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Avignon, Vaucluse, Festival Avignon Off : « Aimer, c’est plus que vivre » d’après la correspondance de Juliette Drouet et Victor Hugo. Un spectacle d'Anthéa Sogno en complicité avec Jacques Décombe

Victor Hugo et Juliette Drouet se sont aimés pour la vie.
À la fois éclairée et écrasée par la gloire de Victor Hugo, la vie de Juliette Drouet fut une longue adoration et une longue souffrance.
La correspondance des deux amants révèle une passion dévorante traversée d'orages.
Mises bout à bout, ces lettres fiévreuses constituent le journal de bord de leur bonheur et de leurs querelles.
De leur amour, il ne nous reste que la douceur et la violence des caresses qu'ils se sont donnés sur le papier.
Au théâtre des Amants (1, Place du Grand Paradis, à 20h15, 04 90 86 10 68)


Sujet de la pièce

Victor Hugo et Juliette Drouet se sont aimés pour la vie.
À la fois éclairée et écrasée par la gloire de Victor Hugo, la vie de Juliette Drouet fut une longue adoration et une longue souffrance.
La correspondance des deux amants révèle une passion dévorante traversée d'orages.
Mises bout à bout, ces lettres fiévreuses constituent le journal de bord de leur bonheur et de leurs querelles.
De leur amour, il ne nous reste que la douceur et la violence des caresses qu'ils se sont donnés sur le papier.
« Tes caresses me font aimer la terre, tes regards me font comprendre le ciel. »
« Je voudrais avoir ton pied nu et charmant, et ta main et tes yeux et tes lèvres sous mes lèvres. Je te dirais toutes ces choses qui ne se disent qu'avec des sourires et des baisers. »

Note d'intention

Victor Hugo et Juliette Drouet se sont aimés durant 50 années pendant lesquelles ils ont échangé 40 000 lettres d'amour.
Ce spectacle a été conçu d'après leurs lettres. Le premier tour de force a été de choisir parmi leurs écrits, tous plus beaux les uns que les autres. Une lecture de ces missives aurait suffi à nous enchanter, mais nous avons souhaité aller au-delà pour atteindre une plus grande théâtralité. Ainsi, des dialogues ont été reconstitués en prenant une phrase de Juliette dans une de ses lettres qui répond parfaitement à une phrase de Victor, extraite d'une de ses lettres à lui.
Ces dialogues forment une enfilade de scènes qui racontent toute leur vie, de la première rencontre, lorsque Juliette passait une audition pour jouer dans « Lucrèce Borgia », une pièce de Victor Hugo, jusqu'au jour où, 50 ans plus tard, elle ferme les yeux. Ce jour-là il se passa une chose inouïe, Victor Hugo cessa d'écrire, il ferma son encrier pour toujours. Ce qui prouve bien que Juliette était non seulement le grand amour de sa vie mais aussi la muse absolue.
Tout le monde connaît très bien Victor Hugo. Il est temps de découvrir Juliette qui a vécu dans l'ombre de son grand homme. Elle lui disait ainsi « Si vous avez du génie, moi j'ai de l'amour. Nous faisons chacun de notre côté notre petit travail, toi tu composes un chef-d'œuvre, moi je t'aime. Il me semble toute modestie mise à part que mon œuvre ne sera pas inférieure à la vôtre». Et comme elle a eu raison !
Juliette est reconnue aujourd'hui, grâce à ses lettres, par les spécialistes comme l'une des femmes écrivains les plus brillantes de son siècle.
Nous avons fait tout cela pour faire du théâtre, disais-je plus haut. En jouant la pièce, nous nous sommes aperçus que nous étions au-delà car nous n'interprétons pas des personnages de théâtre, nous ne disons pas des dialogues inventés par un auteur dramatique, nous incarnons des héros qui ont vécu et les mots que nous nous disons sont les leurs.
Comment ne pas penser que ces deux-là ne sourient pas tendrement au-dessus de la Chapelle des Amants et profitent de notre passage sur terre pour continuer à se dire, 124 ans après leur mort, combien ils s'aiment encore ?
Anthéa Sogno, adaptatrice

