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Exposition Crimes et Châtiments, Musée Historique de Lausanne, jusqu'au 1er février 2015

Violation, crime, infraction… autant de mots qui ramènent à une même manifestation, propre aux sociétés humaines : la transgression.


Eugène Würgler, Paul Merçay, assassin de l’épicier Bado  Lausanne, 16.7.1924, MHL
Eugène Würgler, Paul Merçay, assassin de l’épicier Bado Lausanne, 16.7.1924, MHL
Indissociablement lié à la norme, ce phénomène peut cependant prendre des formes très différentes, selon les époques et les latitudes. Ainsi, des comportements autrefois répréhensibles sont aujourd’hui entrés dans les mœurs. Et tel acte admis dans une société peut valoir une condamnation à mort dans une autre. C’est ce caractère relatif de la notion de délit que met en lumière Crimes et châtiments. L’exposition se penche également sur l’évolution des instruments et des méthodes de répression tout en s’intéressant au crime comme objet d’étude et de recherche. Et nous rappelle que Lausanne a vu naître, en 1909, la première école de police scientifique au monde.

Un projet conçu avec la collaboration du Service de l’identité judiciaire de la police cantonale vaudoise, du Service pénitentiaire vaudois et de l’Institut de police scientifique de l’UNIL.

De la chasse aux sorcières à la police des moeurs, de la criminalisation de l'objection de conscience à la stigmatisation du tabagisme, l’exposition vous entraîne dans les méandres de la transgression et de sa répression, avant de se pencher sur la constitution d’une science du crime.

Transgresser

Méandres
Certains délits aujourd’hui disparus ont été autrefois violemment réprimés. Ainsi la sorcellerie, phénomène progressivement défini dans des traités de démonologie à la fin du Moyen Age, est l’objet de nombreux procès entre le 15e et le 17e siècle dans le Pays de Vaud, dont les deux tiers se soldent par une exécution capitale. La présentation des comptes rendus de quelques-uns de ces procès, parmi les plus anciens d’Europe, permettra au visiteur de pénétrer dans l’imaginaire du sabbat sur lequel se fondent les persécutions.
Dans un autre registre, l’évolution des moeurs a conduit à décriminaliser certains comportements qui jusqu’il y a peu étaient réprouvés, voire condamnés : qu’il s’agisse du port du pantalon pour les femmes, de pratiques et représentations liées à la sexualité (homosexualité, pornographie, sadomasochisme, etc.), ou de phénomènes comme le suicide, l’avortement. Comme l’écrivait déjà Sénèque au premier siècle de notre ère : « Les vices d’autrefois sont devenus les moeurs d’aujourd’hui ». Ces nouvelles moeurs, bien qu’intégrées, restent cependant exposées à des remises en cause sporadiques, à l’instar de l’avortement.
A l’inverse, des habitudes relevant du mode de vie sont progressivement stigmatisées, qu’elles soient érigées en question sociale, comme l’alcoolisme dès la fin du 19e siècle, ou en problème de santé publique, tels le tabagisme ou la malbouffe.

Biotopes
Réalité ou fantasme, le crime semble avoir besoin de certaines conditions pour son épanouissement… Nuit, bas-fonds, quartiers malfamés entretiennent le mythe. Des mémoires de Marius Augsburger dit Traclette, membre de la police de sûreté à Lausanne au début du 20e siècle, jusqu’au « deep web », la colossale et mystérieuse zone immergée d’Internet, l’exposition montre l’évolution des espaces où se mettent en scène les transgressions.
Dans cette perspective, elle aborde aussi le fait divers. Meurtres, incestes, disparitions, accidents : les feuilles et gazettes du 19e siècle s’emparent de la sanglante actualité et en diffusent abondamment le récit, pour la plus grande délectation de leurs lecteurs : un genre journalistique est né, dont le succès ne s’est pas encore démenti. Miroir des peurs et des fantasmes, catalogue des tabous, le fait divers s’avère parfois un instrument politique fort utile…

