine. Installée à la villa Abd-el-Tif, cette « villa Médicis » se révèle un lieu de stimulation pour les deux artistes que sont Jules Migonney et Pierre Deval. Jules Migonney, issu de l’école des beaux-Arts de Lyon, est pensionnaire de la villa Abd-el- Tif de 1909 à 1911. Il revient en Algérie en 1912 et en 1923. Ses peintures et ses gravures sur bois s’attachent à une figuration «documentaire » de scènes de la vie quotidienne algérienne, effectuées pour la plupart entre 1910 et 1912. Son amitié avec le Roannais Jean Puy, demeurant à Paris, l’inscrit dans l’environnement de Charles Camoin, Albert Marquet et Henri Matisse. Pierre Deval, lui aussi pensionnaire de la villa Abd-el-Tif de 1921 à 1923 (Le Port d’Alger, 1923), croise Albert Marquet à Alger et entreprend un voyage dans le Sud avant de s’y rendre une seconde fois – avec Marquet et le peintre Pierre Famin.
À l’instar de cette génération de peintres cherchant de nouvelles formes d’expression, les artistes lyonnais du Salon d’automne, du Salon lyonnais des beaux-arts et du Salon du Sud- Est présentent régulièrement des oeuvres empreintes de la lumière méditerranéenne.
Le peintre Louis Bouquet rapporte de son séjour tunisien en 1919 (son frère est médecin à Tunis) des petits formats colorés et animés d’un véritable luminisme. Il est probable qu’il fouille dans ses souvenirs de scènes du Maghreb pour peindre, en 1931, sa fresque pour le salon de l’Afrique du musée des Colonies. Quant à Fernand Majorel, il rend l’espace synthétique avec son paravent en privilégiant les zones de couleur en aplat. Marius Mermillon est aussi sous le charme de l’Orient. Ses dessins s’inspirent à la fois des odalisques d’Ingres et de Matisse et des recherches sur des sujets exotiques. Il nourrit ainsi l’ambition de faire « une étude curieuse sur la littérature exotique et coloniale». Les artistes qu’il défend au Salon du Sud-Est y exposent des oeuvres aux sujets orientaux – Charles Sénard par exemple, en 1905, avec Fantaisie orientale et Coin de harem. La presse lyonnaise relève d’ailleurs cet engouement pour l’Orient: la revue mondaine et culturelle lyonnaise Notre carnet (1925) reproduit Le Minaret de Pierre Combet-Descombes tandis qu’en 1926, Le Cimetière de Sidi-Bou-Saïd (Tunisie) de Lucien Mainssieux figure dans Les Arts à Lyon aux côtés de tableaux de Félix Vallotton et de Pierre Laprade. Combet- Descombes, marqué par son voyage à Salonique, nourrit sa vision symboliste de l’art. En 1921, Mainssieux se rend en Tunisie et sa découverte du monde islamique l’émerveille: il peint des marabouts, des palmeraies, des sables et des oasis. C’est pendant ces périples qu’il fait la connaissance de Fréha, qui sera sa femme et son modèle. À partir de 1931, il visite le Maroc à plusieurs reprises, puis écrit Le Maroc secret, accompagné de dessins, mais qui ne sera jamais publié. Ses peintures consistent en des portraits et des paysages aux couleurs vives, poussant la couleur jusqu’à la simplification absolue. Dans cette quête d’une lumière généreuse, le peintre Ricard-Cordingley s’éloigne des brumes du littoral septentrional pour saisir les vastes étendues du désert. Ses séjours au Maroc, dans les années 1920-1930, l’encouragent à apprivoiser les tons chauds et mordorés des lumières de l’Atlas marocain. Enfin, l’exotisme recouvre aussi les arts décoratifs. Les objets et les tissus orientaux constituent des sources d’imagination. Dès sa fondation au début du XIXe siècle, la chambre de commerce de Lyon joue un rôle majeur dans la découverte de l’Orient en entretenant des relations commerciales entre la France et les ports de Grèce occidentale, notamment Salonique, en suivant l’antique route de la Soie, la Syrie et la Chine.
