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Capriccio, de Strauss, Opéra de Lyon, du 7 au 19 mai 2013

Pour le lecteur assidu de Schopenhauer, Nietzsche, Goethe et Schiller qu’était Richard Strauss, l’idée de « solution finale » en terre germanique était inconcevable. Aussi le compositeur s’est-il employé à défendre par tous les moyens dont il disposait tout ce qui représentait à ses yeux la vraie civilisation allemande.


Capriccio, utopie humaniste de Richard Strauss

C’est ainsi qu’il importe de comprendre le dessein de Capriccio fondé sur un propos aussi décalé soit-il de prime abord, considérant le contexte historique de sa genèse. Tandis que les hommes se déchiraient, Strauss illustrait un débat purement intellectuel sur la primauté à l’opéra de la musique ou de la parole, réflexion ayant en outre pour cadre le Paris du XVIIIe siècle, « à l’époque où Gluck commence la réforme de l’opéra, vers 1775 » comme il est précisé en liminaire du livret, idées et cadres abhorrés par le régime nazi. Strauss se peint ainsi en artiste nietzschéen au-dessus des contingences, notamment politiques.

Ultime opéra de Richard Strauss, Capriccio est l’œuvre phare du plus grand compositeur allemand de son temps conçue en ces années de guerre où la notion même d’humanité était anéantie par la barbarie. Composée en 1940-1941 sur un livret réalisé par le compositeur en collaboration avec son ami chef d’orchestre Clemens Krauss sur un canevas de Stefan Zweig, cette comédie conceptuelle a pour sous-titre « pièce de conversation pour la musique ». Il s’agit en fait d’un hommage à l’esprit français et à la philosophie des Lumières, tandis que, autour du compositeur, l’Allemagne raciste et ses compatriotes aveugles jettent une nasse de terreur et d’obscurantisme impitoyable sur le monde.

Aucune action théâtrale proprement dite n’anime l’acte unique de Capriccio, mais une réflexion teintée d’une ironie légère, tendre et irrésistiblement lyrique dialoguée sur la suprématie de la mélodie ou du verbe au théâtre lyrique évoquée à travers les atermoiements artistico-sentimentaux d’une comtesse pour deux artistes créateurs, le poète Olivier et le compositeur Flamand, qui resteront irrésolus, ni la poésie ni la musique ne pouvant exercer de fait une quelconque hégémonie, les deux arts restant à parité. Ce sujet sans propension dramaturgique apparente inspire néanmoins la plus délectable geste théâtrale qui se puisse imaginer, magnifiée par la présence d’un directeur de théâtre, d’un souffleur et de la plus célèbre comédienne du temps de Louis XVI, Mlle Clairon, geste soutenue par une inspiration mélodique souveraine qui est davantage qu’une synthèse des plus belles pages du Chevalier à la rose, d’Ariane à Naxos, d’Intermezzo ou de la Femme silencieuse, une véritable somme-testament du « compositeur d’opéras » Strauss. L’ouvrage a été créé à l’Opéra d’Etat de Munich le 28 octobre 1942 sous la direction de Krauss, dont l’épouse, la célèbre soprano Viorica Ursuleac, s’était vue confier le rôle central. La pièce s’inscrira rapidement, la guerre terminée, dans le répertoire lyrique international. « N’oubliez jamais, avait pourtant dit le compositeur à son colibrettiste, que notre Capriccio n’est pas destiné au grand public, pas plus qu’il ne peut être joué dans un grand théâtre où seul un tiers du texte peut être entendu. Il s’agit d’une friandise pour gourmets culturels, sans grande substance musicale - en tout cas pas assez succulente pour que la musique compense si le grand public ne trouve pas du goût au livret. »

De musique pourtant il n’en manque pas, dans Capriccio, à l’instar du sublime sextuor à cordes qui prélude à l’action proprement dite de cet émouvant chef-d’oeuvre. Ces pages, qui font regretter que Strauss ne se soit pas davantage attaché à la musique de chambre, jouées devant la comtesse Madeleine et ses invités dans le contexte de l’opéra, ont été créées à Vienne par six musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Vienne dans le cadre d’une soirée de gala, le jeudi 7 mai 1942, dans la résidence du Gauleiter d’Autriche Baldur von Schirach, protecteur de la famille de Strauss, dont les deux petits-fils étaient à demi juifs…
Bruno Serrou

Pratique

Représntations les 7, 9, 11, 13, 15, 17 et 19 mai2013

Direction Musicale Bernhard Kontarsky
Mise en scène David Marton
Dramaturgie Barbara Engelhardt
Costumes Sarah Schittek
Lumières Henning Streck
La Comtesse Emily Magee
Le Comte Alejandro Marco-Buhrmester
Flamand Lothar Odinius
Olivier LAURI VASAR
La Roche Victor Von Halem
Orchestre de l’Opéra de Lyon
Nouvelle Production

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 17 Janvier 2013 à 14:58 | Lu 381 fois

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