L'Amour des possibles, par Olivier Py
On ne fait pas la révolution seul. Les grands changements, les révolutions sont toujours le fait de forces collectives favorisées par le vent de l’histoire, mais comment vivre quand ce vent se tait?Comment vivre quand la politique est sans espoir, oublieuse de l’avenir? Comment vivre quand les idées n’ont plus de valeur, quand le corps social est écartelé, apeuré, réduit au silence? Comment vivre
une vie digne quand la politique n’est plus que manigances politiciennes? Quand la révolution est impossible il reste le théâtre. Les utopies y attendent des jours propices, les forces novatrices y inventent encore un demain, les vœux de paix et d’équité n’y sont pas prononcés en vain. Quand Hamlet voit l’impossibilité de la révolution, il convoque le théâtre pour y faire une révolution de théâtre qui dit que tout est encore possible, qu’il faut réanimer le désir de jours enivrés de devenirs.
C’est au théâtre que nous préservons les forces vives du changement à l’échelle de l’individu. Face au désespoir du politique, le théâtre invente un espoir politique qui n’est pas que symbolique mais exemplaire, emblématique, incarné, nécessaire. La politique est trop belle pour qu’on la laisse aux politiques quand ceux-ci n’ont plus à cœur que leurs privilèges de classe. Et le premier signe de la démission politique des politiciens est toujours le désengagement culturel. Oui la culture est inquantifiable et sa nécessité dépasse si hautement la légitimité économique qu’elle échappe aux hommes sans espoirs.
Ce désespoir politique ne nous empêche pourtant pas de croire encore dans l’avenir. Croire en l’avenir quand les forces historiques sont contraires est peut-être la meilleure définition de la culture.
Car la politique n’est pas la froide gestion des réalités mais la mise en pratique de l’amour du présent et de l’autre.
Nous avons le devoir de résister et le devoir d’insister. Nous avons ce devoir pour les générations qui viennent car des cultures millénaires peuvent être anéanties en une seule génération. Insistons, l’avenir de la politique sera culturel ou ne sera pas. L’éducation c’est la culture qui commence et la culture c’est l’éducation qui continue, insistons, le lien générationnel passe par la culture et il est un des fondements de la cité. Et nous n’avons besoin d’aucun dieu si nous croyons à la transcendance dans le collectif et si nous apprenons à l’affirmer dans nos vies.
Quand Jean Vilar a imaginé un pacte entre les artistes et la république, il savait ouvrir un asile aux volontés utopiques, aux rassemblements de diversités et à l’amour des possibles.
Nous insistons, avec l’exigence intellectuelle, avec la croyance dans l’intelligence du public, dans l’engagement de l’artiste, dans la conscience du poète. Nous désirons hautement que le triste spectacle du monde et de notre impuissance trouve une contradiction sur la scène faite d’émerveillement
et de courage.
La salle d’un théâtre est déjà en soi une représentation de la cité, il n’y a qu’à regarder la splendide agora de la Cour du Palais des papes pour se donner une image plus belle de notre société et y trouver architecture d’espérances. À Avignon nous brisons la fatalité. Le public, sa ferveur, sa soif spirituelle opposent à tous les déterminismes un désir d’inconnu et d’imprescrit. Oui nous ne savons pas ce qui vient... La culture est différente de l’érudition qui croit savoir, de l’analyse matérielle qui prétend savoir et de la fausse autorité du pragmatisme qui affirme savoir.
Être politique c’est croire en l’homme. Les artistes nous donnent de bonnes raisons de croire en l’homme, ils se font la voix du peuple qui refuse un monde privé de sens et nous rappellent que l’émerveillement et l’espoir sont un choix.
Oui, nous insistons, si les puissants ne croient plus en la culture, c’est qu’ils ne croient plus
à la souveraineté du peuple. Voilà ce que Jean Vilar est venu dire à Avignon et qu’inlassablement nous dirons encore lors de cette 70e édition.
une vie digne quand la politique n’est plus que manigances politiciennes? Quand la révolution est impossible il reste le théâtre. Les utopies y attendent des jours propices, les forces novatrices y inventent encore un demain, les vœux de paix et d’équité n’y sont pas prononcés en vain. Quand Hamlet voit l’impossibilité de la révolution, il convoque le théâtre pour y faire une révolution de théâtre qui dit que tout est encore possible, qu’il faut réanimer le désir de jours enivrés de devenirs.
C’est au théâtre que nous préservons les forces vives du changement à l’échelle de l’individu. Face au désespoir du politique, le théâtre invente un espoir politique qui n’est pas que symbolique mais exemplaire, emblématique, incarné, nécessaire. La politique est trop belle pour qu’on la laisse aux politiques quand ceux-ci n’ont plus à cœur que leurs privilèges de classe. Et le premier signe de la démission politique des politiciens est toujours le désengagement culturel. Oui la culture est inquantifiable et sa nécessité dépasse si hautement la légitimité économique qu’elle échappe aux hommes sans espoirs.
Ce désespoir politique ne nous empêche pourtant pas de croire encore dans l’avenir. Croire en l’avenir quand les forces historiques sont contraires est peut-être la meilleure définition de la culture.
Car la politique n’est pas la froide gestion des réalités mais la mise en pratique de l’amour du présent et de l’autre.
Nous avons le devoir de résister et le devoir d’insister. Nous avons ce devoir pour les générations qui viennent car des cultures millénaires peuvent être anéanties en une seule génération. Insistons, l’avenir de la politique sera culturel ou ne sera pas. L’éducation c’est la culture qui commence et la culture c’est l’éducation qui continue, insistons, le lien générationnel passe par la culture et il est un des fondements de la cité. Et nous n’avons besoin d’aucun dieu si nous croyons à la transcendance dans le collectif et si nous apprenons à l’affirmer dans nos vies.
Quand Jean Vilar a imaginé un pacte entre les artistes et la république, il savait ouvrir un asile aux volontés utopiques, aux rassemblements de diversités et à l’amour des possibles.
Nous insistons, avec l’exigence intellectuelle, avec la croyance dans l’intelligence du public, dans l’engagement de l’artiste, dans la conscience du poète. Nous désirons hautement que le triste spectacle du monde et de notre impuissance trouve une contradiction sur la scène faite d’émerveillement
et de courage.
La salle d’un théâtre est déjà en soi une représentation de la cité, il n’y a qu’à regarder la splendide agora de la Cour du Palais des papes pour se donner une image plus belle de notre société et y trouver architecture d’espérances. À Avignon nous brisons la fatalité. Le public, sa ferveur, sa soif spirituelle opposent à tous les déterminismes un désir d’inconnu et d’imprescrit. Oui nous ne savons pas ce qui vient... La culture est différente de l’érudition qui croit savoir, de l’analyse matérielle qui prétend savoir et de la fausse autorité du pragmatisme qui affirme savoir.
Être politique c’est croire en l’homme. Les artistes nous donnent de bonnes raisons de croire en l’homme, ils se font la voix du peuple qui refuse un monde privé de sens et nous rappellent que l’émerveillement et l’espoir sont un choix.
