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Le Sacre du Printemps, exposition autour du thème de la matière sacrée, galerie Maubert, Paris, du 27 avril au 31 août 2012

Quel caractère sacré peut-on accorder à la matière? Comment l’esprit est-il représenté - incarné - dans la matière?
Pour sa nouvelle exposition, la Galerie Maubert questionne le rapport entre l’oeuvre et la spiritualité, la matière et le sacré, en confrontant les mediums (peintures, sculptures, photographies et installations) au travers d’un choix d’artistes modernes et contemporains.


Lucien Hervé, Cathédrale de Brasilia, 1961.
Lucien Hervé, Cathédrale de Brasilia, 1961.
Aujourd’hui, plus qu’hier, on redécouvre la « valeur » de la matière. On en tire des énergies nouvelles, on la recycle, on en extrait des éléments précieux dont les cours s’envolent… Avec l’avènement du monde virtuel et la facilité de reproduction des formes numérisées, l’objet tangible et lourd, authentique, original retrouve son aura, selon Walter Benjamin : la richesse, la magie, la chaleur, l’intelligence, la divinité de l’irremplaçable et fragile matière.

Le philosophe Marcel Gauchet explique : « on est dans le sacré quand on a une attestation tangible de ce qui, normalement, relève d’un ordre indicible, extérieur à la sphère humaine et profane. Le sacré, c’est un lieu de rencontre entre le surnaturel et le naturel. »
Pour nombre de religions, croyances et philosophies, la matière est au centre d’un débat ancestral : est-elle vraiment plus qu’un simple arrangement d’atomes ?
Par exemple, dans les rituels chamaniques, le feu transmute la matière, il la renouvelle pour qu’une nouvelle forme puisse renaître des cendres. Autour de ce feu, l’homme prie et communie (est comme uni).
De même, dans les récits de la Genèse, Dieu crée la terre, et façonne l’homme à partir de la glaise. Les oeuvres de la peintre russe Faïna Kremerman relèvent elles aussi d’une cosmogonie. L’artiste syncrétise, dans ses toiles abstraites et monumentales, le mystère du cycle de la création et de l’avènement de l’homme sur la terre. Scindés et pourtant indissociables, deux espaces, vibrant à la surface de la toile, symbolisent la terre et l’homme.

Certains artistes mettent en avant la charge sacrée de la matière.
La Terre pour le peintre coréen Sung-Pil CHAE. Cette Terre Sacrée, substance d’un être originel, il la projette sur la toile, la manipule, façonnant des paysages mystérieux. Héritier du taoisme, Sung-Pil CHAE tente de réconcilier l’homme et la Nature, la raison et l’intuition, le réel et le sacré, le corps et l’esprit, le coeur et la main…

La pierre, le béton chez le photographe Lucien HERVE. Photographe attitré de Le Courbusier, Lucien Hervé s’est régulièrement intéressé aux lieux empreints de spiritualité. Dans ces photographies - chapelles contemporaines, temples antiques, abbayes anciennes comme celle du Thoronet... - la matière sacrée, qu’elle soit pierre ou béton brut, est frappée d’une puissante lumière. Celle qui dicte l’écriture du photographe et nous plonge dans une perfection géométrique des jeux d’ombre et lumière.

Les cendres, chez le photographe Olivier VALSECCHI. Pour sa série Dust, Olivier Valsecchi a photographié des modèles recouverts de cendres qui se sont livrés à des chorégraphies jusqu’à épuisement, jusqu’à atteindre une «dislocation du corps et de l’esprit ». Nimbé dans la nitescence d’un clair-obscur, révélant sa puissance physique, le corps s’exerce aussi au sacré.

Le corps, en tant que matière spirituelle, fascine le plasticien Erwan LE DIBERDER. Ses “labyrinthes centrifuges” aspirent vers le centre, propulsent dans une autre dimension qui nécessite une décorporation une dématérialisation, un abandon du corps vers un état spirituel. Artiste du détail, il nous invite au rituel. Celui de ses encres, déposées avec obsession, où le cercle constitue une manifestation universelle de l’être unique, parfait, immuable, sans commencement ni fin. Mais un rituel libre et personnel, comme dans l’installation distribuant des hosties « ego te absolvo ».

Pour d’autres artistes, le sacré, immatériel, ne peut s’incarner dans la matière. Selon sa propre théologie, SZAJNER considère que le sacré n’a pas d’existence matérielle autre que celle de la vie. Vouloir le représenter serait une tentative naïve et profane, ou bien une désacralisation par l’homme des manifestations naturelles de Dieu. A partir du moment où l’homme «transforme » le vivant, il fait acte de Démiurge et transgresse l’interdit en mettant un pied sur le territoire de Dieu.
Finalement ce n’est peut-être pas la matière qui est sacrée, mais plutôt sa sublimation par l’artiste. Selon Marcel Gauchet, « L’artiste est un créateur. Il a cette capacité d’amener, à l’image de Dieu, de nouveaux objets à la vie. Il fait surgir les choses du néant. »

Pratique

Photographies
Lucien Herve
Olivier Valsecchi

Sculptures & Installation
Erwann Le Diberder
Szajner

Peintures
Sung-Pil Chae
Ladislas Kijno
Faïna Kremerman
Erwann Le Diberder

Galerie Maubert
20 rue Saint-Gilles
75003 Paris
+33 (0)1 44 78 01 79
galeriemaubert@galeriemaubert.com
www.galeriemaubert.com

Pierre Aimar
Mis en ligne le Vendredi 23 Mars 2012 à 12:39 | Lu 811 fois

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