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A l’occasion du 30ème anniversaire du jumelage de Grenade et d’Aix en Provence, au Musée des Tapisseries, exposition photographiques Regards Croisés : '"Grenade-Aix en Provence"

La Fontaine Obscure rend hommage à des artistes qui ont photographié leur ville respective en des temps où cette pratique était affaire d’initié : Arturo Cerdá y Rico, photographe passionné
qui a montré Grenade et sa région au début du 20ème et la famille Ely qui a « couvert » en quatre générations de photographes la ville d’Aix en Provence pendant ce même siècle.
Dans les deux cas, de telles pratiques aboutissent à la constitution de fonds d’images qui prennent toute leur valeur avec le recul du temps.


L’idée d’exposer conjointement de telles images permet tout d’abord de montrer des lieux familiers à une époque que les visiteurs n’ont pas forcément connu. Chaque photographie, prise individuellement dans un premier temps, peut être considérée comme un document historique, comme un vecteur de connaissance de ce qui a été et qui ne sera plus.
L’intérêt découle aussi de la proximité et des rapprochements possibles. De leur exposition commune, il se dégage de ces images une ambiance, un parfum du temps différent selon que les images traitent d’Aix en Provence ou de Grenade, qui procure ce plaisir d’une curiosité mêlée de mélancolie.
Et au-delà de ce plaisir, cette exposition croisée permet aussi de s’interroger sur la diversité des regards et des projets qui ont présidé à la constitution de tels trésors patrimoniaux.
Arturo Cerdá y Rico photographie la vie des habitants de sa région avec la conviction qu’il y a là un monde qui va disparaître. C’est donc avec l’intention de fixer cette réalité et d’en garder une trace pour l’avenir qu’il s’attache à immortaliser les gens dans la rue, les paysans aux champs. Reportage ethnographique et social que l’on retrouve dans ses photographies des petits métiers qui font penser à Atget.
Mais contrairement à la relative objectivité de ce dernier, Cerdá fait preuve d’une intention esthétique dans le traitement pictorialiste de ses sujets. La photographie met la modernité à l’écart, fige pour la retenir telle quelle une Grenade forcément heureuse dans un temps immuable.

A l’inverse, c’est la modernité qui apparaît à l’origine du projet photographique d’Henri Ely : le photographe comme témoin des changements du monde et qui en porte témoignage. Le lien s’établit de lui même avec une photographie d’information et la famille Ely va fournir durant des décennies des photographies à la presse locale. Pratique commerciale quotidienne faite de moments, d’instants, de tranches de temps qui, mis bout à bout, vont constituer après un siècle d’exercice, une chronique extrêmement riche de la vie aixoise dans son mouvement.
Ainsi le projet patrimonial est présent dès l’origine de la pratique de Cerdá alors qu’il s’élabore au fil du temps et semble plutôt être, chez la famille Ely, l’aboutissement d’années de travail assidu. Conceptions différentes de la photographie qui sont une des clés permettant d’aborder plus globalement les œuvres spécifiques de ces grands photographes.

Arturo Cerdá y Rico

Arturo Cerdá y Rico est né à Monóvar (Alicante) le 11 octobre 1844, et est mort le 15 février 1921 à Cabra del Santo Cristo (Jaén) d'un emphysème pulmonaire.
 Cerdá était le fils de Salvador Cerdá Canicio et Aureliana Rico y Rico, de riches propriétaires et commerçants de Monóvar. À son adolescence il a été envoyé étudier le collège des Augustins de San Lorenzo del Escorial (Madrid).
Plus tard il est allé étudier la médecine à la faculté de San Carlos de Madrid. 
L'un de ses frères était l'homme de confiance du Marquis de Salamanque ; lorsque le chemin de fer fut construit entre Linares-Baeza et Almería, il s'occupait des contrats innombrables que l'entreprise ferroviaire effectuait. Cette relation s'était établie lorsque Salamanque avait été maire de Monóvar en 1834 et les Cerdá avaient toujours été libéraux, amis et coreligionnaires du Marquis. 
Il était un peu plus âgé qu'Arturo et il contracta une maladie qui nécessita la présence de son frère médecin à ses côtés, ainsi il exerça la médecine, sa première vocation. Nous ne savons pas avec certitude ce qu'il advint de ce frère malade, mais la visite et la présence d'Arturo sur ces terres jiennenses a certainement marqué sa vie.
Le jeune Arturo a rencontré et est tombé amoureux de Rosario Serrano Caro, une riche héritière née à Ubeda (Jaén), qui possédait plusieurs des propriétés et une grande fortune à Cabra del Santo Cristo où elle résidait avec sa famille à la C/ Santa Ana nº 6; elle était la fille de Saturnino Serrano Revuelta, né à Morales del Campo (Valladolid), et de Mª Purificación Caro Sánchez, née à Cabra del Santo Cristo. Ils se sont mariés à Grenade, dans l'Église de Santa María de la Alhambra, le 6 octobre 1872, le mariage civil fut validé, à Cabra del Santo Cristo, le 17 novembre 1872.