Oui, nous insistons, si les puissants ne croient plus en la culture, c’est qu’ils ne croient plus
à la souveraineté du peuple. Voilà ce que Jean Vilar est venu dire à Avignon et qu’inlassablement nous dirons encore lors de cette 70e édition.
Less grandes lignes de la programmation 2016
LE CIEL, LA NUIT ET LA PIERRE GLORIEUSE LA PICCOLA FAMILIA JARDIN CECCANO 50MIN Entrée libre
70e édition... Toute une histoire, tout un présent, tout un avenir pour construire ce feuilleton théâtral qui traversera en seize épisodes l’aventure qu’a été, qu’est et que continuera à être le Festival d’Avignon. Hors de toute commémoration institutionnelle, hors de tout récit chronologique, la troupe de La Piccola Familia répond au souhait du Festival et entraîne au fil de la 70e édition les spectateurs dans les méandres de son aventure artistique, culturelle, politique et humaine. Une aventure qui a toujours privilégié le rapport au public, qui a toujours défendu, sous différentes formes, un théâtre populaire et exigeant, ouvert à toutes et à tous. Moments spectaculaires ou événements quotidiens, succès ou échecs, traversées des lieux mythiques, tragédies humaines, récits de spectateurs ou textes de critiques… Tout est matière à récits, à images, à chansons et à improvisations. Ne rien s’interdire pour garder l’essentiel de ce qui fait le Festival d’Avignon depuis tant d’années est l’idée de La Piccola Familia afin de raconter cette fête du théâtre, ce moment unique de partage. Bien sûr, à travers les crises qui ont ponctué cette histoire, c’est aussi le reflet d’une histoire plus vaste, celle des mentalités et du rapport à l’art qui se fera entendre. C’est en changeant que le Festival a pu durer et ce sera aux enfants d’Avignon de dire comment le rêver pour les années à venir.
CEUX QUI ERRENT NE SE TROMPENT PAS MAËLLE POÉSY THÉÂTRE BENOÎT-XII 2H30 28€ /22€ /14€ /10€
Stupeur. Un vote blanc et massif affole le gouvernement qui fêtait déjà sa réélection. Maintenant, c’est le déluge. Réunis en conseil, les ministres tentent de comprendre. S’agit-il d’une conspiration? Quels en sont les organisateurs? Qu’est-ce que le vote blanc? Que veut-il dire? Comment réagir? Pris de panique, les gouvernants déclarent l’état d’inquiétude et somment le responsable des services de la Vérité d’enquêter. En parallèle, une journaliste atypique filme l’ampleur intime du cataclysme politique. En observant des personnages pris à la fois dans le désordre de leur conscience et dans un système prêt à basculer, Maëlle Poésy interroge le public : la démocratie permet-elle encore un dialogue ? Pour travailler cette question avec distance, elle adapte avec Kevin Keiss, auteur et dramaturge, le roman La Lucidité de José Saramago en imaginant une comédie fantastique qui joue de l’absurde et des logiques du système démocratique. Une révolution par les urnes qui mesure l’écart grandissant entre les deux composantes grecques du mot, le pouvoir et le peuple qui en est responsable. Grâce ou à cause des conséquences d’un vote, la jeune metteuse en scène examine, dans cette fiction aux accents de réel, la notion de représentation, d’incarnation et de dialogue. Continuer à dialoguer est déjà refuser d’être dépossédé.
PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ OLIVIER PY SPECTACLE ITINÉRANT 1H 17€ /14€ /14€ /10€
« Dieu, supplicié par les dieux » pour avoir aimé les hommes et condamné par Zeus, pour leur avoir offert
les arts et le feu, Prométhée incarne la désobéissance, la remise en cause de l’ordre établi et le rempart face
à la parole des puissants. Figure des plus citées et réinterprétées dans la littérature depuis Eschyle, il est cette pièce divine, mettant en scène le Titan face aux lieutenants Héphaïstos, Apollon, Io ou encore Hermès. Parce qu’elle est fondamentalement politique, elle offre, selon Olivier Py, une « leçon d’insurrection ».
LES DAMNÉS IVO VAN HOVE COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES PAPES 2H De 38€ à 10€
Invité par la Comédie-Française à diriger des acteurs de la Troupe, Ivo van Hove a choisi de mettre en scène Les Damnés. Partant du scénario – sans se référer au film réalisé par Visconti –, il raconte, dans un spectacle à la scénographie proche de l’installation, l’histoire de la famille Essenbeck à l’heure du triomphe des nazis en Allemagne. Pour protéger leurs intérêts, ces maîtres de la sidérurgie ne voient d'autre alternative que de s’allier au nouveau régime et assassinent leur patriarche, le vieux baron Joachim, que cette idée répugne. D’intrigues en manipulations, de trahisons en meurtres, la désignation du nouveau patron des aciéries génère un véritable rituel de célébration du Mal, où la perversion des rapports entre les individus fait écho à la cruauté et la brutalité du contexte politique. Dans cette lutte pour la survie, contre toute attente, Martin – le fils pédophile et incestueux de
la puissante baronne Sophie – parvient à éliminer tous ses adversaires, devenant un serviteur zélé du régime prêt à régner sur l’empire hérité. Pour cela, il accepte de payer
le prix fort : la froideur d’une vie où l’amour, la bonté et la beauté ont irrémédiablement disparu.
AU COEUR THIERRY THIEÛ NIANG CHAPELLE PÉNITENTS BLANCS STUDIO DE LA CHARTREUSE COLLECTION LAMBERT 1H 17€ /14€ /14€ /10€ /8€
L’image d’un jeune corps à terre. Est-il mort ou vivant ? Sommes-nous sur une plage voisine, dans un jardin ou une cour de récréation? Comme beaucoup, Thierry Thieû Niang a été ému par les photographies d’enfants échoués ces derniers mois, ces derniers jours. Attentif, il l’est aussi lorsqu’il observe les poètes solitaires, les indiens dans les forêts, les tentatives des grimpeurs
à mains nues, celles des apprentis comédiens ou encore des aînés qui prennent leur cadet par la main. Pour le chorégraphe, l’enfance est le territoire de l’art, le moment des prémices, des essais, des apprentissages et de tous les possibles. Un temps où l’on peut aussi s’effondrer et renaître. Ces derniers mois, au cours d’ateliers à La Chartreuse de Villeneuve lez Avignon et à la Collection Lambert, Thierry Thieû Niang a rencontré de jeunes Avignonnais. Certains d’entre eux et d’autres se sont retrouvés à La FabricA du Festival d’Avignon, en janvier. Expérimentés ou novices, ils forment déjà une communauté singulière et « avouable » en mouvement. Leur fragilité et leur engagement nous parlent d’éclosions, de chutes, de pertes et de consolations. Ils partagent le plateau avec un jeune musicien, Robin Pharo, qui rythme la cérémonie, tantôt guide, tantôt témoin. Les sonorités de sa viole de gambe relient des temps anciens et à venir, installant les onze jeunes gens dans un présent suspendu dont l’intensité vibre longtemps, grâce aux mots de l’écrivain Linda Lê et les mots-néons de Claude Lévêque, créés pour l’occasion.
