FINISSAGE DE L'EXPOSITION
Philippe Chitarrini poursuit sa quête d’empreintes digitales d’artistes de grande notoriété. À la VIP Art Galerie, il expose sous le titre Fingerprint’s Obsession, nombre de ses productions récentes réalisées à partir d’un agrandissement des marques d’identification que lui ont confié entre autres Rebecca Horn, Xavier Veilhan, Peter Klasen, Andres Serrano, Dennis Oppenheim, Robert Combas, Claude Viallat, Jean-Luc Parant, Daniel Dezeuze, Giuseppe Penone, Lawrence Weiner, Bertrand Lavier, excusez du peu… Les œuvres ont des formats différents. Les tailles restent modestes, entre 20 x 20 cm et 80 x 80 cm pour les toiles carrées.
Le protocole : cela a commencé en 2002 comme un jeu, puis cela s’est amplifié pour devenir une des marques Chitarrini. L’artiste rencontre des artistes contemporains célèbres et leur demande de prendre l’empreinte digitale de leur pouce. Sa demande est singulière puisqu’elle n’est pas dirigée vers les œuvres, pas de demande de photo ou de signature, juste un appel pour la trace d’un doigt. La prise d’empreinte se fait de manière traditionnelle avec un tampon encreur. La marque est déposée sur un formulaire que l'artiste complète en mentionnant son nom, la date et le lieu de la rencontre.
Des mises en œuvres multiples : Philippe Chitarrini ne se satisfait pas de cette collecte, il opère ensuite tout un travail de mise en forme. Sa première action est l’agrandissement photographique des empreintes recueillies permettant ensuite des tirages à différentes échelles et la sélection de détails. À partir de ces impressions mécaniques l’artiste exerce son libre arbitre créatif : il peut choisir, les reproduire en entier ou partiellement sur différents supports : papiers, toiles, pierres, etc., en noir et blanc ou en couleur. Précisons que si des outils techniques sont utilisés pour les agrandissements et la projection, l’exécution de toutes les créations est faite manuellement. Les réalisations simples sont binaires : un fond sur lequel se détache un motif. Une fois agrandies les circonvolutions graphiques ne suffisant pas à assurer l’identification, le peintre choisit intuitivement deux couleurs, une pour le fond l’autre pour le motif ; il pense que cela peut correspondre à l’artiste dont le nom figurera sur le cartel précédé du terme générique Portrait. Les deux teintes peuvent être contrastées, un vert/violet (Portrait : Bertand Lavier, 2012), le mot « visible » figure alors dans le titre complet, ou très proches, deux valeurs d’une seule couleur comme pour la peinture rose signalée « Visible/Invisible » : Portrait : Rebecca Horn, 2012.
Les très justes équilibres fond-forme des figures ne permettent pas de les distinguer l’une de l’autre de loin. De près la hiérarchie spatiale se lit du fait de l’emploi de la peinture glycérophtalique en second passage. On comprend qu’à partir d’une même empreinte le nombre de réalisations soit infini, surtout si l’artiste varie les supports. Cette exposition réunit une majorité de créations sur châssis entoilés, mais aussi un Portrait miroir Peter Klasen, 2012. L’intervention colorée peut également se faire sur des fragments et prendre l’allure d’une petite installation : Xavier Veilhan, Fragments d’empreinte digitale, 2012 (Acrylique et glycéro sur béton armé, bois). Une autre série d’œuvres est placée dans un cadre boîte. Le motif, détail d’empreinte agrandie, est découpé dans un carton haute densité puis peint avant d’être collé sur un support de couleur contrastée. Le jeu des éclairages de la galerie provoque de légères ombres qui troublent la perception spatiale fond/forme, il faut y regarder à plusieurs fois (Portrait : Lawrence Weiner, 2012).