Réprimer
La répression du crime a connu au fil des siècles des visages très divers. On est passé d’un dispositif faisant largement appel à des pratiques mortificatoires (supplices, mutilations, marque au fer, torture, etc.) à un régime privilégiant la privation de liberté dans le cadre de la prison à partir du 19e siècle. L’exposition illustre l’évolution des sanctions à l’aide d’objets allant du 15e au 21e siècle, de la chaîne et du boulet au bracelet muni d’un GPS. Les visiteurs pourront également y faire la douloureuse expérience du carcan. De même, le thème de la peine de mort sera évoqué à travers la figure du major Davel, décapité en 1723 dans les plaines de Vidy. Parmi les objets exposés, la représentation héroïque qu’en a donnée Charles Gleyre en 1850, dont un fragment de son célèbre tableau vandalisé en 1980 et l’épée de justice dont se serait servi le bourreau.
La détention, érigée en pilier du système des peines par le Code helvétique de 1799, connaît un important développement dans le canton de Vaud à partir de 1803. Un secteur de l’exposition lui est consacré, aménagé en forme de couloir de prison, où seront montrées des photographies d’établissements pénitentiaires, dont une série de clichés inédits, ainsi que des objets saisis sur des prisonniers. Une carte illustrant l’évolution du réseau carcéral vaudois au cours des deux derniers siècles permet de prendre la mesure des changements et d’aller à l’encontre de certaines idées reçues. On découvre ainsi qu’entre 1905 et aujourd’hui, le nombre de places de détention pour 100'000 habitants est passé de 244 à 105.

Etudier

Comprendre
Dans le sillage des Lumières et du rationalisme, la science commence à s’intéresser au crime comme objet d’étude, ainsi qu’à ses auteurs. Les médecins notamment cherchent à comprendre les liens entre dérèglements mentaux et penchants criminels. Gall, inventeur de la phrénologie, localise l’instinct carnassier dans une zone spécifique du cerveau, à l’origine de la « bosse du crime ». Il s’inscrit par ses travaux dans une tradition de pensée qui établit un lien entre apparence physique et prédisposition psychologique, à l’instar de Lavater, qui postule que la physionomie reflète le caractère.
Au cours du 19e siècle, la pensée positiviste, soucieuse de dégager des lois qui puissent expliquer les comportements déviants, va contribuer à la naissance d’une anthropologie criminelle. Son plus célèbre représentant, Cesare Lombroso, qui se lance dans une classification des délinquants pour en dresser une typologie, élabore ainsi sa théorie du « criminel-né », marqué par l’atavisme. De fait, s’attacher à définir des déterminismes biologiques va constituer une tentation récurrente pour certains courants de la criminologie.

Identifier & relever
L’identification des criminels, pour permettre de débusquer les récidivistes notamment, bénéficie de diverses innovations et découvertes qui se mettent en place à partir de la fin du 19e siècle : relevé anthropométrique, portrait parlé, photographie anthropométrique, dactyloscopie (identification par les empreintes digitales), etc. L’exposition s’attache à retracer les étapes qui mènent de la marque au fer rouge comme moyen de reconnaissance à la biométrie.
A la systématisation des procédés de signalement font écho le développement des techniques de saisie et d’exploitation des traces et indices sur les scènes de crime, et plus généralement la naissance de la criminalistique. Ce développement trouve sa manifestation, à Lausanne, avec la création, en 1909, de l’Institut de police scientifique par Rodolphe-Archibald Reiss, chimiste passionné de photographie ayant étudié chez Bertillon. Un secteur évoque les débuts de cette discipline à l’aide de divers objets provenant de ce même institut, dont un morceau de parquet issu du cambriolage d’une bijouterie en 1911, découpé au moyen d’un vilebrequin en recourant à la « technique du parapluie ».

Pratique

Musée Historique de Lausanne
Place de la Cathédrale 4
1005 Lausanne
021 315 41 01
musee.historique@lausanne.ch
www.lausannne.ch/mhl

mardi - jeudi, 11h - 18h
vendredi - dimanche, 11h - 17h
lundi fermé
24 - 31 décembre 11h - 17h
25 décembre - 1er janvier fermé


Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 24 Décembre 2014 à 12:24 | Lu 202 fois

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