Le rouleau de Sade, l’incroyable épopée d’un manuscrit
Alors que l’on célèbre cette année le bicentenaire de la mort du Marquis de Sade (1740-1814), l’Institut des Lettres et Manuscrits expose pour la première fois en France l’une des œuvres les plus décriées de la littérature française : le rouleau autographe des 120 journées de Sodome ou l’École du libertinage. Écrit en 1785 par le Marquis de Sade sur un rouleau de papier mince, alors qu’il était emprisonné à la Bastille, ce manuscrit lui survécut et fut retrouvé lors de la prise de la forteresse. Son sauvetage et son histoire sont dignes d’un roman-feuilleton, animé par 30 ans d'exil et de querelles juridiques. Après en avoir fait l’acquisition au printemps dernier, le groupe Aristophil dont je suis le président, a décidé de révéler au public dans le cadre d’une exposition consacrée au divin marquis et aux différentes formes de libertinages du XVIe au XXe siècle.
Donatien de Sade était « un esprit libre dans un corps enfermé ». L’enfermement (Sade passa près de vingt-huit ans de sa vie en prison) fut en effet le moteur de son écriture et c’est en fait la prison qui a fait de lui un écrivain. Tous les romans de Sade sont donc les œuvres d’un homme emprisonné, et Les 120 journées de Sodome n’échappent pas à la règle. L’obsession des geôliers de Sade et de leurs commanditaires qui maintenaient le gentilhomme en prison, était de mettre la main sur ses manuscrits afin de tuer la subversion à la racine. C’est la raison pour laquelle craignant que son texte ne soit saisi, l’écrivain décida de le transférer sur un support plus facile à dérober aux fouilles de ses gardiens. Chaque soir, pendant trente-cinq jours, entre 19h et 22h, entre le 22 octobre et le 28 novembre 1785, il recopia ses brouillons sur 35 lés de papier de 11 centimètres de large, certainement fournis par son épouse. Il assembla ces feuillets en les collant bout à bout jusqu’au point d’assembler un rouleau de 12 mètres de long, et il continua son récit en recouvrant le verso du manuscrit d’une écriture fine et difficilement lisible, sans aucune rature. Le rouleau, à la manière des codex de Léonard de Vinci, fut dissimulé, protégé par un étui de cuir, glissé entre deux pierres de la cellule de l’écrivain. Lors de la prise de la Bastille en 1789, le manuscrit fut sauvé sans que son auteur le sache. Ce dernier pleura selon sa propre expression « des larmes de sang », croyant que le rouleau manuscrit contenant son chef-d’œuvre, avait à tout jamais disparu. La suite de l’histoire rocambolesque de ce manuscrit, promis à vivre caché et toujours objet de scandale, vous la découvrirez dans l’exposition et le livre-catalogue qui l’accompagne.
Signalons toutefois que le texte du rouleau fut publié pour la première fois en 1904, grâce à un sexologue berlinois qui avait fait l’acquisition de cet objet mythique dans un but scientifique comme il le déclara lui-même dans l’avant-propos de cette toute première édition : « Ce manuscrit doit être considéré comme l’ouvrage principal du Marquis de Sade, dans lequel il a réuni toutes ses observations et ses idées sur la vie sexuelle de l’homme, ainsi que sur la nature et les variétés des perversions sexuelles. Il est composé d’après un plan systématique, en vue d’un groupement scientifique des exemples cités. […] C’est là que je voudrais voir la grande importance scientifique de l’ouvrage pour les médecins, juristes, anthropologues, et pour tous ceux qui peuvent avoir à s’occuper de cette question au point de vue scientifique. »
Le rouleau de Sade, véritable trésor national, est donc aujourd’hui revenu en France, non loin de l’endroit où il avait été écrit, il y a un peu plus de deux siècles, bouclant ainsi un cycle fascinant de l’histoire d’un homme singulier et d’un texte d’exception, l’un et l’autre uniques dans l’histoire de la littérature. Sade a justifié cette double spécificité en confiant un jour : « Ce n’est pas ma façon de penser qui a fait mon malheur, c’est celle des autres… ».