Victor Hugo

À trente ans, Hugo s'est fabriqué un personnage. Méthodiquement, sans jamais se relâcher, il s'est hissé au premier plan. Les journaux le traitent comme une « prima donna » ou comme, de nos jours, un rocker à succès. On peut sans ridicule parler de lui en périphrases : « l'auteur d'Hernani », « l'auteur de Notre-Dame de Paris ». Il a des fans. On le brocarde. On le hait. Il a un côté chef de bande et des allures de grand d'Espagne. Il cingle les ministres, de tous les régimes et les journalistes soi-disant libéraux, de lettres poliment assassines dans lesquelles il explique calmement qu'il n'est pas à vendre.
Aux premiers jours de 1833, au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, on répète « Lucrèce Borgia ». L'auteur, qui suit ses pièces depuis la lecture - qu'il tient à faire lui-même - avec cette attention qu'ont les vrais professionnels, est comme toujours, dans la salle. Sur la scène, une jeune femme éblouissante qui joue un petit rôle, celui de la princesse Négroni, lance sa réplique, une de ces phrases où l'on trouve plus ou moins ce qu'on y apporte : « Mon Dieu, qu'est-ce qui remplit tout le cœur ? » Lorsque le jeune seigneur vénitien répond : « l'amour », elle est, dit la petite histoire, déjà tournée vers l'auteur et le regarde. C'est sans doute sa manière de donner un sens à la question, et peut-être à la réponse.
L'auteur n'a encore rien du luxurieux que ses appétits tyrannisent. Plus riche de fantasmes que d'expérience, il tient à distance ses admiratrices, et se refuse aux princesses de théâtre qu'il croit, à tort ou à raison, appartenir au domaine public. Peut-être même a-t-il besoin, en ce moment précis, de croire à la vertu, et de s'accrocher superstitieusement à une chasteté qu'il n'a pas choisie. Sa femme, Adèle, se refuse à lui, et il n'a pas l'air de savoir qu'elle file avec Sainte-Beuve un amour parfumé d'encens et d'odeurs de fiacres, pimenté d'audacieuses caresses et de subtilités casuistiques.
Certaines confidences pourtant l'ont bouleversé, et la catastrophe menace. Il n'est donc pas question de céder aux avances de la Négroni, et il préfère, au risque de paraître plus guindé que nature, rester sur son quant-à-soi. Mademoiselle Juliette devra donc faire, après le premier pas, le second, et les autres. Une quinzaine de jours après la première représentation elle écrira : « Oh ! Ce soir ce sera tout ! Je me donnerai à toi toute entière. » Elle ne croyait pas si bien dire.
Dans la nuit du 16 au 17 février, jour de Mardi gras, ils deviennent amants.
Dans le chapitre des « Misérables », intitulé le « 16 février 1833 » (il s'agit de la nuit de noces de Cosette et de Marius), Hugo a donné, à ses futurs biographes, une double leçon d'écriture et de maintien : « Sur le seuil des nuits de noces, un ange est debout, souriant, un doigt sur la bouche. L'âme entre en contemplation devant un sanctuaire où se fait la célébration de l'amour. »
Est-ce déjà, ce soir-là, « ce qui remplit tout le cœur» ? Belle, jeune - elle va avoir vingt-sept ans - elle est pour lui un révélateur, et l'on peut bien dire que de cette nuit-là découle toute une vie : vie d'amour et d'esclavage entre ces deux êtres qui n'en savent rien encore, vie où ce faux chaste se découvre - aux dépens de Juliette - grand amateur de femmes, jusqu'au scandale.
Les épaules de marbre blanc célébrées par Théophile Gautier, les longs cheveux noirs, les courbes suaves et cette carnation laiteuse des brunes, ne sont pas tout, Juliette a, dans les yeux, une flamme, et dans le sourire tant de promesses.
Elle-même dira, dans une lettre de 1834, ce qu'elle était, avant : « Je suis encore pour vous ce que j'étais pour tout le monde il y a un an : une femme que le besoin peut jeter dans les bras du premier riche qui veut l'acheter. » Ce n'est pas tout à fait un aveu, car il ne s'agit apparemment que de la rumeur publique, mais tout ce qui nourrit cette passion est virtuellement inclus dans cette phrase : les malentendus, les blessures infligées à froid et chaud, les réconciliations éphémères. Il a toujours été d'une jalousie féroce, pathologique. Elle a sans doute beaucoup à cacher, de ses amours qui ont frôlé la prostitution, de ses dettes de bêtes de luxe qui l'ont mise à la merci des acheteurs les plus fortunés et qui, maintenant, l'entraînent dans le gouffre. Il la veut « toute entière », et pas seulement comme elle croyait le dire.
Quand, épuisée, désespérée, croyant que tout est perdu, elle part pour sa Bretagne natale, il ramasse tout ce qu'il peut d'argent et se met à courir la poste. On est en 1834. Il est pris. C'est la première des grandes épreuves. C'est aussi, au retour, leur premier grand voyage en amoureux. Voici ce que racontent les lettres que nous représentons...

