Willem Adriaensz. van Nieulandt II Vue de Rome depuis la route menant à la basilique de Saint-Jean-de-Latran
De nouvelles approches se mettent en place tout au long du siècle, notamment l’apparition du paysage idéal. S’interroger sur la manière dont les artistes ont appréhendé cette ville et ses environs est l’objet de cette exposition et du catalogue, à travers la collection des Beaux-Arts de Paris qui compte un ensemble tout à fait exceptionnel de dessins dans ce domaine.
Dès 1582 l’Anversois Paul Bril s’installe à Rome suivi en 1594 par le Francfortois Adam Elsheimer, tandis qu’Annibale Carracci y arrive en 1595, encore influencé par ses compatriotes Domenico Campagnola et Girolamo Muziano.
La découverte de Rome commence par ses célèbres ruines antiques, son forum, qui sont représentés à travers le genre de la Vedute déjà mise à l’honneur avec Jan van Scorel et Marteen van Heemskerck au début du siècle. Ce premier contact se fait parfois par l’intermédiaire de dessins déjà existants que les jeunes artistes copient dans l’atelier afin de se familiariser avec les motifs, comme en témoignent les croquis de Frederik van Valckenborch, exécutés d’après des feuillets d’un carnet de voyage de Jan Brueghel datés de 1595. La plupart du temps, ils affrontent la réalité, étudiant sur le site les monuments romains, soit dans de simples relevés illustrés par la Pyramide de Cestius de Claude Gellée dit le Lorrain où le peintre se montre encore hésitant dans son trait et sa représentation de la perspective, soit dans des feuilles beaucoup plus élaborées, comme celle du Mont Palatin et du Circus Maximus de Cornelis van Poelenburch.
La deuxième appropriation de la ville et ses environs passe par les promenades que ces dessinateurs entreprennent, comme le décrit Joachim von Sandrart, par groupes – particulièrement la fameuse Shilders-Bent - ou en solitaire. Les chemins empruntés, ceux du Lorrain par exemple, ont fait l’objet de nombreuses recherches et on peut aujourd’hui en reconstituer un certain nombre. Longer le Tibre et gagner la campagne constituent les buts privilégiés de leurs pérégrinations, franchissant de nombreux ponts qu’ils immortalisent dans leurs études : le Ponte Molle, théâtre de la fameuse bataille de Constantin en octobre 312, permettait à Poussin ou Lorrain d’accéder aux abords de la Villa Madame ou encore le Ponte Rotto, considéré comme un des plus vieux ponts en pierre de la ville. Sur la route, l’architecture vernaculaire retient également leur intérêt, mais une fois dans la nature, c’est la lumière qui occupe l’essentiel de leurs recherches : en dehors de Tivoli qui attise la curiosité dès le XVIe siècle, certains sites sont souvent fréquentés, comme le lac de Bracciano, le château fort Orsini de Torre di Chia ou le mont Soracte. Enfin, les effets d’ombre et de lumière s’accompagnent d’une description scrupuleuse de la géographie des lieux, pics rocheux, montagnes dénudées de végétation ou bosquets d’arbres. Ces études peuvent embrasser des vues panoramiques d’un vaste paysage ou au contraire un motif isolé, comme l’Étude d’un arbre de Lorrain vibrant sous la lumière chaude de la journée.
Au retour dans leurs ateliers, les artistes rapportaient une moisson riche d’émotions et de souvenirs, consignés dans des carnets de croquis ou enfouis dans leur mémoire, leur permettant de poursuivre leur travail. Les Beaux-Arts de Paris conservent, en dehors des études exécutées sur le vif, un certain nombre de dessins beaucoup plus élaborés, correspondant à des projets précis. Certains reprennent des premières pensées dans des compositions plus structurées qui peuvent servir de point de départ à des études préparatoires pour des fresques, des toiles ou des estampes. Le paysage connaît en effet un large développement dans le décor des palais et des villas des grandes familles romaines, où des marines ou des vues idéalisées de la nature sont associées à des scènes mythologiques ou allégoriques peintes à fresque. Les dessins de Filippo Napoletano, d’Agostino Tassi ou encore de Francesco Grimaldi témoignent de cet engouement. Parallèlement certaines familles qui estimaient descendre en droite ligne des héros de l’antiquité et plus particulièrement d’Énée, ancêtre mythique des fondateurs de Rome, souhaitaient affirmer l’ancienneté de leur lignage par des commandes de tableaux ayant pour sujet des épisodes de l’Énéide. Ainsi le Débarquement d’Énée du Lorrain répond-t-il à cette volonté. Enfin certaines feuilles sont destinées à être gravées, comme l’illustre le Saint Eustache de Girolamo Muziano traduit au burin par Cornelis Cort.
