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Y la vida va, de José-Maria Sanchez, au Théâtre Toursky, Marseille, en avril 2017

Ni plaidoyer, ni Pathos, ni dénonciation, mais la vie, la sienne. Ce spectacle hors du commun a été présenté au théâtre Toursky les 27, 28 et 29 avril 2017, faisant salle comble à chaque représentation


Y la vida va, de José-Maria Sanchez, au Théâtre Toursky, Marseille, en avril 2017
Du théâtre ? Non ! Du cabaret ? Non ! Un mélange des deux, mais surtout une décharge émotionnelle forte.
Projecteurs !
Sur scène cinq personnages, bâillonnés, prisonniers de bandes blanches qui entravent le corps. Tour à tour ils arrachent leurs liens et l’adhésif qui scelle leurs lèvres. Le geste est vigoureux ; le symbole est fort. Ils libèrent la parole et le corps.

Sur le devant de la scène un homme presque à genoux dans une position très instable artistiquement. Il semble supporter un poids, une peine qu’il cache et qu’on devine. On sait qu’il va s’animer comme les autres, que ce sera intense. Intense, ce spectacle l’est, de bout en bout. Les corps prennent possession de la scène, habitent le temps et l’espace, la vie.
José-Maria est réincarné à chaque fois : c’est le pianiste, l’accordéoniste, les danseurs de tango, les pantins désarticulés, le chanteur qu’il incarne, la musique de Piazzolla, la reine du Chamamé –clin d’œil à sa grand-mère aimée-, les pantins désarticulés.
Dans un mouvement de danse et de chants, de photos chéries de son enfance, José-Maria Sanchez nous transporte dans l’Argentine de ses souvenirs. Il se raconte, par bribes, par sursauts dans le temps et l’espace. C’est toute sa vie qui est là et qu’il partage avec le public dans cette salle Léo Ferré, et par ce spectacle qu’il a voulu intimiste et dérangeant.

Que veut-t-il exprimer, le-sait-il lui-même ? C’est un cri partagé ! Il pourrait dire :
– « Je suis là. J’existe ! Je viens d’un pays beau et torturé à la fois. J’ai un passé et je n’ai pas aimé certaines choses de ce passé : les rafles, la peur, la misère du peuple, la mort de ceux que j’aime. J’en ai adoré d’autres qui m’ont marqué profondément : ma grand-mère dansant le Chamamé, mon cousin jouant de l’accordéon, la musique de Piazzolla, tellement incomprise au début, le tango. C’est ma vie, de la nostalgie et de l’amour en partage.»

C’est ce que l’on comprend tout au long du spectacle, c’est ce que l’on entend. Et le public adhère, ému, conquis, sous le charme, pris dans le tourbillon de ces tangos langoureux, de cette voix, de ces chants envoûtants.
Il faut avoir à l’esprit qu’après 1945 l’histoire de l’Argentine -et plus généralement de l’ensemble des Etats d’Amérique Latine- est troublée par des luttes sociales et révolutionnaires. A chaque fois, l’instauration de dictatures de droite, au moins soutenues par les Etats-Unis, a été une réponse à la poussée communiste. En 1954 le gouvernement de Peron (1946 à 1954) s’achève sur un coup d’état sanguinaire. Jusqu’en 1973, une dictature militaire dirige l’Argentine afin de barrer la route à une démocratie socialiste. De 1973 à 1975 Peron revient au pouvoir. Ces deux années sont marquées par une politique ultra intransigeante, sans-doute appuyée par « l’opération Condor », groupe supranational mis en place en 1970 piloté par les Etats-Unis et soutenu entre autre par la France. Ce groupe effectue des opérations paramilitaires (tortures, disparitions, noyades, déstabilisation des états…) avec pour but premier de lutter contre le communisme. En 1976 la junte armée prend le pouvoir pour plusieurs années d’une dictature violente qui marquera durablement l’Argentine.

C’est dans le contexte d’une tentative d’amélioration du peuple argentin par Peron que José-Maria Sanchez naît à Buenos Aires en 1948 dans une famille modeste. Il grandit à l’abri des soubresauts de son pays dans cette famille aimante entouré de deux frères et de sa sœur jusqu’au décès de sa mère en 1960. Il a onze ans, première déchirure. Elevé par sa grand-mère maternelle, il apprend la danse classique et modern-jazz. Après diverses pérégrinations, il arrive en France en vacances en 1980. Il se produit dans les cabarets et excelle dans les rôles de transformiste. C’est en France qu’il prend ses marques, définitivement.

José-Maria Sanchez est un magicien qui enveloppe la salle d’une émotion grandissante. Il ne « chante » pas, il raconte, il rit, il pleure, il sourit, avec ce timbre de voix unique à bout de souffle. Il « est l’Argentine » et les fabuleux danseurs, Géraldine et Julio Luque, le sont avec lui. Leur danse, leurs gestes, leur pas, leurs regards font chavirer le public, délire de passion langoureuse ; deux magnifiques danseurs, deux artistes. Aurélie Lombard à l’accordéon et Janot Sallier-Dolette, auteur-compositeur, au piano composent un duo musical de haute volée.
Le temps d’un spectacle, l’Argentine est venue à nous dans un genre nouveau, de Peron à Videla, du tango au chamamé, ce genre musical et cette danse, résultats d’amour et de la fusion des races qui, mélangées avec le temps, content l’histoire de l’homme et de son paysage, utilisant l’accordéon et la guitare comme instruments principaux.
Le pari de « Y la vida va…. » est réussi. La salle applaudit à tout rompre. Ce spectacle a le mérite de l’originalité, de la tendresse, de l’émotion qui emplit le cœur des hommes. Nous espérons le revoir dans d’autres théâtres.
Merci à José-Maria Sanchez et au théâtre Toursky . Merci Monsieur l’émigré et Bravo les artistes !
Danielle Dufour-Verna

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 9 Mai 2017 à 02:58 | Lu 407 fois

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