6 A.M. HOW TO DISAPPEAR COMPLETELY BLITZTHEATREGROUP OPÉRA GRAND AVIGNON 1H30 De 28€ à 10€
Comme une louve s’adressant à la lune, Angeliki Papoulia dit dans une pénombre vespérale les premiers vers de Ménon pleurant Diotima de Hölderlin. Se déploie alors sur scène un vaste terrain vague aux allures de friche industrielle : c’est la « zone ». À partir de cette élégie et influencé par le film Stalker d’Andreï Tarkovski et par le roman Roadside Picnic d’Arkady et Boris Strougatsky, le blitztheatregroup invente avec 6 a.m. How to disappear completely une odyssée de science-fiction, poétique et théâtrale. Sept personnages en quête d'une nouvelle réalité se réunissent aux heures les plus sombres de la nuit pour accomplir de mystérieuses tâches, tels des ouvriers sur un chantier de construction. Alors que tout autour semble inquiétant, l’espace change, se transforme, s’apprivoise, augurant d’un possible ailleurs... À une époque où le langage des décisions technocratiques domine, où nous devons faire avec sans savoir en quoi nous croyons, le blitztheatregroup tente d’articuler un nouveau manifeste de l’évasion. Quels pourraient être un autre langage
et un autre futur – loin du présent fait de peur et de confusion ? Comment pourraient se forger de nouvelles convictions ? Comment peut-on (se) transformer ? Il est six heures du matin, un nouveau jour se lève.
¿ QUÉ HARÉ YO CON ESTA ESPADA ? ANGÉLICA LIDDELL CLOÎTRE DES CARMES 3H45 28€ /22€ /14€ /10€
Angélica Liddell utilise tous les artifices d’un théâtre où la beauté, l’érotisme et la mort se mêlent inextricablement pour fouiller au plus profond de la nature humaine. Une manière de tenter d’exprimer l’inexprimable. Avec une sincérité sans faille et une force explosive, la metteuse en scène madrilène s’expose pour se questionner. Et de son cri bouleversant de détresse, et de son cri si profondément humain d’espoir, elle cherche à faire triompher la loi de la poésie face à la loi de l’État. Terriblement troublée par la violence d’Issei Sagawa, Japonais cannibale de sa camarade étudiante, et par celles des meurtriers des attentats de Paris de novembre 2015, elle propose avec ¿Qué haré yo con esta espada? (Que ferai-je, moi, de cette épée?) un voyage entre Tokyo et Paris. Un aller-retour pour libérer dans la fiction les instincts homicides souvent enfouis dans les tréfonds de l’être humain. Avec ses compagnons de route, Hölderlin, Cioran, Mishima et Nietzsche, elle revient aux origines de la tragédie et cherche à transformer sur le plateau la violence réelle en violence mythologique. Utilisant sa force d’actrice pour dire la fragilité des désirs, dynamitant la morale bourgeoise et bien-pensante, Angélica Liddell emmène dans des lieux où il est impossible d’être tranquille.
SUJETS À VIF PROGRAMMES A & B JARDIN DE LA VIERGE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H20 17€ /14€ /14€ /10€
- La Vie des formes Renaud Herbin et Célia Houdart
- Membre Fantôme Erwan Keravec et Mickaël Phelippeau
Erwan Keravec et Mickaël Phelippeau aiment travailler/interagir avec leurs identités pour les transformer et le point de départ de cette collaboration pourrait être ce membre fantôme, ce « ça a été ». La cornemuse, qui se réfère à une histoire, est ici l’instrument de l’obsession et du son infini. Le corps du danseur qui a traversé un vocabulaire traditionnel, serait davantage porteur de réminiscences. Mais au-delà, la rencontre entre ces deux artistes au penchant commun pour le kig ar farz et les fest-noz permet de nourrir un déplacement et un apprentissage de l’un à l’autre. « Apprendre veut dire : regarder où il met ses doigts, mémoriser les touches qu’il enfonce comme on repère les traces d’un animal qu’on traque. » Peter Szendy
- Tâkasûtra Sophie Cattani et Herman Diephuis
La comédienne, metteuse en scène Sophie Cattani et le danseur chorégraphe Herman Diephuis sont contraints, par le mariage forcé qui les rapproche sur cette scène, de faire naître le désir. Renversant le problème pour mieux s’y confronter, ils décident de le placer au centre. Ils l'interrogent, ils tournent autour, le corps s'en mêle… Mais si le désir finit par apparaître, de nouvelles questions l’accompagnent… Comme il est aussi possible de mourir de plaisir, Sophie Cattani et Herman Diephuis en viennent à s'interroger sur la mort, la petite et la grande.
- Les Corvidés Jonathan Capdevielle et Laetitia Dosch
« Quand on sait pas quoi faire… Quelqu'un devait rendre un devoir, elle savait pas quoi faire. Je lui dis : « Va à la bibliothèque, fais-toi guider, prends un livre, ouvre-le au hasard, mets ton doigt, et ça, ça va être le sujet ». Elle le fait, ça lui dit rien. Elle recommence 8 ou 10 fois… Et finalement, c'est le premier sujet qui lui parle. C'était sur les masques. Elle a fait tout un truc sur les masques des gens, l'identité, elle était inspirée. Là, le tarot il dit : « Allez au rayon théâtre/art, l'inconscient vous guidera. Faites quelque chose que Laetitia et Jonathan aiment vraiment. Si vous trouvez un argument que vous aimez tous les deux, ça va exploser.» Le tarologue, 30 mars 2016
2666 JULIEN GOSSELIN LA FABRICA 12H 49€ /39€ /20€ /10€
Comme une malédiction, le titre du roman de Roberto Bolaño associe la promesse du troisième millénaire à celle d’une apocalypse prochaine. Prochaine ou peut-être déjà en marche, si l’on en croit le tableau que l’auteur dresse d’une Europe fatiguée et d’une Amérique corrompue. Crimes monstrueux qui ont ravagé le monde au XXe siècle, atrocités qui naissent dans le nouveau, force de l’art mais aussi constat de sa défaite perpétuelle contre le mal… Attiré par les thèmes historiques mais aussi esthétiques qu’aborde cette œuvre monumentale, Julien Gosselin en saisit la structure et les récits qui la composent et leur donne un décor commun. Apparemment distinctes mais reliées par des crimes, un désert, des enquêtes et la ville de Ciudad Juarez – ici nommée Santa Teresa –, les pistes s’accumulent et permettent au collectif Si vous pouviez lécher mon cœur de jouer des registres et d’alterner les rythmes. À l’avant-scène, quatre critiques européens s’enferrent dans la recherche d’un mystérieux auteur et d’une histoire d’amour puis le monde de Bolaño s’ouvre en même temps que la scène. Voici le Mexique, un professeur chilien au bord de la folie, un journaliste américain désorienté, des trafics, des policiers perdus et des meurtres par centaines…
LUDWIG, UN ROI SUR LA LUNE MADELEINE LOUARN L’AUTRE SCÈNE DU GRAND AVIGNON - VEDÈNE 1H30 28€ /22€ /14€ /10€
Roi légendaire, roi fou, roi qui ne voulut jamais être totalement roi, Louis II de Bavière est autant admiré aujourd’hui qu’il fut détesté ou incompris en son règne. Celui qui écrivait: « Je veux demeurer pour moi et pour les autres une éternelle énigme » a réussi son pari au-delà de toute espérance en devenant une des figures les plus célèbres du romantisme allemand. Madeleine Louarn et les comédiens handicapés de Catalyse, avec qui elle travaille depuis plus de 20 ans, ont décidé de mettre ce personnage au cœur de leur spectacle. Avec leurs compagnons de route, Frédéric Vossier pour le texte, Rodolphe Burger et Julien Perraudeau pour la musique, Loïc Touzé et Agnieszka Ryszkiewicz pour la chorégraphie, ils explorent les fantasmes et les rêves de ce roi mystérieux et explosif. Ils suivent sa recherche absolue d’une vie qui touche au sublime, les contradictions profondes qui l’habitent, son retrait progressif de la vie réelle pour un monde de fiction – le lent chemin de sa décomposition. De cette chute, ils font un voyage dans l’esprit de Louis II et construisent une pièce musicale et chorégraphique où la nature, les arts et les excès conduisent au fantastique.