 Là, il exerça, comme médecin-chirurgien titulaire et plus tard comme médecin légiste, en s'occupant aussi d'administrer les fermes de sa propriété.

 Sa passion de la photographie fut très intense, tant et si bien qu'il consacra une grande partie de son temps et de sa fortune à sa pratique. 
En 1900 il construisit une nouvelle maison, à la C/ de la Palma nº 12, de style moderne, pensée et dessinée pour la photographie. Cet édifice, construit par des maçons de Monóvar expressément déplacés pour cela, était inspirée d'une très belle maison sévillane du quartier de Triana, dessinée par Jurillo. Aujourd'hui elle est bien conservée et encore en bon état; elle présente un étage avec une immense colonne centrale qui illumine un patio d'où partent toutes les pièces, ce patio a le sol en verre pour illuminer le rez-de-chaussée avec la lumière naturelle. Le laboratoire, a trois fenêtres rondes avec volets, orientées à midi, l'une avec des verres rouges, l'autre verts et la troisième blancs, afin de pouvoir travailler avec du matériel othochromatique, panchromatique ou avec la lumière du jour, de cette façon on pouvait obtenir des effets différents sur les négatifs. 
Cerdá a participé à une multitude de concours où il a obtenu beaucoup de prix et récompenses, parmi lesquels, les premiers prix de Valence 1906, Madrid 1908, Londres 1909, Paris, etc.... 

Cerdá, en homme cultivé et actif fut très intéressé par l'art en général, il organisait des soirées littéraires dans sa maison et était entouré d'artistes et d'écrivains de l'époque. Il a nourri une correspondance intéressante et une amitié avec des peintres comme Sorolla, Cecilio Pla, López Mezquita, Rodríguez Acosta, Martínez Victoria, etc....

Sa préférence technique était surtout la photographie stéréoscopique avec le Vérascope de Richard et du Taxiphote dont il a démontré sa maîtrise. Il s'est aussi essayé à d'autres techniques comme l'autochrome Lumière. Il a été un pionnier de la photographie couleur. Il a collaboré dans beaucoup de publications, surtout avec la revue giennense ( Jaen ) "Don Lope de Soza" où beaucoup de ses travaux ont été publiés, même après son décès, en mars 1921 un émouvant article lui fut dédié par le directeur de cette publication D. Alfred Cazabán, un chroniqueur de la province de Jaén et grand ami de Cerdá. Il a aussi collaboré à la revue londonienne "Photograms of the Year" qui a publié divers de ses travaux, avec la "Photographie", dirigée par Antoine Cánovas du Château "Kaulak", "Graphos Ilustrado", "Photos", une "La Fotografía Ilustrada", etc.., avec des sujets comme le portrait, les paysages, les coutumes et des compositions.

 Cerdá a eut treize fils, dont six ont survécu, Salvador, Saturnino, Enrique, Telesforo, Julio et Pura. Deux d'entre-eux Saturnino et Telesforo sont partis vivre à Monóvar avec leur oncle Enrique, qui n'avait pas d'enfants. Le premier a été maire de cette ville d'Alicante en 1929.

Arturo Cerdá a survécu beaucoup d'années à son épouse Rosario qui est décédée à Cabra le 18 juin 1902. Il décida alors de partager l'héritage entre ses enfants en échange d'une allocation mensuelle. Cela lui permit de disposer de tout son temps et de ressources suffisantes pour s'adonner corps et âme à la photographie et de voyager dans toute l'Espagne, en France, en Italie, au Maroc, et surtout à Grenade où il jouissait de l'amitié des artistes de l'époque.

 Après sa mort, ses archives photographiques innombrables ont été morcelées entre les descendants. Une immense majorité des négatifs et de positifs de verre, près de 6000 se trouvèrent répartis entre ses héritiers andaloux, principalement les petites-filles Juana y Angustias Cerdá Olmedo de Grenade et son arrière-petit-fils Julio Arturo Cerdá Pugnaire d'Ecija (Séville). D'autres ont hérité d'une autre partie beaucoup moins considérable, les enfants qui ont vécu à Monóvar, et une autre partie pas moins importante répartie dans toute l'Espagne, les héritiers de son amitié, compagnons de préoccupations culturelles, ou passionnés de photographie où l'échange de travaux était fréquent.

