Ces pièces sont disposées pour frustrer nos sens – pas touche ! Des pièces délicates ou massives émanent une aura tout aussi puissante. Sensible et puissant, le travail de Marinette Cueco est dépourvu de sentimentalisme. Ce serait une terrible méprise de reléguer son œuvre au rayon poésie et joliesse sous prétexte d'un compliment (captivant, gracieux, ravissant) qui dénigre autant qu'il louange l'ouvrage des dames.

Potagerie Teck, 2012, feuilles de teck, 180 x 135 cm. © Cyrille Cauvet
Les formes de Cueco Faber ne peuvent être poétiques, puisqu'elles sont conçues en dehors du langage. De son esthétique muette émerge ce qui est donné à voir. En parler est une autre affaire. Les éléments constitutifs peuvent être décrits par autant de syntagmes - chignon de pré, emmaillotage de galet, entrelacs de graminée, pelote d'ampelopsis, fagot de glycine, fuseau de chanvre - qui s'apparentent à des métaphores et régalent par hasard nos sensibilités linguistiques. Ne soyons pas dupe, l'esprit qui les fabrique demeure fermement matérialiste.
L'ambition de Marinette Cueco est de maîtriser la nature comme source de matériau mais aussi de formes. Botaniste à la manière de Jean-Jacques Rousseau, c'est-à-dire sans maître, elle herborise par rapport à sa démarche esthétique. Lorsqu'elle cueille la matière végétale, elle accomplit une tâche purement utilitaire, alors que traitement, mise en forme et ordonnancement de la matière végétale sont des activités créatrices.
L'ambition de Marinette Cueco est de maîtriser la nature comme source de matériau mais aussi de formes. Botaniste à la manière de Jean-Jacques Rousseau, c'est-à-dire sans maître, elle herborise par rapport à sa démarche esthétique. Lorsqu'elle cueille la matière végétale, elle accomplit une tâche purement utilitaire, alors que traitement, mise en forme et ordonnancement de la matière végétale sont des activités créatrices.

Potagerie Consoude, 2012, feuilles de Consoude, 180 x 135 cm. © Cyrille Cauvet
Elle n'imite pas la nature, elle ne reproduit pas les formes, elle en crée de nouvelles qui n'existaient pas avant qu'elle ne les imagine. Pour inventer ses gestes, elle puise dans l'histoire du corps à l'œuvre. Des techniques textiles traditionnelles, elle retient et adapte : tissage, filage, tricot, crochet, couture ; de l'agriculture : fauchage, cueillette, taille, égrenage.
Pour être efficaces, ces actions doivent être menées avec un esprit tranquille, détaché des mondanités, ce qui se reflète dans les œuvres au fur et à mesure de leur réalisation. Lorsqu'on y prête attention, ces actions réfléchies et scrupuleuses, consignées dans les fiches, font appel à nos sens et nous procurent le plaisir particulier de l'esthétique botanique.
Pour être efficaces, ces actions doivent être menées avec un esprit tranquille, détaché des mondanités, ce qui se reflète dans les œuvres au fur et à mesure de leur réalisation. Lorsqu'on y prête attention, ces actions réfléchies et scrupuleuses, consignées dans les fiches, font appel à nos sens et nous procurent le plaisir particulier de l'esthétique botanique.

Potagerie de poireaux, 2007, blancs et verts de poireaux alignés, 180 x 180 cm. © Cyrille Cauvet
Toute sa vie Marinette Cueco était appréciée des amateurs d'art textile ou du jardin. Il est temps qu'elle soit reconnue plus largement. Son art singulier reste réfractaire à toute interprétation iconographique. Son œuvre est aussi informée de la crise de la représentation que les pratiques de plein air, les toiles non tendues, les arts de la pelle et du bulldozer, ou l'arte povera qui rend molto ricco. Il ne manque que le cordon protecteur d'une exposition muséale pour que Marinette Cueco puisse aussi réfuter en pompe la société de consommation, et interroger dans les règles de l'art contemporain la relation entre l'homme et la nature. Ou peut-être vaut-il mieux ne pas institutionnaliser l'esprit libre de cette glaneuse qui se promène dans le champ esthétique de la modernité.
Rachel Stella
Rachel Stella
Pratique
Galerie Ceysson & Bénétière
21, rue Longue
69 001 Lyon
Marinette Cueco
De l'herbier au monochrome
5 juin - 26 juillet 2025
Vernissage le 5 juin 2025, à partir de 18h
21, rue Longue
69 001 Lyon
Marinette Cueco
De l'herbier au monochrome
5 juin - 26 juillet 2025
Vernissage le 5 juin 2025, à partir de 18h