Juliette Drouet

On ne connaît que trop la version - toujours la même - des pseudo-historiens falsificateurs et des esprits enclins à la simplification : elle l'appelait « mon Toto» ; elle lui écrivait tous les jours, deux fois, trois fois, pour lui dire qu'elle l'aimait, quatre pages de son écriture de cuisinière, toujours la même lettre d'ailleurs, quand on en a lue une... Il aimait cela, parce qu'il était incroyablement vaniteux. Il l'avait séquestrée dans un petit appartement bon marché, dont elle n'avait pas le droit de sortir sans lui. Elle était jalouse. Il la trompait honteusement...
Que Madame Drouet me pardonne d'évoquer ces bons apôtres qui se permettent de parler ainsi d'elle. Je suis sûre qu'elle aurait eu à leur endroit de vertes paroles car elle ne mâchait pas ses mots.
Quand Victor Hugo devient son amant, pendant les représentations de « Lucrèce Borgia », Julienne Gauvain n'a pas encore vingt-sept ans. Au théâtre, on l'appelle Mademoiselle Juliette.
Cette petite Bretonne d'origine très modeste, née à Fougères ~ le 10 avril 1806, orpheline avant l'âge de deux ans, a eu une véritable éducation. Son écriture, c'est vrai, n'est pas celle d'une femme du monde, comme l'est celle, incroyablement fadasse, de Léonie Biard. C'est plutôt une écriture d'actrice, extravertie, avec ce grain d'exhibitionnisme de ceux qui ont besoin, pour vivre, d'être admirés, et que l'on prend à tort pour des mégalomanes.
Ce qu'elle fit en sortant du couvent, nul ne le sait. Quand elle débute au théâtre en Belgique, sous la houlette de Harel, elle a une petite fille de trois ans, que lui a « donnée » comme on dit, Pradier, sculpteur à la mode, qui ne lui a pas donné grand-chose d'autre.
Le contrepoint des poèmes que, depuis « Les Chants du Crépuscule », Hugo dédie régulièrement à Juliette, et les lettres qu'elle lui envoie a quelque chose de vertigineux. D'un côté, les coins ombreux, l'ivresse amoureuse qui s'apaise en de longues phrases maîtrisées. De l'autre les élans, les balbutiements, le trop-plein de la passion, mais aussi les révoltes, l'accablement, le déchirement, le désir de fuir cet amour qui ne sait pas être libérateur. La jalousie d'Hugo s'avère plus insupportable encore que les dettes. Ils se blessent, se déchirent, esquissent des ruptures comme d'autres se suicident, en laissant derrière eux ce qu'il faut pour qu'au dernier moment, la tragédie tourne court et se transforme en assurance d'amour.
L'écriture joue certainement, dans cette corrida sentimentale doublée d'une rédemption, un rôle médiateur. La lettre, souvent, paraît affiner et adoucir ce que les propos directs ont de brutal et de simplificateur. Elle les explique et, dans les minutes qui suivent les grandes scènes, les désamorce.
Médiatrice, la lettre est aussi compensatrice. Elle dit les regrets, et comble les vides en occupant l'esprit.
Juliette ne sort qu'accompagnée de son chevalier servant. S'il ne vient pas ou s'il n'a pas le temps, elle reste à la maison. D'où les innombrables « gribouillis » qui font à la biographie une extraordinaire toile de fond.
Ces lettres - il doit y en avoir une vingtaine de mille - ne sont ni plus ni moins monotones que celles de Madame de Sévigné. Toutes deux ont à résoudre le même problème : Comment dire sans cesse que l'on aime ? Toutes deux ont la même habileté à franchir cet obstacle. Juliette Drouet n'avait pas seulement le génie de l'amour, mais un véritable génie du verbe. Elle écrit des lettres les plus démystificatrices qui soient, avec l'assurance d'une femme qui aime, qui se sait aimée, et dont l'admiration ne peut être mise en doute. Elle en abuse, merveilleusement.
Elle joue sur tous les registres, change de rythme à volonté, souffre, gémit, pleure, raille, pirouette, mord, caresse, viole avec l'aisance d'un professionnel de l'écriture qui sait son art.
Au début de sa liaison avec Victor Hugo, l'actrice donne, des signes d'une certaine surcompensation grammaticale. Ce phénomène est caractéristique des personnes qui sont conscientes des règles de la langue, mais qui comprennent imparfaitement leur raison d'être.
On s'est plu à ne voir en Juliette Drouet que la courtisane, la comédienne ratée, la maîtresse passive et captive, le miroir du soleil. Les lettres qu'ils se sont écrites révèlent l'autre face du miroir, les mots habitent l'espace et ainsi apparaît celle qui fut sans doute l'une des plus grandes amoureuses et des femmes de lettres les plus prolifiques de son siècle. Elle mourut le 11 mai 1883. La dernière lettre de son grand homme, un mois auparavant, disait : « Entrer dans l'éternité avec toi, c'est là mon espoir. Si Dieu le veut, et il le voudra, c'est là mon bonheur. »

