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Pierre de Fenoÿl : Le miroir traversé, photographies, galerie le Réverbère, Lyon, du 8 septembre au 29 décembre 2012

Les photographies de Pierre de Fenoÿl sont exclusivement faites en noir et blanc avec un 24 x 36 Leica, appareil léger et maniable avec lequel il prouve sa virtuosité pour, dans un cadrage parfait, kidnapper ce que les écrans formés par le réel organisent avec la lumière. (Jacques Damez)


© Pierre de Fenoÿl
© Pierre de Fenoÿl
Depuis un temps qui remonte à bien avant sa mort, Pierre de Fenoÿl fait partie des photographes qui nourrissent ma fascination pour la photographie. Il est de ceux qui plient le banal par la puissance de leur vision et en changent le statut. Il est de ceux qui jalonnent un parcours, qui donnent de l’épaisseur à la réflexion, qui ouvrent des possibles. C’est un nom familier, presque ami, même si je ne l’ai pas vraiment connu : c’est une référence.
En 1987, l’annonce de son décès interdit l’espoir de le connaître, reste l’œuvre, muette, pour comprendre sa présence au monde. Depuis 25 ans, régulièrement, je parcours ses photographies, comme on relie un texte, pour ne pas laisser l’oubli faire son travail, pour essayer de percer la surface des apparences.
Il y a quelques années, nous avons rencontré Aliette, sa fille, avec qui naturellement nous avons évoqué l’œuvre de son père ; puis Véronique, sa veuve, avec qui nous avons longuement échangé sur les photographies de Pierre de Fenoÿl et partagé de réelles affinités.
Aujourd’hui, après nous être plongés dans des centaines de planche-contacts, nous avons choisi de ne pas nous soumettre à un regroupement thématique de l’œuvre qui l’a trop souvent réduite à des sujets. Ces images, si pleines de temps que seule une grammaire visuelle complexe et intime peut contenir, doivent, comme les notes de musique sur la partition, jouer de l’une à l’autre, par leur noir et blanc, la poésie d’une perception. Voici l’enjeu qui nous passionne : montrer, côte à côte sur le mur, des photographies qu’une écriture plastique, une vision, a pu lier. Ce ne sont pas les sujets qui donnent une apparente cohérence, ce n’est pas la répétition des protocoles qui donne une pensée, ce ne sont pas des modèles formels qui assurent un style. Il y a là une culture savante de l’espace, une dialectique du concret et de l’abstrait, une intelligence des plans et du point de vue, une agilité intellectuelle qui organisent le réel sous l’ordre d’un regard acéré, et confiant dans la puissance de l’acte photographique.
Les photographies de Pierre de Fenoÿl sont exclusivement faites en noir et blanc avec un 24 x 36 Leica, appareil léger et maniable avec lequel il prouve sa virtuosité pour, dans un cadrage parfait, kidnapper ce que les écrans formés par le réel organisent avec la lumière. Sans surfaces de réflexion la lumière est imperceptible dans l’espace, ainsi prendre une photo (selon l’expression consacrée) est une manière de révéler, de structurer, de s’approprier la réalité pour en faire apparaître la nature profondément mobile. Rares sont ceux qui mettent la lumière au diapason de leur vision, ici c’est le cas : la lumière s’écoule, elle met en pièces les choses, elle organise des blocs compacts et impénétrables, l’abstraction jaillit sous le rythme de ses flaques d’ombre, les éléments flottent. L’imbrication de l’espace, de la surface, des profondeurs, est en permanence interrogée, de sujets en sujets, pour finalement construire et nous offrir son monde de croyance magique.
Bien sûr, notre choix au fil des planche-contacts n’a retenu que des photographies qui ont été sélectionnées par Pierre de Fenoÿl. Le miroir est donc traversé en sa compagnie, il nous offre le passage au pays des merveilles grâce au Leica – anagramme de Alice – cet appareil qui arrête le temps pour lui permettre de passer au delà du tain...
Jacques Damez mai 2012

Biographie de Pierre de Fenoÿl

Existence bien remplie que celle de ce photographe autodidacte, particulièrement talentueux, d’une culture immense, féru de théologie, nourri des grands textes religieux et qui s’inspirait souvent des Confessions de saint Augustin. Il fut amené à occuper dans le domaine de la photographie de nombreux postes de responsabilité et n’en poursuivit pas moins un projet personnel : attentif à la fluctuation des instants sur les lieux qu’il aimait – il notait, comme si le temps lui était compté, l’heure de la prise de vue sur ses épreuves –, la photographie était pour lui avant tout un mode de vie particulier, un état de grâce, de réceptivité, de disponibilité, et l’acte photographique, un rituel. L’essence de la photographie n’était pour lui ni l’espace ni la lumière, mais la captation du cours impartial et invisible du temps. Archiviste à vingt ans d’Henri Cartier-Bresson, il dirige jusqu’en 1969 le fonds d’images de l’agence Magnum. Il fonde l’année suivante la première galerie photographique parisienne, Rencontre, rue du Cherche-Midi, et participe à la création de l’agence Vu, d’où est issue Viva, avant de devenir correspondant new-yorkais de Photo-Magazine, puis acheteur d’art pour Publicis. À trente ans, il est le premier directeur de la Fondation nationale de la photographie, créée à Lyon, puis, en 1977, il est chargé de mission pour la photographie au Centre Georges-Pompidou, où il se consacre surtout à faire connaître la photographie comme expression à part entière. Il organise de nombreuses expositions (André Kertész, Les Krims, Ralph Gibson, Duane Michals, le photojournalisme contemporain...) et publie des anthologies : en 1979, le premier Album photographique du Centre Pompidou, collection qui malheureusement n’a pas survécu ; en 1982, Chefs-d’œuvre des photographes anonymes au XIXe siècle, chez Hachette. À cette date, il choisit de se retirer avec sa femme et ses deux enfants à Castelnau-de-Montmiral, dans le Tarn, où il menait depuis 1984, pour le compte de la mission photographique de la DATAR, une exploration serrée et minutieuse des paysages du Sud-Ouest : ses photographies établissent des rapports subtils entre les replis du terrain, les habitations, les végétaux, et créent une mystérieuse entente entre le sol et le ciel, balayés tous deux dans de belles compositions horizontales.
Le même charme se retrouve dans son Travail égyptien, sur les monuments les plus légendaires de l’histoire. Images d’initiation à la lumière de l’Orient, ses photographies présentent tout à la fois ce caractère de merveilleux, d’intemporel, de réalité sans attache avec la vie quotidienne des hommes.
Au-delà des circonstances brutales de sa disparition, Pierre de Fenoyl figure, parmi les photographes contemporains, comme l’un des représentants les plus doués de ce qu’on appelle outre-Atlantique Straight photography (la « photographie pure »). En 1988, le musée de l’Élysée de Lausanne lui a consacré une grande rétrospective, Chronophotographies, qui rendait hommage à cette œuvre un peu austère et empreinte d’un certain classicisme.

Pratique

Pierre de Fenoÿl : Le miroir traversé, photographies
Du 8 septembre au 29 décembre 2012
du mercredi au samedi de 14h à 21h et sur rendez-vous

galerie Le Réverbère
38, rue Burdeau
69001 Lyon
04.72.00.06.72

A 5 minutes à pied de la place des Terreaux
métro Croix-Paquet ou Hôtel de Ville
parking des Terreaux ou parking Tolozan

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 8 Novembre 2012 à 22:21 | Lu 319 fois

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