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Marseille, Fort Saint-Jean : Kacimi – 1993-2003, une transition africaine, exposition du 23 novembre 2018 au 3 mars 2019

Mohammed Kacimi (1942-2003) est l’un des plus importants plasticiens marocains d’après-guerre.


Marseille, Fort Saint-Jean :  Kacimi – 1993-2003, une transition africaine,  exposition du 23 novembre 2018 au 3 mars 2019
Artiste novateur et engagé, instigateur et témoin principal de la mondialisation de l’art contemporain arabe, il a largement influencé l’évolution de la scène artistique de son pays, et servi de modèle à nombre de jeunes artistes maghrébins aujourd’hui internationalement reconnus.

L’exposition se consacre à la « période africaine » de Mohammed Kacimi (1993-2003), soit l’apogée de son œuvre, qui le voit rompre avec l’art occidental et les différents courants esthétiques l’ayant influencé durant son parcours, pour ouvrir une nouvelle voie, beaucoup plus personnelle, caractérisée par une expression sans contrainte, libre, et de plus en plus transdisciplinaire.

En mettant en évidence ce moment majeur, il s’agit de mieux comprendre en quoi l’œuvre de Mohammed Kacimi a pu participer à la construction d’un nouvel imaginaire méditerranéen.

À travers une sélection d’œuvres exemplaires et de documents d’archives significatifs (325 peintures, sculptures, manuscrits, textes, dessins, photographies, vidéos, etc.), cette exposition révèle le rôle déterminant joué par ce plasticien, véritable passeur ayant permis aux nouvelles générations d’artistes issus du monde arabe de sauter le pas vers une contemporanéité nouvelle, nourrie par ses propres ancrages culturels : « une transition africaine ».

Commissariat : Nadine Descendre, historienne et critique d’art
Scénographie : Sylvain Massot, Dodeskaden

Peintre de la couleur, chantre du bleu et des ocres tenté par le noir, Mohammed Kacimi (1942—2003) s’inscrit dans l’histoire de l’art

comme un interprète de l’existence et de notre condition humaine. En rassemblant toute son énergie dans ses oeuvres, il a tenté une réconciliation entre une vision tragique de son époque et son appétence au bonheur quelque peu désespérée. Il restera à tout jamais cet
être lumineux mais paradoxal, tourmenté par de sombres musiques qui lui tournent dans la tête. En s’appuyant sur l’art, il contourne le désespoir qui l’assaille, pour reconquérir l’éclat de la vie…

Dans cette exposition, une relecture peut être faite, au Mucem, de l’approche qui fut la sienne à l’ultime phase de sa production artistique. Mohammed Kacimi fut un artiste d’exception, dont la trajectoire, différente de celles des autres artistes de la scène
marocaine de cette seconde partie du XXe siècle, fut scandée en étapes successives. Il s’agit ici d’approfondir la phase finale de son parcours (entre 1993 et 2003), dont l’apothéose doit tout à un cheminement d’autodidacte éclairé.

À découvrir l’abondante diversité de son oeuvre, il apparaît que, débusquées dans les recoins secrets de cette progression, les pièces produites se pressent comme les éléments constitutifs d’une construction syntaxique. C’est d’ailleurs une idée qu’il défend lui-même. Mais ce qui frappe le plus, c’est le caractère pluridisciplinaire des choix opérés par cet artiste engagé d’un point de vue esthétique, conceptuel, politique… Il est peintre, certes. C’est la pratique qui précède à tout et à laquelle il revient toujours. Mais il est fasciné par la littérature et auteur de nombreux textes ; il est graphiste à la carte, polémiste invétéré, pamphlétaire, rédacteur de tracts restés notoires, dérobeur d’objets et de matériaux qu’il s’approprie et transforme, adepte de la performance (publique et intime), partisan convaincu des vertus des installations en plein air ou dans des espaces d’exposition, s’essayant à la mise en scène de spectacles de danse ou de théâtre tenant parfois du détournement, peignant par exemple des peintures sur scène et en public (du mur peint à la création d’œuvres en direct). Il est épris de connaissance et proche de la culture populaire au sens noble du terme. Il est un acteur de la mondialisation et, inlassable combattant des droits de l’homme et de la liberté d’expression, s’y investit sans compter. Fidèle à
une spiritualité douce et pacifique acquise pendant l’enfance, chacun de ses travaux, chacun de ses actes, interpelle des préoccupations universelles.

Kacimi est allé se nourrir là (d’abord chez ses ancêtres admirés, les peintres Gharbaoui et Cherkaoui, puis dans les réserves
muséographiques de l’art moderne occidental) mais il a retrouvé ses racines ailleurs (entre les arts premiers et l’art brut) pour sentir définitivement, après moult expériences, que ses origines étaient ancrées en Afrique et qu’il lui importait avant tout d’aller y sonder sa genèse maghrébine, entre ces différentes cultures qui le déterminent, pour y trouver cette évidence, originale et différente, dont il est en quête depuis sa jeunesse pour s’assurer que son oeuvre soit enfin « accomplie » et juste selon ses vœux les plus intimes : mettre en image la coïncidence la plus précise possible entre sa vérité et celle de son temps.

Cette quête d’ascendance, on la retrouve aujourd’hui chez la plupart des jeunes artistes aux accointances plus ou moins directes avec l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne, aujourd’hui restés dans leur pays et / ou gravitant sur la scène artistique internationale. Kacimi est de ceux (et vraisemblablement le seul au Maroc) qui a libéré les générations suivantes du carcan d’une peinture transfuge de l’École de Paris mais aussi des archétypes orientalistes, artisanaux ou patrimoniaux de la créativité islamique sans en renier les atouts. Il est de la race de ceux qui aident les autres à trouver leur chemin entre le respect de leurs cultures et les turbulences d’une modernité en éternelle transformation.

Cette oeuvre à l’originalité unique ne ressemble à aucune autre et on commence à comprendre aujourd’hui au Maroc à quel point elle a été déterminante. Mais le monde artistique international l’ignore encore. Il y a pourtant dans tous les pays méditerranéens des deux rives des créateurs de cette trempe : des acteurs de la transition. Ces artistes ayant participé ainsi à une forme de transition dans leur pays sont rarement ceux révélés par le marché de l’art international tel qu’il gouverne la scène artistique.
Peu communicants, travailleurs invétérés, partageurs de leurs savoirs et de leurs expériences, ils oeuvrent !
Au sein de cette prolifération, il fut parfois délicat, pour le commissaire de cette exposition, d’ordonner le travail de Mohammed
Kacimi – environ 4 500 pièces – qui ne signait ni ne datait ses oeuvres et, le plus souvent, ne leur donnait pas de titre.

Le Mucem entame ainsi, avec cette première exposition, une véritable aventure de découvreur dont une série de choix rendra compte ultérieurement. Le musée envisage de présenter, en temps voulu, la démarche de tels passeurs, aux différentes nationalités, dont le rôle, encore relativement confidentiel, attend d’être mis au jour. Grands artistes, analystes de leur société, acteurs importants dans le bassin méditerranéen, certains, méconnus ou mal connus, ont été et sont toujours des révélateurs responsables, parfois à leur corps défendant, pour la génération de jeunes artistes ayant succédé à la leur.

Pratique


Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 13 Novembre 2018 à 22:29 | Lu 191 fois

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