Quoi qu’il en soit du statut de l’oeuvre dessinée, la plupart des artistes semblent privilégier une technique assez similaire : peu de sanguine et de pierre noire qui sont en revanche très utilisées par les pensionnaires de l’Académie de France à Rome au XVIIIe siècle au profit de la plume et surtout du lavis brun jouant des réserves de papier pour marquer les contrastes d’ombre et de lumière.
On relève la présence de quelques rehauts d’indigo pour les Flamands encore tributaires de l’art de Jan Brueghel qui tend à s’estomper avec Cornelis van Poelenburch et Bartholomäus Breenbergh. Ces derniers optent résolument comme Le Lorrain vers le lavis qui permet des subtilités dans le rendu de l’intensité de la lumière d’une grande variété.
Cette exposition a pu bénéficier des recherches menées ces dernières années, particulièrement à l’occasion des expositions parisiennes en 2011, Nature et idéal et Claude Gellée dit le Lorrain : le dessinateur face à la nature qui ont permis de mettre en valeur l’originalité de ces phénomène qui ne connaît que de brefs équivalents dans le reste de l’Europe, à Prague par exemple avec Roelandt Savery, Paulus van Vianen et Isaak Major.
Commissaire de l’exposition Emmanuelle Brugerolles
Dès 1582 l’Anversois Paul Bril s’installe à Rome suivi en 1594 par le Francfortois Adam Elsheimer, tandis qu’Annibale Carracci y arrive en 1595, encore influencé par ses compatriotes Domenico Campagnola et Girolamo Muziano.
La découverte de Rome commence par ses célèbres ruines antiques, son forum, qui sont représentés à travers le genre de la Vedute déjà mise à l’honneur avec Jan van Scorel et Marteen van Heemskerck au début du siècle. Ce premier contact se fait parfois par l’intermédiaire de dessins déjà existants que les jeunes artistes copient dans l’atelier afin de se familiariser avec les motifs, comme en témoignent les croquis de Frederik van Valckenborch, exécutés d’après des feuillets d’un carnet de voyage de Jan Brueghel datés de 1595. La plupart du temps, ils affrontent la réalité, étudiant sur le site les monuments romains, soit dans de simples relevés illustrés par la Pyramide de Cestius de Claude Gellée dit le Lorrain où le peintre se montre encore hésitant dans son trait et sa représentation de la perspective, soit dans des feuilles beaucoup plus élaborées, comme celle du Mont Palatin et du Circus Maximus de Cornelis van Poelenburch.
La deuxième appropriation de la ville et ses environs passe par les promenades que ces dessinateurs entreprennent, comme le décrit Joachim von Sandrart, par groupes – particulièrement la fameuse Shilders-Bent - ou en solitaire. Les chemins empruntés, ceux du Lorrain par exemple, ont fait l’objet de nombreuses recherches et on peut aujourd’hui en reconstituer un certain nombre. Longer le Tibre et gagner la campagne constituent les buts privilégiés de leurs pérégrinations, franchissant de nombreux ponts qu’ils immortalisent dans leurs études : le Ponte Molle, théâtre de la fameuse bataille de Constantin en octobre 312, permettait à Poussin ou Lorrain d’accéder aux abords de la Villa Madame ou encore le Ponte Rotto, considéré comme un des plus vieux ponts en pierre de la ville. Sur la route, l’architecture vernaculaire retient également leur intérêt, mais une fois dans la nature, c’est la lumière qui occupe l’essentiel de leurs recherches : en dehors de Tivoli qui attise la curiosité dès le XVIe siècle, certains sites sont souvent fréquentés, comme le lac de Bracciano, le château fort Orsini de Torre di Chia ou le mont Soracte. Enfin, les effets d’ombre et de lumière s’accompagnent d’une description scrupuleuse de la géographie des lieux, pics rocheux, montagnes dénudées de végétation ou bosquets d’arbres. Ces études peuvent embrasser des vues panoramiques d’un vaste paysage ou au contraire un motif isolé, comme l’Étude d’un arbre de Lorrain vibrant sous la lumière chaude de la journée.