Jacques Décombe

La carrière de Metteur en scène de Jacques Décombe débute en janvier 1982 alors qu'il est encore élève au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique.
Son spectacle, « Amusez-vous », une comédie musicale sur les années 30, qu'il a conçu, écrit et mis en scène dans le cadre des « Journées du Conservatoire », est repris en exploitation professionnelle au Théâtre de la Michodière. (1982)
En 1985, Didier Bourdon, son ami du C.N.S.A.D, lui propose d'être le « Metteur en scène » d'un groupe qui s'appelle encore « Les Quatre Quarts » et qui va se faire connaître sous le nom des « Inconnus ». Dix ans durant, il collabore à tous leurs spectacles au Splendid (1985), au Fontaine (1988), au Palais Royal (1989), au Théâtre de Paris (1991), au Casino de Paris (1994). Avec eux, il gravit les marches de la reconnaissance et du succès et est couronné en 1991 par le Molière du Meilleur Spectacle Comique.
A partir de 1988, sollicité par d'autres humoristes, Jacques Décombe dirige : Charlotte de Turckheim dans « Une journée chez ma mère » à la Michodière, et dans « Ma journée à moi » au Théâtre Antoine. Chevallier et Laspalès dans « Les Solex » aux Théâtres des Nouveautés et La Comédie des Champs Elysées. Chantal Gallia au Théâtre Michel. Les Chevaliers du Fiel à L'Olympia, à la Cigale, au Gymnase, au Théâtre des Variétés. Patrick Timsit au Palais des Glaces et au Théâtre Tristan Bernard.
A partir de 1993, il enchaîne une série de comédies modernes à succès : « Charité bien ordonnée » au Théâtre Tristan Bernard, (les débuts au Théâtre de Roland Marchisio, Didier Caron, Pascal Elbé, Eric Laborie), pièce reprise au Splendid (400 représentations). « Tout Baigne » au Théâtre Grévin, prolongée un an au Théâtre du Splendid, reprise au Palais des Glaces, puis reprise encore au Café de la Gare (650 représentations et adaptée au cinéma). « Success Story» créée en 1996, au Théâtre de Dix Heures et adaptée pour la télévision.
« Une nuit avec Sacha Guitry» d'Anthéa Sogno (avec Olivier Marchal) créée au Festival d'Avignon, jouée au Théâtre Rive Gauche et reprise au Petit Marigny (600 représentations) « Court Sucré ou Long sans Sucre » de Bruno Chapelle, D. Basant, O. Yéni créée en 1999, au Théâtre Montmartre Galabru, prolongée deux ans au Café de la Gare (800 représentations) « Les acteurs sont fatigués » en 2000, d'Eric Assous, à la Comédie Caumartin, (450 représentations) « Frou Frou les Bains » de Patrick Haudecoeur, en 2001, au Théâtre Daunou, (1090 représentations) lui vaut en 2002, de partager avec la troupe Le Molière du Meilleur Spectacle Musical. En 2006, il signe la mise en scène de « La Valse des Pingouins » dernièrement molièrisée.

« Aimer, c’est plus que vivre »
d’après la correspondance de Juliette Drouet et Victor Hugo
Un spectacle d'Anthéa Sogno en complicité avec Jacques Décombe
Interprété par Anthéa Sogno et Sacha Petronijevic
Costumes de Catherine Laynard
Décor d'Isadora,
Lumières d'Aurélien Escuriol,
Musique de Sylvain Meyniac

Au théâtre des Amants
1, Place du Grand Paradis
A 20h15
(04 90 86 10 68)

pierre aimar
Mis en ligne le Jeudi 3 Juillet 2008 à 13:57 | Lu 1718 fois

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