L’INSTITUT BENJAMENTA BÉRANGÈRE VANTUSSO GYMNASE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H30 28€ /22€ /14€ /10€
Quoique bien né, Jacob von Gunten est résolu à devenir « un beau zéro tout rond ».
Il choisit d’entrer à l’Institut Benjamenta, une école de domestiques qui porte le nom de son directeur. Le « sacro-saint » règlement, les comportements rigoureux, la tenue, l’humilité que requiert la fonction, amusent Jacob et sont autant de sujets qu’il consigne dans son journal, forme que Robert Walser donne à son roman. Réflexions sur le statut de serviteur et notation de ce qui survient à l’institut jusqu’à son bouleversement, les écrits de Jacob sont toujours ponctués d’un doute : se tromperait-il sur ce qu’il voit ? L’a-t-il vécu ? L’a-t-il rêvé? Bérangère Vantusso approfondit ce trouble en mélangeant acteurs et marionnettes hyperréalistes pour traverser cette histoire de maîtres et de serviteurs, de mort et de renaissance. S’inspirant du bunraku, art de la marionnette japonais, la metteuse en scène dissocie voix et corps, installe Jacob en récitant principal jusqu’à glisser de la narration à l’action. Les marionnettes deviennent les figures idéales de ce « zéro » duquel tout peut advenir. Le cercle des possibles s’élargit et avec lui, le rêve.
LA RIVE DANS LE NOIR PASCAL QUIGNARD, MARIE VIALLE TINEL DE LA CHARTREUSE 1H15 28€ /22€ /14€ /10€
Tout débute par une disparition ; celle d’une femme, Carlotta, qui emporte avec elle un mouvement qu’on ne pourra plus montrer, des voix qu’on ne pourra plus entendre. La perte irrémédiable et le manque qui s’ouvre produisent bientôt un geste : l’écriture. La question « Où es-tu ? » ne pouvant plus se dire, l’écrivain décide de livrer ce qui blesse son âme à celle qui sait le lire : la prêtresse, celle qui chante, celle qui danse, celle qui vit hors du temps. Pour apaiser les morts et bercer les vivants, ils entrent ensemble sur la rive des ombres. Là, les animaux sont rejoints par les hommes, les chants deviennent sauvages, les touches d’un piano poussent des ululements, le regard d’un rapace convoque une peur d’enfant. De possessions en métamorphoses, tour à tour maîtres et assistants, Marie Vialle et Pascal Quignard rappellent des disparus, visitent des peines et des zones primitives où le langage n’est plus seulement articulé, où la musique n’est plus seulement sonore, où le jour et la nuit ne sont plus des repères. Par les moyens du rêve et dans l’obscurité, l’auteur et la comédienne éveillent des sens que la mémoire voudrait croire oubliés mais que le cœur reconnaît : ils reviennent d’un ailleurs, du temps d’avant la lumière.
TRISTESSES ANNE-CÉCILE VANDALEM GYMNASE DU LYCÉE AUBANEL 2H15 28€ /22€ /14€ /10€
En passe de devenir Premier ministre, Martha Heiger, dirigeante du Parti du Réveil Populaire, retourne sur son île natale, Tristesse, pour enterrer sa mère retrouvée morte dans des circonstances qui restent encore à éclaircir. Après la faillite des abattoirs de Muspelheim, la candidate retrouve son village, exsangue, et profite de la situation pour jeter les bases d’un projet de propagande. Dans l’ombre, deux adolescentes décident de prendre les armes… Inspirée par la violence de la montée des nationalismes en Europe, la dernière création d’Anne-Cécile Vandalem dissèque avec humour ce qu’elle envisage comme l’une des plus redoutables « armes » de la politique contemporaine : « l’attristement des peuples ». Comment ? En liant de manière inextricable la tristesse à la comédie sociale, la politique à l’enquête de mœurs, l’émotion à sa propre résistance. En imaginant cette fable comme un polar nordique, animiste et surnaturel, la metteuse en scène croise la fiction et la réalité, le théâtre et le cinéma, les vivants et les morts. Un thriller où le passé télescope le présent, où les personnages sont pris dans des postures drôles et cruelles, et où le pouvoir insidieux des médias domine. « Un des états de la tristesse ».
ALORS QUE J’ATTENDAIS OMAR ABUSAADA GYMNASE PAUL GIÉRA 1H30 28€ /22€ /14€ /10
Disparu puis brutalement battu après avoir traversé un des nombreux check points qui fractionnent Damas en Syrie, Taim est admis à l’hôpital sans connaissance. Les médecins en informent la famille et l’accident la mène à des confrontations douloureuses et des révélations ensevelies. Après avoir surmonté la mort tragique du père et le scandale qu’elle a révélé, la famille parait incapable d’affronter le coma du fils sans accomplir de profondes mutations. De son sommeil profond, le jeune homme observe ses proches lui rendre visite et, mêlant sa voix à la leur, raconte la vie qui a changé de cours, le quotidien bouleversé de cette famille et les changements qui affectent la capitale syrienne devenue étrange et cruelle. Pour documenter cette pièce sur l’omniprésence de l’absence, Omar Abusaada a rencontré des familles plongées dans le drame du coma et des médecins afin d’en comprendre les mécanismes et d’en percer les mystères. Avec l’auteur Mohammad Al Attar, le metteur en scène a imaginé cette fable qui tisse différents niveaux de conscience. Métaphore à peine voilée de l’état dans lequel se trouve son pays, « ni vivant ni mort, cette zone grise entre espoir et désespoir », mais aussi de ses rêves de théâtre politique « dont les valeurs n’ont pas réussi à s’incarner quand c’était encore possible », ce théâtre de résistance réinterroge ses capacités fictionnelles sans renoncer jamais à raconter l’Histoire.