 L'immense majorité de ces photos sont réalisées à Cabra del Santo Cristo, des photographies ethnographiques très intéressantes sur les travaux agricoles, éleveurs, l'alfa, les fêtes, les processions, les métiers, la vie quotidienne du village, les impressionnants contre-jour avec Tremedad, ses filles et Julianillo, la photographie pictorialiste, dans son verger ou les scènes de genre dans la cour de la maison paroissiale etc....

 Arturo Cerdá avait l'habitude d'envelopper chaque négatif dans un papier cristal et de mentionner le numéro, la date et le sujet. Quelques négatifs ont perdu leur enveloppe et d'autres sont abîmés conséquence de la dégradation de l'émulsion, bien qu'en général, en tenant compte qu'ils ont un siècle ils sont bien conservés et nets.

Cerdá, homme méticuleux ayant une bonne formation scientifique, s'est rendu compte de l'importance que la photographie avait du point de vue culturel ethnographique et anthropologique, contrairement à d'autres photographes de son temps, qui ont traité les aspects simplement artistiques de l'art photographique. Cerdá a insisté pour portraiturer le petit peuple dans ses travaux les plus quotidiens, les métiers, les travaux, les fêtes, et les événements météorologiques de son temps avec l'obsession de fixer avec sa machine l'instant précis et concret, parfois en composant de vrais tableaux impressionnistes, de moeurs, et d'autres en composant les scènes d'un humour très fin, parmi lesquelles on remarquera les séries avec ses petits - fils et celles des enfants de choeur. Arturo Cerdá a compris il y a cent ans exactement la nécessité de sauvegarder cette mémoire visuelle, aujourd'hui nous lui sommes redevable et nous devons lui rendre hommage pour cela. 
Récemment est sorti à la lumière la publication "Del Tiempo Detenido" la photographie ethnographique giennense du Dr. Cerdá y Rico", première d'une trilogie qui reprend une quantité importante de photographies de Jaén et sa province. L'un de ses auteurs est antérieurement nommé Julio Arturo Cerdá Pugnaire en plus de Manuel Urbano Pérez-Ortega et Isidoro Lara Martin - Portugués, les trois grands connaisseurs de son oeuvre. Sa publication, a un double but : réparer l'injustice qui a été commise envers cet artiste jusqu'à présent ignoré et plagié, - ses photos ont été publiées et commercialisées dans beaucoup de cas, sans même nommer son auteur - et montrer à tous les habitants de Cabra les images de notre village d'il y a un siècle.

Le 27 juillet 2001, grâce à l'initiative de l'Exmo. En conseil municipal il a été nommé fils adoptif à titre posthume de Cabra del Santo Cristo ce qui démontre l'intérêt du Consistoire et du village pour l'oeuvre de leur illustre compatriote, de la même manière et depuis un certain temps un groupe important de Cabrileños ( habitants de Cabra ) s'organise en association pour servir de plate-forme et ainsi acquérir sa maison à Cabra del Santo Cristo et montrer son oeuvre, en espérant la collaboration des différentes administrations pour porter ce projet ambitieux - la plupart des descendants ont montré leur disponibilité-. Avec cela on récupérerait pour le village un édifice qui a été conçu par l'artiste par et pour la photographie et que lui même a eu déjà utilisé comme un musée - le premier édifice moderne de Cabra, il en est un des plus représentatif de notre localité, bien que durant plusieurs années il fut fermé, l'humidité a fait une brèche, et cela nécessite quelques travaux d'une certaine urgence, principalement sur la toiture.

Grâce à ses petits-fils et arrière-petits-enfants, sont arrivés jusqu'à nous une collection d'images qui expliquent visuellement notre histoire. Nous devons être profondément reconnaissants de cette grande opportunité que nous offre la donation de ce matériau.


En bref

REGARDS CROISÉS « GRENADE - AIX en PROVENCE »
Du 12/11/09 au 30 /12/09
Au Musée des Tapisseries
Place des Martyrs de la Résistance
13100 AIX EN PROVENCE
Heures d’ouverture : tous les jours sauf le mardi de 13 h 30 à 17 h

Vernissage le Jeudi 12 Novembre à 18h30.

isabelle.gotteri@libertysurf.fr
Mis en ligne le Jeudi 3 Septembre 2009 à 00:00 | Lu 979 fois

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