La chambre de commerce apporte son concours à l’université de Lyon : elle « sait que [leur] ambition est de collaborer avec elle, parce qu’elle comprend la portée de [leurs] efforts et que le développement de la science est intimement lié au progrès du travail industriel ».
Par le biais des campagnes menées par l’université de Lyon, Jeanne Bardey, élève de Rodin pour la sculpture (1909), est attirée par la Grèce et l’Égypte où elle voyage, parfois accompagnée de son ami Édouard Herriot (Masque égyptien, s. d. et Trois Profils égyptiens, s. d.). En outre, ses frottis archéologiques permettent de relever des motifs rendus accessibles par les chercheurs et employés, puis par des entreprises de décoration d’intérieur ainsi que par la soierie lyonnaise.
Les modèles des fabriques lyonnaises développent des motifs ornementaux orientaux. L’attrait de Raoul Dufy pour les ressources décoratives de la xylographie favorise son aventure dans le textile, qui commence en 1912 pour s’achever en 1929. Il s’engage, par contrats, à fournir des projets textiles à la firme des soyeux lyonnais Ayuyer-Bianchini-Férier comme le motif de l’éléphant, repris dans des variations colorées différentes.
Parmi les artistes lyonnais, Antoine Vollon réalise d’«exotiques» décors de plaques émaillées des dessiccateurs Talabot-Persoz-Rogeat, commandées par la chambre de commerce de Lyon entre 1853 et 1854, et installées à la Condition publique des soies (Shang di, 1854). Leur ornementation s’inspire des peintures sur papier de Yeouqua (Fu si [filage], Canton, première moitié du XIXe siècle).
L’attachement à ce vaste espace de référence qu’est l’Orient et la mobilité accrue des individus laissent entrevoir la diversité des expressions et des identités culturelles vivantes sur le territoire de Rhône-Alpes. Les variations pittoresques qui ont rythmé ces périodes transforment au fur et à mesure l’artiste voyageur. La vision romantique cède la place à une vision ethnographique et décorative.
Le courant philhellène est marqué par le Lyonnais Pierre Bonirote, qui rencontre à Rome, en 1840, Jean-Dominique Ingres, Hippolyte Flandrin ainsi que la duchesse de Parme. Elle le charge de fonder à Athènes une école de peinture qu’il dirigera jusqu’en 1843. À son retour à Lyon en 1848, Bonirote expose Femmes à Smyrne ainsi que des scènes de la vie quotidienne des Athéniens. À la même période, en 1843-1844, les architectes Antoine-Marie Chenavard, Jean-Michel Dalgabio et le peintre Étienne Rey partent pour la Grèce et l’Orient. Leurs observations et dessins seront publiés dans l’ouvrage Voyage en Grèce et dans le Levant en 1849. Au contraire de son ami Adolphe Appian qui semble avoir interprété l’Orient d’après les images qui circulaient, c’est grâce à ses fonctions commerciales dans la soierie que Charles Montlevault découvre l’Afrique du Nord et le Proche-Orient. Il en ramène des motifs d’architecture qu’il réutilise dans plusieurs compositions comme La Grande Place de la mosquée et Port.
La prise d’Alger en 1830 rend progressivement la terre du Sud familière aux milieux artistiques attirés par sa lumière et sa sensualité. L’Algérie constitue une destination propice aux voyages artistiques et à la description d’impressions. L’orientalisme rêvé tend à s’estomper au profit d’un orientalisme vécu via l’observation des scènes quotidiennes. C’est le cas pour Barthélemy Pupier qui, au gré des campagnes militaires, rend compte de l’architecture par l’intermédiaire de ses lavis et toiles et atteste ainsi d’une étude rigoureuse des monuments algérois.