Quelques réflexions : L’empreinte digitale ne ressemble pas à l’individu qui la produit ; ce n’est pas une image de l’être mais un diagramme dont nous savons qu’il entretient une relation unique à l’être. Le toucher digital fait point ; on passe du point d’exclamation de celui qui appuie au point d’interrogation des visiteurs des expositions. L’agrandissement de l’empreinte entraîne une perte de visibilité, donc de reconnaissance (effet Blow-up) et par là ouvre sur l’imaginaire. Le premier à en profiter est notre plasticien lui-même. Par la lettre qu’ils signent les artistes ont donné à Philippe Chitarrini un visa pour les dévisager dans sa propre création.1 Le jeune artiste (43 ans) propose, à partir du passeport qui lui a été accordé, une identité visuelle inattendue à des artistes reconnus par leur style personnel et aussi par leur visage souvent reproduit. Le jeu des opérations plastiques successives amène une perte de la singularité de chacun (les différents « je ») ; les détails agrandis sont certes tous différents mais aussi se ressemblent beaucoup pour le visiteur peu averti. Pourtant Philippe Chitarrini continue de ressentir une présence dans ces figures de l’absence. Marque durable, l’empreinte, dès qu’elle est réalisée, rend tangible une absence. L’artiste réceptionnaire déjoue celle-ci en réinvestissant culturellement et subjectivement ce manque. De la marque d’identité singulière propre à tout sujet humain — l’empreinte digitale de l’artiste est semblable à celle des autres hommes — on glisse vers des reconnaissances spécifiques associées chaque fois à un sujet artiste dont l’œuvre fait notoriété. Cela passe par la lecture du titre de l’œuvre. Devant l’imagier de Chitarrini, les mots sont des index permettant l’interprétation des composants des images. Informés les regardeurs peuvent s’accorder avec l’auteur, ou entre eux, sur les signes plastiques permettant d’identification de tel ou tel l’artiste ; on reconnaît, ou pas, les formes, les couleurs ou le style de … . Jeu de devinettes plus ou moins facile selon les systèmes visuels des artistes. On s’accorde pour dire que là c’est Viallat, mais ce n’est ni Claude Viallat ni un autre, c’est Philippe Chitarrini. En empruntant des empreintes aux autres il a réussi à créer son propre style.
1 Dans une autre série de travaux du même artiste exposée en même temps à la Maison de la Corse le « dévisagement » n’est que partiel. Les portraits d’artistes sont alors réalisés par la superposition de leur empreinte digitale agrandie à l’image de leur propre visage.
Le protocole : cela a commencé en 2002 comme un jeu, puis cela s’est amplifié pour devenir une des marques Chitarrini. L’artiste rencontre des artistes contemporains célèbres et leur demande de prendre l’empreinte digitale de leur pouce. Sa demande est singulière puisqu’elle n’est pas dirigée vers les œuvres, pas de demande de photo ou de signature, juste un appel pour la trace d’un doigt. La prise d’empreinte se fait de manière traditionnelle avec un tampon encreur. La marque est déposée sur un formulaire que l'artiste complète en mentionnant son nom, la date et le lieu de la rencontre.
Des mises en œuvres multiples : Philippe Chitarrini ne se satisfait pas de cette collecte, il opère ensuite tout un travail de mise en forme. Sa première action est l’agrandissement photographique des empreintes recueillies permettant ensuite des tirages à différentes échelles et la sélection de détails. À partir de ces impressions mécaniques l’artiste exerce son libre arbitre créatif : il peut choisir, les reproduire en entier ou partiellement sur différents supports : papiers, toiles, pierres, etc., en noir et blanc ou en couleur. Précisons que si des outils techniques sont utilisés pour les agrandissements et la projection, l’exécution de toutes les créations est faite manuellement. Les réalisations simples sont binaires : un fond sur lequel se détache un motif. Une fois agrandies les circonvolutions graphiques ne suffisant pas à assurer l’identification, le peintre choisit intuitivement deux couleurs, une pour le fond l’autre pour le motif ; il pense que cela peut correspondre à l’artiste dont le nom figurera sur le cartel précédé du terme générique Portrait. Les deux teintes peuvent être contrastées, un vert/violet (Portrait : Bertand Lavier, 2012), le mot « visible » figure alors dans le titre complet, ou très proches, deux valeurs d’une seule couleur comme pour la peinture rose signalée « Visible/Invisible » : Portrait : Rebecca Horn, 2012.
