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Olivier Dollinger, Circle stories, Galerie Marion Meyer Contemporain, Paris, du 14 septembre au 3 novembre 2012

Pour donner au pape Benoit IX la preuve de son plus extraordinaire talent, Giotto dessina à main levée un cercle parfait. Aussitôt conquis, le souverain pontife lui permit de voyager dans Rome et d’y réaliser de somptueux ouvrages. Autre technique du lasso lancé pour attraper sa proie, la chasse en carrousel des dauphins consiste à resserrer progressivement le cercle autour des bancs ennemis avant de les engloutir. Le cercle a toujours été un objet de séduction, de captation et de pouvoir.


Olivier Dollinger, Circle stories, 2012 © Olivier Dollinger
Olivier Dollinger, Circle stories, 2012 © Olivier Dollinger
Quand un artiste a alors l’idée de sonder son potentiel narratif en faisant se rencontrer la gymnastique rythmique et un rotorelief de Marcel Duchamp, cela aboutit naturellement à une exposition qui se joue en boucle, donne le tournis, et, à la faveur des détours empruntés, ouvre des brèches. Qu’il choisisse de traverser la danse serpentine des frères Lumière, l’Enfer de Dante, la tour de Tatline, un opéra de Wagner ou encore le dernier tour de piste d’Ayrton Senna, Olivier Dollinger fait du cercle l’élément raccord de son exposition, dont il énonce l’histoire subjective. Le motif du cercle, perçu dans sa puissance de rayonnement à travers les siècles et les disciplines, devient prétexte à l’élaboration d’un conte qui croise des histoires personnelles et politiques et s’autorise des rapprochements incongrus.

C’est en arpentant la collection Marion Meyer qu’Olivier Dollinger en est venu à extraire l’élément qui servirait d’embrayeur à la conception de son exposition : un Rotorelief de Marcel Duchamp - – un châssis rond tendu de velours noir sur lequel tournoient cinq petits rotoreliefs colorés imprimés de motifs en spirale. Poursuivant l’obsession « rotomane » qui conduisit le maître à fabriquer un Moulin à café (1911), une Roue de bicyclette (1913), une Rotative plaques verre (1920), jusqu’à ses fameux rotoreliefs (1935), Olivier Dollinger explorera donc à son tour la forme circulaire.
Sa dernière installation vidéo Abstract Telling proposait déjà une chorégraphie de gestes effectués par un magicien autour d’oeuvres issues d’une collection d’art moderne et contemporain des Abattoirs de Toulouse. Tel un tableau vivant, un film offrait un commentaire inattendu des oeuvres d’origine, qui les rejouait et les prolongeait dans l’espace.

Ici, en lieu et place du phonographe d’origine sur lequel les disques en carton de Duchamp produisaient l'illusion de volumes - boules, cônes, hélicoïdes -, c’est une platine vinyle qui fait office de girouette. Quand au Rotorelief authentique, il trône dans l’exposition, telle une machine archaïque arborant son superbe crissement de moteur et la lenteur de ses mouvements giratoires, rappelant que Duchamp c’est avant tout cela : l’inventeur d’une mécanique savoureuse parce qu’en partie contre performante.

Partisan d’une vision déconstructiviste, Dollinger démantèle les corps. A l’enregistrement filmé des enchainements de la championne précède un travail de détournement des gestes appris, de défaçonnage de son corps pour mieux le révéler à lui-même. Processus qu’il mettra à nu lorsque la sportive performera en direct et en regard d’un texte ready-made écrit et récité par le critique d’art Bernard Marcadé. Ce processus de « désacclimatation », Olivier Dollinger l’a souvent abordé dans son travail. Qu’il s’agisse de body-building, d’hypnose ou plus récemment de magie, c’est dans l’expérience menée avec l’autre qu’émergent ses fascinantes images de performances aux allures volontairement « dégénérées ».

Au-delà de l’implication des corps, c’est ici le dispositif tout entier de « Circle stories » qui s’annonce performatif. D’abord parce que les trois éléments en présence sont à tour de rôle activés: le film de la gymnaste, la platine qui diffuse le conte, le Rotorelief. Ces quasi-personnages de l’exposition qui interagissent et se donnent la réplique, créent ensemble une narration désynchronisée. Ensuite parce que le spectateur est placé au centre du dispositif pour faire l’expérience d’une appréhension du monde depuis un périmètre en rotation. Enfin parce qu’Olivier Dollinger, en faisant dérailler la mécanique de l’hypnose cinétique, en transformant son échelle, sa focale et son médium, élargit la vision et produit de nouvelle zone d’impact.
Mathilde Villeneuve

Pratique

3 rue des Trois Portes
75005 Paris T +33 (0)1 46 33 04 38
Frankfurt : Eichendorffstr. 70A D-60320 Frankfurt/Main T +49 (0)69 5600 2828
www.marionmeyercontemporain.com

Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 19 Juillet 2012 à 22:17 | Lu 549 fois

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