La figure de Félix Ziem se détache parmi les peintres orientalistes présents aux Salons lyonnais. Il se rend à Constantinople en juin 1856 puis prolonge son séjour en passant par l’Égypte puis Smyrne, Rhodes, Beyrouth et Damas. De retour à Paris, ses premières toiles, directement inspirées de ce voyage, sont présentées aux Salons de 1857 et 1859 et au Salon lyonnais des Amis des arts de 1863 et 1864. […] Félix-Auguste Clément s’illustre aussi parmi ces artistes qui poursuivent le rêve de l’Orient à leur retour en France. Formé à Lyon (1844-1848) puis à Paris (1848), il reçoit le premier prix de Rome puis séjourne en Égypte de 1862 à 1868.
La confrontation avec l’Orient incite certains peintres à emprunter des thèmes nouveaux: l’âpreté du désert, la sensualité des femmes des harems, le pittoresque des scènes de rues aux foules grouillantes et colorées. Le Lyonnais Jean Seignemartin (ancien élève de Joseph Guichard à l’école des beaux-arts de Lyon) se rend en Algérie en 1874 et en 1875, conduit par son mécène le docteur Raymond Tripier. […] Ses contemporains Louis Appian, David Girin et Joannès Drevet (en Algérie en 1892) peignent la lumière de ce monde oriental sensuel et vaste. Cette volonté de transcrire la lumière d’Orient se poursuit avec les oeuvres d’Antoine Barbier et d’Eugène Villon. Ces derniers créent, en 1934, la Société des aquarellistes lyonnais.
À Paris, la Société des peintres orientalistes français, fondée en 1893, instaure un salon annuel au palais de l’Industrie. Cet événement régulier contribue de façon significative à la formation des artistes ainsi qu’à la diffusion des connaissances sur l’art musulman. Si aucun salon « orientaliste » à proprement dit n’est organisé à Lyon, les artistes de l’actuel territoire de Rhône-Alpes sont, comme la plupart de leurs confrères français, grandement influencés par Delacroix, Gérôme et Ingres.
Membre de la Société des peintres orientalistes français, Marie Caire-Tonoir et son mari, Jean Caire, sillonnent aussi la Tunisie et l’Algérie. En 1897, elle expose à Tunis. Entre 1899 et 1900, le couple de peintres s’installe à Biskra et chacun réalise des tableaux décrivant de manière naturaliste la vie quotidienne.
En 1894, la Ville de Lyon met en place l’Exposition universelle, internationale et coloniale au parc de la Tête-d’Or. L’Exposition ouvre celle de l’Exposition coloniale, qui se matérialise sous forme de pavillons. Agencement qui jouit d’un certain succès populaire : quatre palais sont reconstitués dont ceux de l’Afrique occidentale, de l’Algérie – sur le modèle du palais Mustapha, résidence d’été du Gouverneur Jules Cambon –, de la Tunisie – réplique de la mosquée des Souk-el-Bey à Tunis –, et celui de l’Indochine – reprenant les ornementations d’une pagode annamite. C’est probablement la même attirance pour l’Orient qui amène le musée des Beaux-Arts de Lyon à acquérir au Salon de la Société lyonnaise des beaux-arts l’oeuvre, numérotée 662, de Gaston-Casimir Saint-Pierre, Saâdia (l’heureuse). L’artiste expose régulièrement à Lyon, notamment des sujets orientaux.
En 1906, Matisse part pour Alger, Constantine et Biskra. Il passe les hivers 1911 à 1913 à Tanger. Dans les années 1922-1929, [il] entame une série d’odalisques qu’il décline en d’amples lithographies. L’importance des blancs lui permet de suggérer, par des rapports de tons, le volume et la lumière.
