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10/12 > Hommage à Olivier Messiaen, Orchestre de la Suisse Romande Marek Janowski, direction, Jean-François Heisser, piano

Il serait difficile de dire lequel des deux axes de la vie d’Olivier Messiaen (1908- 1992), la musique ou la religion, a apporté le plus à l’autre, tant son art et sa foi se nourrissent mutuellement.


Olivier Messiaen (1908-1992) : Des Canyons aux Etoiles…, pour piano solo, cor, xylorimba, glockenspiel et orchestre (1971-1974)

Janowski Marek @ Felix Broede
Janowski Marek @ Felix Broede
PREMIERE PARTIE
I. Le Désert
II. Les Orioles
III. Ce qui est écrit sur les étoiles…
IV. Le Cossyphe d’Heuglin
V. Cedar Breaks et le don de crainte
DEUXIEME PARTIE
VI. Appel interstellaire
VII. Bryce Canyon et les rochers rouge-orange
TROISIEME PARTIE
VIII. Les Ressuscités et le chant de l’étoile Aldébaran
IX. Le Moqueur polyglotte
X. La Grive des bois
XI. Omao, Leiothrix, Elepaio, Shama
XII. Zion Park et la Cité céleste

Une étoile diffère en éclat d’une autre étoile: ainsi sera-t-il lors de la résurrection des morts. (1re Epître de saint Paul aux Corinthiens, 15: 41-42)
Il serait difficile de dire lequel des deux axes de la vie d’Olivier Messiaen (1908- 1992), la musique ou la religion, a apporté le plus à l’autre, tant son art et sa foi se nourrissent mutuellement. Messiaen a
toujours résolument poursuivi son chemin à lui, n’hésitant pas à explorer des voies très éloignées de ses contemporains. Il fut un pédagogue hors du commun au Conservatoire de Paris, où, jusqu’à sa retraite en 1978, il enseigna l’analyse dès 1947 et la composition à partir de 1966.
Il porte une affection débordante à ses nombreux étudiants, dont Pierre Boulez, Karlheinz Stockhausen, Iannis Xenakis ou George Benjamin ne sont que les plus illustres. Cependant, il n’a jamais voulu leur inculquer une «doctrine» quelconque, et encore moins faire école, car, se plaisait-il à dire, c’est en cherchant pour ses élèves qu’il se trouvait lui-même.
La carrière de Messiaen fut d’une longévité exceptionnelle. Auteur de sa première pièce à l’âge de huit ans, l’enfant prodige est admis en 1919 au Conservatoire de Paris. Il y passera onze ans, auprès de
professeurs tels que Paul Dukas pour la composition, ou Marcel Dupré pour l’orgue et l’improvisation. Nommé en 1930 titulaire des grandes orgues de Cavaillé-Coll à l’église de la Trinité à Paris - poste qu’il occupera pendant plus de six décennies - Messiaen connaît un succès remarqué l’année suivante avec
Les Offrandes oubliées. Cette première grande page pour orchestre, où il dit vouloir «retirer la liturgie catholique des édifices de pierre pour l’installer dans d’autres édifices qui ne semblaient pas destinés à
ce genre de musique»1, montre déjà une instrumentation innovatrice au service des vérités éternelles de la foi chrétienne.
Enhardi par cette réussite initiale, Messiaen écrit coup sur coup, entre 1931 et 1934, une série d’oeuvres orchestrales: Le Tombeau resplendissant, Hymne au Saint-Sacrement et L’Ascension.
Avec L’Ascension, Messiaen exprime clairement, pour la première fois dans sa musique, la théologie d’espérance dans la Résurrection, et de gloire céleste, qui sera la sienne pour tout le reste de sa
production, que ce soit pour orchestre ou orgue. Il s’intéresse en particulier à la rencontre entre l’humain et le divin, entre le péché et la rédemption, entre le monde temporel et l’éternité. Comme ces sujets ont rarement été traités de manière aussi directe dans la musique profane, Messiaen doit avoir recours à des langages neufs pour les interpréter.
Au fil des ans, Messiaen intègre dans ses partitions non seulement sa foi bien ancrée, mais aussi des intérêts d’un étonnant éclectisme: les chants d’oiseaux, bien entendu, mais aussi les sonorités exotiques de la musique non occidentale, la Nature (surtout la haute montagne), les rythmes de la poésie japonaise (haïku), le sérialisme, le néo-classicisme ou la spatialisation du son. Sa fascination pour les couleurs, tonales et visuelles, évidente dès ses premières pages majeures, n’est que renforcée par l’un des événements les plus dramatiques de sa vie. En effet, appelé sous les drapeaux en 1939, il se retrouve bientôt prisonnier de guerre dans un camp de concentration en Silésie. C’est là, pendant le rude hiver de 1940-1941, que le compositeur écrit et fait exécuter son déchirant Quatuor pour la fin du temps.
Les privations extrêmes auxquelles il est soumis alors déclencheront chez lui une synesthésie, qui lui fera voir des couleurs tout en écoutant des sons - maladie optique que Messiaen, avec sa résilience
habituelle, exploitera pleinement dans son oeuvre.
Couleurs de la Cité céleste (1963) marque le retour, désormais définitif, aux sujets d’inspiration ouvertement religieuse, domaine que Messiaen avait délaissé depuis une douzaine d’années, pour se consacrer presque exclusivement à reproduire les chants d’oiseaux.
D’ailleurs, pour le compositeur, des oeuvres telles que Chronochromie (qui dépeint les falaises et les rivières de la haute montagne) ou Oiseaux exotiques, représentaient simplement une autre manière de célébrer le Créateur. Couleurs de la Cité céleste illustre la première tentative de Messiaen de réaliser son