LENZ CORNELIA RAINER COUR DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H40 28€ /22€ /14€ /10€
En 1835, Georg Büchner, exilé à Strasbourg, s’intéresse au séjour que le poète et dramaturge Jacob Lenz effectua en 1777 au Ban de la Roche, dans la demeure du pasteur Oberlin. De cette parenthèse de vingt et un jours au cœur des Vosges, il cherche à faire entendre les tourments d’un écrivain aux prises avec ses questionnements existentiels. Au sein de ce village et plus précisément au centre d’une communauté de fidèles qui entourent le pasteur, Lenz se sent généreusement accueilli mais prend conscience que le seul remède proposé à ses angoisses est une foi qu’il a déjà rejetée dans sa jeunesse. Si le salut existe, ce ne sera pas celui-ci…
En adaptant ce récit très intense et en y ajoutant des extraits de pièces de théâtre, de drames et les notes du pasteur Oberlin, Cornelia Rainer réalise le portrait d’un homme souffrant qui ne trouve pas de repos et propose de découvrir une œuvre et un auteur trop souvent dans l’ombre de son maître Goethe. Accompagnant au plus près l’écriture de Büchner faite d’harmonie et de dysharmonie, la metteuse en scène autrichienne a imaginé, dans une scénographie spectaculaire, un théâtre musical où la partition contemporaine nourrie de percussions se confronte aux chants religieux que pouvaient entendre Jacob Lenz dans son exil vosgien. Poids de la religion, puissance de l’univers, violence des éléments, hypersensibilité des âmes… LENZ ouvre la porte au romantisme.
CAEN AMOUR TRAJAL HARRELL CLOÎTRE DES CÉLESTINS 1H 28€ /22€ /14€ /10€
Dans un show au décor de carton-pâte – une maison de poupée ? Un palais de papier ? – quatre interprètes vont, se détournent, surgissent, repartent, bouclent… À bout de bras ou près du corps, ils portent rôles et vêtements dans un défilé circulaire, faisant apparaître les spectres de cow-boys, de marins, de danseuses orientales et autres figures lascives ou farouches. Fidèle à son projet d’étudier les liens entre pratiques artistiques et populaires, entre danses académiques, commerciales et contestataires, Trajal Harrell met en place un manège inédit qui fait vibrer l’histoire et vaciller les stéréotypes. Point d’ancrage et destination du voyage : le hoochie coochie. Un nom d’une autre époque pour une pratique qui s’est développée dans le sillage de l’exposition de Philadelphia de 1876 puis de l’exposition universelle de 1893 à Chicago, où la danseuse syrienne Little Egypt avait ému les foules. Depuis, et un siècle durant, les variations exotiques et sexuellement suggestives se multiplient dans les cirques itinérants des États-Unis où la femme exposée offre une danse du bassin et du ventre, une danse nourrie d’influences que l’on pourrait tenter de raccorder au Moyen-Orient, à l’Afrique mais aussi aux peuples des Roms – Gitans, Manouches, Tziganes – ou des Indes orientales. Aucun souci de fidélité documentaire ici : Trajal Harrell ne propose pas une reconstitution mais plutôt une divagation collective, dont les spectateurs sont parties prenantes. Une divagation éclairée par un siècle de travaux sur le sexisme, l’orientalisme, le colonialisme et le genre, dont le chorégraphe est familier et qui impriment à ses visions toute leur modernité.
YITZHAK RABIN : CHRONIQUE... AMOS GITAÏ COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES PAPES 1H45 De 38€ à 10€
L’année dernière, le cinéaste, architecte de formation, Amos Gitaï a réalisé Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin, film-enquête et choral sur l’assassinat, le 4 novembre 1995, du Premier ministre israélien au sortir d’une manifestation pour la paix et contre la violence à Tel-Aviv. Cet assassinat projette une lumière froide, brutale, sur un univers sombre et terrifiant – un univers qui a rendu possible le meurtre, comme le découvre une opinion publique traumatisée. Pour la Cour d’honneur du Palais des papes, à partir des souvenirs de Leah Rabin, l’épouse du Premier ministre, Amos Gitaï a imaginé une « fable » débarrassée de tout formalisme et portée par une distribution d’exception. Quatre protagonistes féminines, quatre voix associées dans un mode récitatif, « entre lamentation et berceuse » remontent le cours de l’Histoire et de la violence inouïe avec laquelle les forces nationalistes se sont opposées au projet de paix en déchirant le pays. Quatre voix prises, comme « dans une chambre d’écho », entre des images-documents et des extraits de la littérature classique – cette mémoire vive qui accompagne depuis toujours le cinéaste et metteur en scène dans sa compréhension du monde. Pour nous, qui laissons circuler dans notre esprit les évènements de ce récit historique, la réalité est une juxtaposition des fragments gravés dans la mémoire collective.
KARAMAZOV JEAN BELLORINI CARRIÈRE DE BOULBON 5H 38€ /29€ /17€ /10€
Telle une enquête grandiose, le roman de Dostoïevski explore les tourments et les contradictions qui conduisent l’un des fils Karamazov au parricide de Fiodor. L’intempérant Mitia est revenu pour exiger l’héritage maternel indûment conservé par le père. Ivan, aussi instruit qu’intransigeant, nourrit un mépris insondable pour cet homme dépravé. La perversité de Smerdiakov, fils illégitime, pèse comme une menace sur la maison. Seul le jeune Aliocha, dévoué et pieux, semble déterminé à écouter chacun, à comprendre
et aimer. En contrepoint des rancœurs qui les occupent, une tragédie se joue dans la famille d’un homme blessé, offensé puis humilié sous les yeux de son fils Ilioucha qui ne s’en remettra pas. C’est le point de vue que Jean Bellorini et sa troupe choisissent pour déployer la symphonie des Karamazov : une datcha de verre abrite une famille pauvre, simple et honnête qui raconte l’histoire d’Aliocha et de ses frères. Porteurs d’autant de sens, la musique, le silence et la parole se relaient pour poser, amplifier et transmettre les questions essentielles de l’œuvre du romancier russe: la possibilité d’une justice dans un monde sans Dieu, la possibilité d’une valeur accordée à l’amour et à la charité.
TRUCKSTOP ARNAUD MEUNIER CHAPELLE DES PÉNITENTS BLANCS 1H30 17€ /14€ /14€ /10€ /8€
Une mère tenant un bar routier, sa fille fragile et un jeune camionneur paumé, tels sont rapidement les trois personnages aux allures embourbées de ce Truckstop. Construite comme un huis clos intimiste, la pièce de l’auteure néerlandaise Lot Vekemans s’accroche à l’aujourd’hui. Effets de la mondialisation, inquiétudes liées au système, déshumanisation au travail sont le sous-texte des dialogues. Arrêtés dans leurs parcours comme dans leurs pensées, les protagonistes se livrent de manière parcellaire, fragmentée. Car si Truckstop est ce carrefour hyperréaliste de libre-échange, cette zone anonyme dénuée d’attraits qui génère un imaginaire puissant, il est aussi difficile d’y être entendu. Sans chronologie et sans sens premier, il est le puzzle qui dans la forme et le fond tient autant les personnages que les spectateurs, l’énigme policière qu’Arnaud Meunier a choisi de raconter : une véritable tragédie à rebours. À l’image de la jeunesse à qui il souhaite s’adresser, chacun est perdu dans sa quête d’idéal. « J’aime ce fossé entre ce qu’on espère et ce qui arrive. Cette grande énigme de l’adolescence tiraillée entre l’attente et l’anxiété de ce qu’on va être.»