Gérard Lhéritier
Président du Musée des Lettres et Manuscrits
Président d'Aristophil
Donatien de Sade était « un esprit libre dans un corps enfermé ». L’enfermement (Sade passa près de vingt-huit ans de sa vie en prison) fut en effet le moteur de son écriture et c’est en fait la prison qui a fait de lui un écrivain. Tous les romans de Sade sont donc les œuvres d’un homme emprisonné, et Les 120 journées de Sodome n’échappent pas à la règle. L’obsession des geôliers de Sade et de leurs commanditaires qui maintenaient le gentilhomme en prison, était de mettre la main sur ses manuscrits afin de tuer la subversion à la racine. C’est la raison pour laquelle craignant que son texte ne soit saisi, l’écrivain décida de le transférer sur un support plus facile à dérober aux fouilles de ses gardiens. Chaque soir, pendant trente-cinq jours, entre 19h et 22h, entre le 22 octobre et le 28 novembre 1785, il recopia ses brouillons sur 35 lés de papier de 11 centimètres de large, certainement fournis par son épouse. Il assembla ces feuillets en les collant bout à bout jusqu’au point d’assembler un rouleau de 12 mètres de long, et il continua son récit en recouvrant le verso du manuscrit d’une écriture fine et difficilement lisible, sans aucune rature. Le rouleau, à la manière des codex de Léonard de Vinci, fut dissimulé, protégé par un étui de cuir, glissé entre deux pierres de la cellule de l’écrivain. Lors de la prise de la Bastille en 1789, le manuscrit fut sauvé sans que son auteur le sache. Ce dernier pleura selon sa propre expression « des larmes de sang », croyant que le rouleau manuscrit contenant son chef-d’œuvre, avait à tout jamais disparu. La suite de l’histoire rocambolesque de ce manuscrit, promis à vivre caché et toujours objet de scandale, vous la découvrirez dans l’exposition et le livre-catalogue qui l’accompagne.
Signalons toutefois que le texte du rouleau fut publié pour la première fois en 1904, grâce à un sexologue berlinois qui avait fait l’acquisition de cet objet mythique dans un but scientifique comme il le déclara lui-même dans l’avant-propos de cette toute première édition : « Ce manuscrit doit être considéré comme l’ouvrage principal du Marquis de Sade, dans lequel il a réuni toutes ses observations et ses idées sur la vie sexuelle de l’homme, ainsi que sur la nature et les variétés des perversions sexuelles. Il est composé d’après un plan systématique, en vue d’un groupement scientifique des exemples cités. […] C’est là que je voudrais voir la grande importance scientifique de l’ouvrage pour les médecins, juristes, anthropologues, et pour tous ceux qui peuvent avoir à s’occuper de cette question au point de vue scientifique. »
Le rouleau de Sade, véritable trésor national, est donc aujourd’hui revenu en France, non loin de l’endroit où il avait été écrit, il y a un peu plus de deux siècles, bouclant ainsi un cycle fascinant de l’histoire d’un homme singulier et d’un texte d’exception, l’un et l’autre uniques dans l’histoire de la littérature. Sade a justifié cette double spécificité en confiant un jour : « Ce n’est pas ma façon de penser qui a fait mon malheur, c’est celle des autres… ».
Gérard Lhéritier
Président du Musée des Lettres et Manuscrits
Président d'Aristophil
Pratique
INSTITUT DES LETTRES ET MANUSCRITS
21, rue de l’Université - 75007 Paris
(Exposition, entrée 2, rue Gallimard 75007 Paris)
Tél. : 01 42 60 00 00 -
www.institutdeslettresetmanuscrits.fr
21, rue de l’Université - 75007 Paris
(Exposition, entrée 2, rue Gallimard 75007 Paris)
Tél. : 01 42 60 00 00 -
www.institutdeslettresetmanuscrits.fr