L’Algérie offre une vision européenne en pleine création et ouvre, en 1907, sur les conseils du critique d’art Arsène Alexandre, une maison d’artistes proposant à de jeunes talents métropolitains de se transplanter sur la terre nord-africaine. Installée à la villa Abd-el-Tif, cette « villa Médicis » se révèle un lieu de stimulation pour les deux artistes que sont Jules Migonney et Pierre Deval. Jules Migonney, issu de l’école des beaux-Arts de Lyon, est pensionnaire de la villa Abd-el- Tif de 1909 à 1911. Il revient en Algérie en 1912 et en 1923. Ses peintures et ses gravures sur bois s’attachent à une figuration «documentaire » de scènes de la vie quotidienne algérienne, effectuées pour la plupart entre 1910 et 1912. Son amitié avec le Roannais Jean Puy, demeurant à Paris, l’inscrit dans l’environnement de Charles Camoin, Albert Marquet et Henri Matisse. Pierre Deval, lui aussi pensionnaire de la villa Abd-el-Tif de 1921 à 1923 (Le Port d’Alger, 1923), croise Albert Marquet à Alger et entreprend un voyage dans le Sud avant de s’y rendre une seconde fois – avec Marquet et le peintre Pierre Famin.
À l’instar de cette génération de peintres cherchant de nouvelles formes d’expression, les artistes lyonnais du Salon d’automne, du Salon lyonnais des beaux-arts et du Salon du Sud- Est présentent régulièrement des oeuvres empreintes de la lumière méditerranéenne.
Le peintre Louis Bouquet rapporte de son séjour tunisien en 1919 (son frère est médecin à Tunis) des petits formats colorés et animés d’un véritable luminisme. Il est probable qu’il fouille dans ses souvenirs de scènes du Maghreb pour peindre, en 1931, sa fresque pour le salon de l’Afrique du musée des Colonies. Quant à Fernand Majorel, il rend l’espace synthétique avec son paravent en privilégiant les zones de couleur en aplat. Marius Mermillon est aussi sous le charme de l’Orient. Ses dessins s’inspirent à la fois des odalisques d’Ingres et de Matisse et des recherches sur des sujets exotiques. Il nourrit ainsi l’ambition de faire « une étude curieuse sur la littérature exotique et coloniale». Les artistes qu’il défend au Salon du Sud-Est y exposent des oeuvres aux sujets orientaux – Charles Sénard par exemple, en 1905, avec Fantaisie orientale et Coin de harem. La presse lyonnaise relève d’ailleurs cet engouement pour l’Orient: la revue mondaine et culturelle lyonnaise Notre carnet (1925) reproduit Le Minaret de Pierre Combet-Descombes tandis qu’en 1926, Le Cimetière de Sidi-Bou-Saïd (Tunisie) de Lucien Mainssieux figure dans Les Arts à Lyon aux côtés de tableaux de Félix Vallotton et de Pierre Laprade. Combet- Descombes, marqué par son voyage à Salonique, nourrit sa vision symboliste de l’art. En 1921, Mainssieux se rend en Tunisie et sa découverte du monde islamique l’émerveille: il peint des marabouts, des palmeraies, des sables et des oasis. C’est pendant ces périples qu’il fait la connaissance de Fréha, qui sera sa femme et son modèle. À partir de 1931, il visite le Maroc à plusieurs reprises, puis écrit Le Maroc secret, accompagné de dessins, mais qui ne sera jamais publié. Ses peintures consistent en des portraits et des paysages aux couleurs vives, poussant la couleur jusqu’à la simplification absolue. Dans cette quête d’une lumière généreuse, le peintre Ricard-Cordingley s’éloigne des brumes du littoral septentrional pour saisir les vastes étendues du désert. Ses séjours au Maroc, dans les années 1920-1930, l’encouragent à apprivoiser les tons chauds et mordorés des lumières de l’Atlas marocain. Enfin, l’exotisme recouvre aussi les arts décoratifs. Les objets et les tissus orientaux constituent des sources d’imagination. Dès sa fondation au début du XIXe siècle, la chambre de commerce de Lyon joue un rôle majeur dans la découverte de l’Orient en entretenant des relations commerciales entre la France et les ports de Grèce occidentale, notamment Salonique, en suivant l’antique route de la Soie, la Syrie et la Chine.