XS JARDIN DE LA VIERGE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H20 17€ /14€ /14€ /10€
- Axe de l'importance du sacrifice humain au XXIe siècle, Thierry Hellin et Agnès Limbos
Un couple de ploutocrates décadents, accroché à ses privilèges comme la misère sur le monde, s’épuise à se maintenir debout alors que tout se décompose autour de lui. Comme la cire ou le glaçon qui, s’ils fondent, ne reprennent plus jamais leur forme initiale, le retour en arrière est impossible. Ils ont poussé le bouchon un peu loin, l’angoisse les envahit.
L’axe qui les a maintenus droits, fiers et arrogants depuis des lustres ressemble de plus en plus à un carrefour giratoire. La désorientation leur fait perdre le langage. De durs, ils deviennent flasques...
- Heimaten Antoine Laubin
Antoine Laubin invite Axel Cornil, Thomas Depryck et Jean-Marie Piemme à questionner le terme Heimaten, pluriel de Heimat, qui signifie « patrie » ou « pays d’origine » en allemand. Les quatre auteurs belges explorent les sens de l’expression et saisissent l’occasion de confronter leurs parcours, en convoquant au plateau des ressortissants de plusieurs pays. À Avignon, deux acteurs belges jouent et dialoguent en duplex avec deux acteurs allemands.
Quels liens entretenons-nous avec nos origines? Dans quelle mesure nos langues et nos lieux nous déterminent-ils?
- Les Idées Grises Bastien Dausse et François Lemoine
Les Idées grises est une recherche de liberté absolue, un abandon du convenu et un éloge de l’incongru. C’est une occasion de détruire les pensées cartésiennes et de se laisser divaguer vers l’irrationnel. Bastien Dausse et François Lemoine, les deux jeunes acrobates auteurs et interprètes de la compagnie Barks, imaginent un monde affranchi des lois et des logiques du nôtre. Inventant leur propre vocabulaire pour donner leur vision du cirque dans chacune de leurs créations, cette fois ils détraquent l’espace et le temps, gomment la frontière entre réel et irréel, se jouent avec humour de la gravité et bouleversent nos repères.
HET LAND NOD FC BERGMAN PARC DES EXPOSITIONS AVIGNON 1H35 28€ /22€ /14€ /10€
Certaines salles de musée, à l’instar des cathédrales, semblent dimensionnées pour nous intimider ou, tout du moins, pour souligner notre humble condition. C’est le cas de la salle Rubens du musée des Beaux-Arts d’Anvers, fidèlement reconstituée par les FC Bergman qui ne résistent pas au plaisir d’y installer le public. Devant nous, alors que des œuvres viennent manifestement d’en être retirées ; une seule résiste, Le Coup de Lance, trop grande pour franchir le cadre de la porte d’entrée. Privée de sa vocation – abriter les toiles du peintre flamand –, elle pourrait être une Arche de Noé, un refuge paisible et silencieux dans un monde agité. Pourtant ce havre est habité par des personnages en proie à la solitude et à l’absurdité. Le gardien n’a plus grand chose à surveiller ; une visiteuse s’évanouit devant l’œuvre rescapée ; des techniciens et un conservateur tentent désespérément de l’évacuer… À l’origine de cette mise en situation, les véritables travaux du musée des Beaux-Arts où, en 2015, les FC Bergman, artistes anversois, découvrent que la salle Rubens, avec laquelle ils entretiennent comme leurs concitoyens une relation très intime, sera fermée à l’instar du musée pour une dizaine d’années. Le choc de cette vision leur inspire un spectacle d’une grandeur plastique, un spectacle d’atmosphère, sans paroles, où les rapports d’échelle sidérants et la poésie des situations décrivent des êtres humains obstinés, fragiles et bouleversants.
TIGERN SOFIA JUPITHER THÉÂTRE BENOÎT-XII 1H15 28€ /22€ /14€ /10€
Un chauffeur de taxi, des touristes, trois volatiles et quelques autres témoignent. Tous ont eu affaire à Mihaela, une étrange créature apparemment peu au fait des us et coutumes locaux et tous hésitent sur son identité : il, elle, cet individu... Et pour cause, Mihaela est une tigresse, une tigresse qui s’est échappée du zoo pour découvrir la ville et le monde.
À travers cette fable fantasque, dont la narration répond aux codes du film documentaire, Gianina Cărbunariu et Sofia Jupither livrent une satire joyeuse et puissante de notre rapport à l’étranger. Le regard est tendre mais sans concession : La Tigresse est l’histoire d’êtres vulnérables mais tous intégrés au système urbain – du sans domicile au banquier – qui manifestent désarroi, mesquinerie et parfois même violence dès lors qu’ils sont confrontés à l’altérité. Si l’ombre de Ceaușescu plane à un moment donné sur la vraie-fausse ville en panique, ce sont bien les démons européens contemporains qui menacent. Sofia Jupither évite costumes et décors figuratifs, préférant dessiner un espace abstrait où les récits subjectifs se transforment en bruits médiatiques. Ses cinq comédiens campent des archétypes plus que des personnages, tendant au public un miroir troublant mais non déformant.
20 NOVEMBER SOFIA JUPITHER THÉÂTRE BENOÎT-XII 1H 28€ /22€ /14€ /10€
« Vous serez de toute façon obligés, tôt ou tard, de me regarder ». Lars Norén nous offre dans 20 November l’opportunité de voir et d’entendre, une heure durant, le jeune homme de 18 ans qui s’apprête à commettre un massacre dans son lycée d’Emstetten en Westphalie. Le dramaturge suédois s’est longuement documenté sur cette tuerie survenue en 2006 :
il a compulsé le journal intime de l’adolescent, ses posts sur les réseaux sociaux, visionné la vidéo qu’il a tournée avant de passer à l’acte… Dans un monologue à nu et sans répit, il dit les humiliations subies, sa haine de l’institution, son sentiment d’être piégé. Entre manifeste et soliloque, il élabore une théorie politique pour justifier le geste à venir tout en révélant ses écorchures intimes. Cet adolescent pourrait ressembler à beaucoup d’autres. Pourquoi lui ?Pourquoi maintenant ? Sofia Jupither veut nous faire entendre un jeune homme et non un monstre. Est-il le produit d’une époque ? La victime d’un délire ? Un combattant en première ligne des guerres civiles à venir ? Il se dévoile mais demeure opaque. À fleur de peau et solidement ancré, face à nous, David Fukamachi Regnfors incarne l’effroyable mystère. Une violence qui n’efface pas l’humanité.