idéal d’une «musique-vitrail», où les sonscouleurs régissent littéralement la forme et le langage musical. Amateur passionné de vitraux, il les considère comme le summum de l’art, tant par leurs couleurs et leurs formes éclatantes, que par les symboles et les histoires sacrées qu’ils véhiculent.
La genèse étendue de la production tardive de Messiaen s’explique non seulement par ses nombreuses activités pédagogiques et musicales, mais aussi par la longueur et la complexité inhabituelles de ces
ouvrages. Ainsi met-il au point pour ses Méditations sur le mystère de la Sainte Trinité (1969), cycle monumental pour orgue, un «alphabète communicable», fait de notes représentant des lettres ou des
mots et destiné à traduire musicalement les textes qu’il entend commenter. Aux critiques qui épinglaient ce langage trop «intellectuel», le compositeur les a renvoyés aux leitmotivs de Wagner, autre code musical.
Au début des années septante, Messiaen oppose un refus, aussi poli que ferme, à la grande mécène américaine, Alice Tully, qui veut lui commander un nouvel ouvrage à l’intention de sa Société de musique de chambre à New York, pour commémorer le bicentenaire des Etats-Unis. Faisant fi des objections du compositeur, Mme Tully lui fait remarquer qu’ils partagent la même adoration de la Nature, et il finit par se raviser, d’autant plus que le choix du sujet reste libre. Etant tombé sur des photos des magnifiques canyons (des vallées étroites et profondes aux parois verticales) de l’Utah, Messiaen entreprend un voyage à travers les grands parcs nationaux (Bryce Canyon, Cedar Breaks, Zion) de cet Etat de l’Ouest américain, où il rencontre tous les éléments clés de son œuvre: des chants d’oiseaux rarissimes, le jeu des couleurs et de la lumière sur les parois des montagnes, le silence et de vastes dimensions spatiales.
C’est en descendant au fond d’un canyon, et en voyant serpenter au-dessus de lui le chemin sinueux qu’il venait d’emprunter, que Messiaen conçoit le titre de cette commande, Des Canyons aux Etoiles… .
Les trois petits points suivant le dernier mot du titre sont significatifs, car dans l’esprit de son auteur, la contemplation et les louanges exprimées vont au-delà des étoiles, « des plus profondes entrailles de la terre jusqu’aux ressuscités du Paradis, pour glorifier Dieu dans toute sa création: les beautés de la terre, du ciel matériel et du ciel spirituel»2. Avec deux ans d’avance sur le bicentenaire américain, la partition est créée en novembre 1974 au Lincoln Center de New York, dans la salle à laquelle Alice Tully a laissé son nom, par l’ensemble Musica æterna, sous la direction de Frédéric Waldman, avec Yvonne Loriod, épouse du compositeur, au piano. Malgré ses images sonores d’un rare éclectisme, son exigeant
programme littéraire et spirituel, et ses vastes dimensions – l’œuvre dure presque une heure trois quarts – Des Canyons aux Etoiles… s’est avérée l’une des partitions les plus accessibles du compositeur.
Après sa première exécution aux Etats- Unis, elle a été reprise un peu partout en Europe. Pour marquer sa gratitude envers le compositeur, l’Etat de l’Utah a donné son nom à l’un des sommets des
Rocheuses.
A soixante-cinq ans passés, Messiaen entend y résumer tous les styles et les couleurs instrumentales de sa musique, en donnant un certain éclat à ce que d’aucuns prennent pour sa dernière composition d’envergure. (Ce fut d’ailleurs mal connaître la résilience de l’homme, qui devait consacrer les huit années suivantes à son unique opéra, Saint François d’Assise, ouvrage aux proportions gigantesques.) Les effectifs exigés par Des Canyons aux Etoiles…, dont Messiaen a précisé la disposition, sont relativement restreints, comme ceux d’un orchestre de chambre élargi. La nouveauté réside plutôt dans la formation elle-même. En plus des bois par quatre et cuivres par trois, il y a un piano solo, un cor, un xylorimba (instrument intermédiaire entre le xylophone et le marimba) et un glockenspiel, qui sont souvent mis en évidence, mais seulement treize cordes (chacune avec une partie différente), ainsi qu’une percussion très fournie, comprenant, parmi d’autres, cloches, gongs, tam-tams et deux instruments rares: l’éoliphone (machine à vent), utilisé notamment par Strauss dans sa Symphonie
alpestre, et le géophone (machine à sable).
A l’instar d’autres œuvres cycliques de Messiaen, les chiffres sont hautement symboliques. Aussi la partition s’articulet-elle en trois parties (la Trinité), divisées en douze mouvements - douze étant le nombre d’Apôtres et celui des portes de la Jérusalem céleste - mouvements qui sont à leur tour composés respectivement de cinq, deux et cinq mouvements (cinq + deux = les sept jours de la Création). La forme circulaire de la structure tripartite - le dernier volet comporte le même nombre de mouvements que le dernier- est elle-même symbole de la perfection et de l’éternité, sans début ni fin, et elle se retrouve à l’intérieur de plusieurs mouvements.
Alphonse Leduc.
in Olivier Messiaen, Des Canyons aux Etoiles, Paris,
Alphonse Leduc, 1978.


Mercredi 10 décembre 2008, 20h
Victoria Hall, Genève
022 807 00 00 – www.osr.ch

pierre aimar
Mis en ligne le Vendredi 21 Novembre 2008 à 23:43 | Lu 1056 fois

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