La chambre de commerce apporte son concours à l’université de Lyon : elle « sait que [leur] ambition est de collaborer avec elle, parce qu’elle comprend la portée de [leurs] efforts et que le développement de la science est intimement lié au progrès du travail industriel ».
Par le biais des campagnes menées par l’université de Lyon, Jeanne Bardey, élève de Rodin pour la sculpture (1909), est attirée par la Grèce et l’Égypte où elle voyage, parfois accompagnée de son ami Édouard Herriot (Masque égyptien, s. d. et Trois Profils égyptiens, s. d.). En outre, ses frottis archéologiques permettent de relever des motifs rendus accessibles par les chercheurs et employés, puis par des entreprises de décoration d’intérieur ainsi que par la soierie lyonnaise.
Les modèles des fabriques lyonnaises développent des motifs ornementaux orientaux. L’attrait de Raoul Dufy pour les ressources décoratives de la xylographie favorise son aventure dans le textile, qui commence en 1912 pour s’achever en 1929. Il s’engage, par contrats, à fournir des projets textiles à la firme des soyeux lyonnais Ayuyer-Bianchini-Férier comme le motif de l’éléphant, repris dans des variations colorées différentes.
Parmi les artistes lyonnais, Antoine Vollon réalise d’«exotiques» décors de plaques émaillées des dessiccateurs Talabot-Persoz-Rogeat, commandées par la chambre de commerce de Lyon entre 1853 et 1854, et installées à la Condition publique des soies (Shang di, 1854). Leur ornementation s’inspire des peintures sur papier de Yeouqua (Fu si [filage], Canton, première moitié du XIXe siècle).
L’attachement à ce vaste espace de référence qu’est l’Orient et la mobilité accrue des individus laissent entrevoir la diversité des expressions et des identités culturelles vivantes sur le territoire de Rhône-Alpes. Les variations pittoresques qui ont rythmé ces périodes transforment au fur et à mesure l’artiste voyageur. La vision romantique cède la place à une vision ethnographique et décorative.
Renseignements pratiques
Musée Paul-Dini
2 place Faubert
69400 Villefranche-sur-Saône
Tél. 04 74 68 33 70 Fax 04 74 62 35 13
musee.pauldini@villefranche.net
www.musee-paul-dini.com
horaires d’ouverture
mercredi de 13h30 à 18h ; jeudi et vendredi de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h ; samedi et dimanche de 14h30 à 18h
Le musée est fermé le lundi, le mardi, le mercredi matin, les jours fériés (1er et 11 novembre, du 25 au 27 décembre 2013, 1er janvier, 20 avril, 1er, 8 et 29 mai, 8 juin, 14 juillet et 15 août 2013)
droits d’entrée
plein tarif : 5€ / tarif réduit : 3€
groupes : 3€ (à partir de 10 personnes, sur réservation)
gratuité : moins de 18 ans
pass’musée: 20€ (libre accès pendant 1 an)
À noter : entrée libre et gratuite pour tous les 1ers dimanches du mois
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2 place Faubert
69400 Villefranche-sur-Saône
Tél. 04 74 68 33 70 Fax 04 74 62 35 13
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horaires d’ouverture
mercredi de 13h30 à 18h ; jeudi et vendredi de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h ; samedi et dimanche de 14h30 à 18h
Le musée est fermé le lundi, le mardi, le mercredi matin, les jours fériés (1er et 11 novembre, du 25 au 27 décembre 2013, 1er janvier, 20 avril, 1er, 8 et 29 mai, 8 juin, 14 juillet et 15 août 2013)
droits d’entrée
plein tarif : 5€ / tarif réduit : 3€
groupes : 3€ (à partir de 10 personnes, sur réservation)
gratuité : moins de 18 ans
pass’musée: 20€ (libre accès pendant 1 an)
À noter : entrée libre et gratuite pour tous les 1ers dimanches du mois
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