Au retour dans leurs ateliers, les artistes rapportaient une moisson riche d’émotions et de souvenirs, consignés dans des carnets de croquis ou enfouis dans leur mémoire, leur permettant de poursuivre leur travail. Les Beaux-Arts de Paris conservent, en dehors des études exécutées sur le vif, un certain nombre de dessins beaucoup plus élaborés, correspondant à des projets précis. Certains reprennent des premières pensées dans des compositions plus structurées qui peuvent servir de point de départ à des études préparatoires pour des fresques, des toiles ou des estampes. Le paysage connaît en effet un large développement dans le décor des palais et des villas des grandes familles romaines, où des marines ou des vues idéalisées de la nature sont associées à des scènes mythologiques ou allégoriques peintes à fresque. Les dessins de Filippo Napoletano, d’Agostino Tassi ou encore de Francesco Grimaldi témoignent de cet engouement. Parallèlement certaines familles qui estimaient descendre en droite ligne des héros de l’antiquité et plus particulièrement d’Énée, ancêtre mythique des fondateurs de Rome, souhaitaient affirmer l’ancienneté de leur lignage par des commandes de tableaux ayant pour sujet des épisodes de l’Énéide. Ainsi le Débarquement d’Énée du Lorrain répond-t-il à cette volonté. Enfin certaines feuilles sont destinées à être gravées, comme l’illustre le Saint Eustache de Girolamo Muziano traduit au burin par Cornelis Cort.
Quoi qu’il en soit du statut de l’oeuvre dessinée, la plupart des artistes semblent privilégier une technique assez similaire : peu de sanguine et de pierre noire qui sont en revanche très utilisées par les pensionnaires de l’Académie de France à Rome au XVIIIe siècle au profit de la plume et surtout du lavis brun jouant des réserves de papier pour marquer les contrastes d’ombre et de lumière.
On relève la présence de quelques rehauts d’indigo pour les Flamands encore tributaires de l’art de Jan Brueghel qui tend à s’estomper avec Cornelis van Poelenburch et Bartholomäus Breenbergh. Ces derniers optent résolument comme Le Lorrain vers le lavis qui permet des subtilités dans le rendu de l’intensité de la lumière d’une grande variété.
Cette exposition a pu bénéficier des recherches menées ces dernières années, particulièrement à l’occasion des expositions parisiennes en 2011, Nature et idéal et Claude Gellée dit le Lorrain : le dessinateur face à la nature qui ont permis de mettre en valeur l’originalité de ces phénomène qui ne connaît que de brefs équivalents dans le reste de l’Europe, à Prague par exemple avec Roelandt Savery, Paulus van Vianen et Isaak Major.
Commissaire de l’exposition Emmanuelle Brugerolles
Informations pratiques
École nationale supérieure des beaux-arts
Cabinet des Dessins Jean Bonna, Palais des études, cour vitrée, entrée sur la gauche
14 rue Bonaparte, 75006 Paris
Métro Ligne 4 : Saint-Germain-des-Près, Bus : 24-27-39-63-70-86-87-95-96
www.beauxartsparis.fr
Ouverture du lundi au vendredi de 13h à 18h
Tarifs : plein 3€, réduit 2€ ; gratuit sur justificatif
Vernissage le 10 février 2014 à partir de 18h
Cabinet des Dessins Jean Bonna, Palais des études, cour vitrée, entrée sur la gauche
14 rue Bonaparte, 75006 Paris
Métro Ligne 4 : Saint-Germain-des-Près, Bus : 24-27-39-63-70-86-87-95-96
www.beauxartsparis.fr
Ouverture du lundi au vendredi de 13h à 18h
Tarifs : plein 3€, réduit 2€ ; gratuit sur justificatif
Vernissage le 10 février 2014 à partir de 18h