ESPÆCE AURÉLIEN BORY OPÉRA GRAND AVIGNON 1H De 28€ à 10€
« Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner.» Cette phrase résume l’humeur et le projet de Georges Perec dans Espèces d’espaces, livre à la lisière de l’essai, du poème, de l’autobiographie. Comment Aurélien Bory, artiste des tangentes et des plans inclinés, de l’apesanteur et de la verticalité, s’empare-t-il de cette œuvre dont le point de départ est une page de papier? En réalité, Espèces d’espaces accompagne depuis longtemps le metteur en scène, qui se passionne pour les « machines à écrire » de l'auteur, dispositifs littéraires qui lui permettent de déplier le monde entier à partir du signe premier : la lettre. Aurélien Bory remplace la page blanche par le plateau nu et se saisit des outils du théâtre comme d’un alphabet, pour en révéler l’histoire et les potentialités. Il rend ainsi hommage à Georges Perec, par allusions plus que par citations. Un hommage à son génie littéraire, connu pour sa dimension ludique, oulipienne, mais aussi à son histoire intime, marquée par la perte de ses parents lors de la seconde guerre mondiale. Aurélien Bory fabrique un puzzle en mouvement, discrètement savant, où s’imbriquent euphorie créative, liberté potache et conscience de l’inévitable naufrage.
FATMEH ALI CHAHROUR CLOÎTRE DES CÉLESTINS 55MIN 28€ /22€ /14€ /10€
« Habitant du désert, Tu m’as appris à pleurer. Ton souvenir m’a fait oublier toutes les catastrophes. Et même absent sous terre, Tu seras toujours présent dans mon cœur triste. » Fatmeh. Fatmeh, prénom arabe qui hante la culture populaire dans tout le monde arabe. Prénom de la fille du Prophète Mahomet. Fille dont les lamentations poétiques écrites au VIIe siècle – sont récitées dans cette pièce qui en porte le nom. Pour le spectateur, il s’agit d’assister à l’autre face de la recherche d’Ali Chahrour sur la tristesse, achevée avec Leïla se meurt, et d’entendre la voix sacrée qui résonne avec celle, séculaire, d’Oum Kalsoum, diva égyptienne des années 1930 surnommée l’Astre d’Orient. Deux femmes chantant la joie et la douleur avec lesquelles le chorégraphe libanais, dans une cérémonie réinventée, ouvre un dialogue, interroge ce qui est permis et ce qui est tabou. Autant d’attitudes qu’il met en débat sur un plateau, espace de liberté proche de celui des célébrations rituelles du deuil, seul moment dans la culture religieuse qui est la sienne où « le corps peut s’exprimer librement » en libérant ses émotions. Un corps affranchi de toute technique, comme celui de ses interprètes non-danseuses, qu’Ali Chahrour a choisies pour approcher « le mouvement brut du caractère sacré ».
LE RADEAU DE LA MÉDUSE THOMAS JOLLY GYMNASE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H45 17€ /14€ /14€ /10€
Ils sont treize enfants sur ce radeau de fortune, treize enfants qui fuient la violence des adultes, cette violence guerrière qui les a obligés à quitter leur pays avant de devenir naufragés. Si Georg Kaiser s’est inspiré d’un fait divers tragique de la seconde guerre mondiale – le torpillage d’un navire anglais transportant des enfants vers l’Amérique –, ce n’était pas pour travailler à un théâtre documentaire fait de réalités dans un univers de fiction mais pour plonger au cœur même des contradictions humaines. Quoi de pire que d’assister au spectacle d’enfants adoptant le comportement des adultes qu’ils ont fuis ? Menacés dans leur existence, en état de survie, ils se protègent du danger en éliminant l’un des leurs... En choisissant ce texte dont les personnages sont des enfants pour les jeunes acteurs de l’École du Théâtre national de Strasbourg, Thomas Jolly s’inscrit dans une nouvelle aventure collective. « Leurs énergies, leurs colères, leurs idées, leurs singularités, leurs désirs » sont mis en jeu dans ce huis clos perdu au milieu de l’océan et travaillent à dénoncer les méthodes d’endoctrinement qui enclenchent un mécanisme d’exclusion d’une grande violence. Car après avoir tenté de créer une petite société égalitaire et solidaire, sept jours leur suffisent pour glisser lentement dans la barbarie. Sept jours de la vie d’un groupe d’enfants réfugiés sur un radeau qui jouent à devenir adultes, le deviennent à leur corps défendant, à l’image d’une tragédie si antique et si moderne.
SOFT VIRTUOSITY, STILL HUMID,... MARIE CHOUINARD COUR DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 50MIN 28€ /22€ /14€ /10
Observer la marche. Encore et toujours. Comme un inépuisable point de départ vers des mondes inconnus. Regarder comment, à elle seule, une marche porte un corps. Explorer son caractère. Déformer sa course, la ralentir ou au contraire l’accélérer. Complexifier sa trajectoire. Et recommencer à marcher. Ensemble cette fois, en cherchant, même claudicant, un possible unisson. Observer cet unisson, décrocher de son orbite, plonger dans les abysses. Complexifier à nouveau sa trajectoire en la déviant d’un regard. Et maintenant cadrer en plan serré ces regards qui se croisent dans une forêt de hauteurs et de marches, dans des remous de vagues et d'ensembles, dans les jeux complexes du perpétuel mouvement de la vie. Ce monde inconnu… Avec son incroyable compagnie, Marie Chouinard multiplie les états de grâce dans une œuvre à la fois sauvage et raffinée, primitive et sophistiquée. Ses matériaux ? Un corps « sismographe » captant « le jeu des fluctuations qui l’environne » et cette lumière qu’elle travaille dans une incandescence sonore. Comme ici, dans cette épopée abstraite, tour à tour tragique et comique, païenne et sacrée, qui célèbre d’un geste vif et précis une humanité partie en quête de ses confins.
RUMEUR ET PETITS JOURS RAOUL COLLECTIF CLOÎTRE DES CARMES 1H20 28€ /22€ /14€ /10€
Antenne dans trois minutes. Le public finit de se placer. Les techniciens s’affairent. Décontractés, les chroniqueurs d’Épigraphe s’installent derrière leurs micros. Un clope au bec, l’un d’entre eux lance le générique, un vieux swing. Trois, deux, un… « Faute de soleil, sache mûrir dans la glace » : le sujet du dernier épisode de l’émission, brutalement rayée des ondes, vient d’être posé. Pressentant qu’autour d’eux le décor va tomber en ruine, que les lumières vont s’affoler en faiblissant, les animateurs s’engagent malgré tout dans un nouveau débat contradictoire. Chacun à leur manière, ils défient l’idéologie libérale qui les a déprogrammés dans un ultime assaut de pensée poétique, pleine d’autodérision. Une arme capable à elle seule de tordre cette doctrine – savamment mûrie dans les années 1950 par les membres de la Société du Mont-Pèlerin – au slogan provocateur, « There is no alternative ». Un « argument de terreur qui vient bloquer toute autre conception du monde ». De Henri Michaux aux indiens huichols, les sources d’inspiration de ce jeune quintet belge l'engagent dans une réflexion situationniste. Affirmant que le temps et les moments passés ensemble sont nécessaires, que l’humour n’est pas opposé à la pensée, le Raoul Collectif signe ici son deuxième spectacle, à la fois esthétique, politique et drôle, sur la réappropriation collective du pouvoir par le langage et l’imagination.