Les très justes équilibres fond-forme des figures ne permettent pas de les distinguer l’une de l’autre de loin. De près la hiérarchie spatiale se lit du fait de l’emploi de la peinture glycérophtalique en second passage. On comprend qu’à partir d’une même empreinte le nombre de réalisations soit infini, surtout si l’artiste varie les supports. Cette exposition réunit une majorité de créations sur châssis entoilés, mais aussi un Portrait miroir Peter Klasen, 2012. L’intervention colorée peut également se faire sur des fragments et prendre l’allure d’une petite installation : Xavier Veilhan, Fragments d’empreinte digitale, 2012 (Acrylique et glycéro sur béton armé, bois). Une autre série d’œuvres est placée dans un cadre boîte. Le motif, détail d’empreinte agrandie, est découpé dans un carton haute densité puis peint avant d’être collé sur un support de couleur contrastée. Le jeu des éclairages de la galerie provoque de légères ombres qui troublent la perception spatiale fond/forme, il faut y regarder à plusieurs fois (Portrait : Lawrence Weiner, 2012).
Quelques réflexions : L’empreinte digitale ne ressemble pas à l’individu qui la produit ; ce n’est pas une image de l’être mais un diagramme dont nous savons qu’il entretient une relation unique à l’être. Le toucher digital fait point ; on passe du point d’exclamation de celui qui appuie au point d’interrogation des visiteurs des expositions. L’agrandissement de l’empreinte entraîne une perte de visibilité, donc de reconnaissance (effet Blow-up) et par là ouvre sur l’imaginaire. Le premier à en profiter est notre plasticien lui-même. Par la lettre qu’ils signent les artistes ont donné à Philippe Chitarrini un visa pour les dévisager dans sa propre création.1 Le jeune artiste (43 ans) propose, à partir du passeport qui lui a été accordé, une identité visuelle inattendue à des artistes reconnus par leur style personnel et aussi par leur visage souvent reproduit. Le jeu des opérations plastiques successives amène une perte de la singularité de chacun (les différents « je ») ; les détails agrandis sont certes tous différents mais aussi se ressemblent beaucoup pour le visiteur peu averti. Pourtant Philippe Chitarrini continue de ressentir une présence dans ces figures de l’absence. Marque durable, l’empreinte, dès qu’elle est réalisée, rend tangible une absence. L’artiste réceptionnaire déjoue celle-ci en réinvestissant culturellement et subjectivement ce manque. De la marque d’identité singulière propre à tout sujet humain — l’empreinte digitale de l’artiste est semblable à celle des autres hommes — on glisse vers des reconnaissances spécifiques associées chaque fois à un sujet artiste dont l’œuvre fait notoriété. Cela passe par la lecture du titre de l’œuvre. Devant l’imagier de Chitarrini, les mots sont des index permettant l’interprétation des composants des images. Informés les regardeurs peuvent s’accorder avec l’auteur, ou entre eux, sur les signes plastiques permettant d’identification de tel ou tel l’artiste ; on reconnaît, ou pas, les formes, les couleurs ou le style de … . Jeu de devinettes plus ou moins facile selon les systèmes visuels des artistes. On s’accorde pour dire que là c’est Viallat, mais ce n’est ni Claude Viallat ni un autre, c’est Philippe Chitarrini. En empruntant des empreintes aux autres il a réussi à créer son propre style.
1 Dans une autre série de travaux du même artiste exposée en même temps à la Maison de la Corse le « dévisagement » n’est que partiel. Les portraits d’artistes sont alors réalisés par la superposition de leur empreinte digitale agrandie à l’image de leur propre visage.
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66 Rue Grignan
13001 Marseille
09 82 35 00 11
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