SUJETS À VIF PROGRAMMES C & D JARDIN DE LA VIERGE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H20 17€ /14€ /14€ /10€
- Sisters Roser Montlló Guberna et Elsa Wolliaston
« Arriver ensemble, prendre cet espace et le partager, convier nos fantômes, ceux qui nous poussent et qui nous portent, converser avec nos danses, nos histoires, dans les différentes langues, celles qu’on parle, celles qu’on ne parle pas, danser ces langues…»
- Il est trop tôt pour un titre Halory Goerger et Martin Palisse
«Disons les choses : on ne se connaît pas.
On a reçu un coup de fil fin mars : il y a une cour, avec un plateau, on pourra faire un spectacle dedans.
On commencera à l'écrire ensemble, mi-juin. La contrainte liée au dispositif nous plaît.
Après tout, on pourrait tout à fait imaginer que ce soit statutaire, dans le spectacle vivant, d'avoir peu de temps et pas d’intention initiale. On fera de notre mieux. Comme disait Claude Rains à Humphrey Bogart dans Casablanca : “I think this is the beginning of a wonderful friendship”.
Ou pas.»
- Les Promesses du Magma Casey et Kevin Jean
« Nous rencontrer. Nous découvrir. Nous accepter.
Trouver du commun et défendre nos rêves et nos luttes.
Avec espoir, conviction, puissance et tendresse.
Avec nos mots, nos voix, nos histoires et nos corps.
Se rassembler et partager à la lumière du jour ce doux combat. »
- Cent Titres Guilherme Garrido et Joëlle Léandre
Joëlle Léandre hérite à la fois de la révolution noire américaine des années 70 – enfant du free jazz, d’une musique
« libérée » de la tradition écrite –, de la pensée du compositeur américain John Cage, de la musique orale et de l’écriture savante de l’Europe du XXe siècle. Guilherme Garrido porte la liberté des jeunes créateurs issus de la danse dite contemporaine, et interroge notre compréhension du monde par son goût de l’intime, de la relation à l’autre sur scène, de l’humour et du « dérangement ». Ces deux histoires singulières s’entrecroisent pour des étincelles de feu, toujours sacrées.
PLACE DES HÉROS KRYSTIAN LUPA L’AUTRE SCÈNE DU GRAND AVIGNON - VEDÈNE 4H15 28€ /22€ /14€ /10€
15 mars 1938, place des Héros : les Viennois acclament Hitler qui a envahi l’Autriche.
Le professeur Schuster, un mélomane à la fois tyrannique, raffiné et révolté, s’exile alors à Oxford. Dix ans ont passé quand il revient « par amour de la musique ». Mais sa femme Hedwige, hantée par la ferveur avec laquelle son pays a accueilli l’occupation, les pousse à retourner vivre en Angleterre. La veille de leur départ, alors que les malles sont prêtes, que le précieux piano Bösendorfer est déjà expédié, Schuster se suicide sur la place des Héros... Écrite en pleine affaire Kurt Waldheim (Premier ministre élu malgré son passé nazi) et traitant de l’Anschluß dans une langue véhémente et presque brutale, Place des Héros provoque un véritable scandale politique avant même que le texte ne soit joué et publié en 1989. Après Des arbres à abattre, unanimement salué l’année dernière au Festival, le metteur en scène polonais monte aujourd’hui avec les acteurs du Théâtre national de Vilnius cette ultime provocation de Thomas Bernhard, dernière pièce de son Théâtre de l’irritation qui cherche « la part de vérité contenu dans tout mensonge ». Ensemble, ils explorent les possibilités d’un temps suspendu entre le monde des vivants et des morts dans un fascinant rapport à la persistance de la pensée.
INTERVIEW NICOLAS TRUONG TINEL DE LA CHARTREUSE 1H30 28€ /22€ /14€ /10€
Impossible d’échapper à cet exercice journalistique qu’est l’interview dans notre monde surmédiatisé. Hommes politiques et artistes, sportifs et anonymes s’y livrent dans un ballet incessant. Intrusive ou complaisante, combattive ou complice, posthume ou imaginaire, sentencieuse ou burlesque, l’interview est un jeu de rôle, un théâtre, une piste de danse où se joue la confrontation de deux subjectivités. Mais, à l’ère du bavardage généralisé, l’enjeu consiste à y faire encore advenir des vérités, des paroles qui brisent le conformisme et la banalité grâce à cet art singulier de « l’accouchement de la pensée ». C’est cette diversité du genre, cette interrogation sur le questionnement que Nicolas Truong, journaliste rompu à cet exercice, veut faire entendre. De Foucault à Duras, de Pasolini à Deleuze, mais aussi de Bernard Pivot à Thierry Ardisson et de Florence Aubenas à Svetlana Alexievitch, c’est toute une galaxie d’interviewés et d’intervieweurs qui reprennent la parole, tous les questionneurs qui sont questionnés sur leurs entretiens réussis ou leurs rencontres ratées. Sur le plateau du Tinel de La Chartreuse, le public entendra le passage d’un langage formaté à une parole incarnée. Hors de tout naturalisme, de toute reconstitution à l’identique, place est faite au jeu, au corps-à-corps, à la déconstruction, à la reconstruction, à l’imagination. Du mensonge assumé au désarroi incontrôlable, de la connivence à l’agressivité, c’est aussi bien notre mémoire collective que notre actualité qui sont mises en scène dans cet entretien infini sur le temps présent.
LA DICTADURA DE LO COOL MARCO LAYERA GYMNASE DU LYCÉE AUBANEL 1H25 28€ /22€ /14€ /10€
Sous-titré « Nous nous conformons à notre non-conformisme », le nouveau spectacle de
La Re-Sentida se penche sur une catégorie sociale qu’elle considère dominante aujourd’hui : les bobos (contraction de bourgeois-bohèmes). Le metteur en scène chilien Marco Layera, conscient d’en faire lui-même partie, interroge le potentiel et l’intégrité de ce groupe social devenu classe qui souscrit en tout point au capitalisme comme mode de vie et de communication, dans ses rapports au monde et au marché, mais revendique un héritage culturel et des valeurs dites à contre-courant. Pour examiner ce paradoxe constitutif avec sa compagnie, il instaure une fiction : le soir d’un 1er mai à Santiago du Chili, alors que les mouvements protestataires enflent dans la rue, des membres de l’élite culturelle de la capitale sont réunis chez un ami dont ils célèbrent la nomination au poste de ministre de la Culture. Mais, désabusé, celui-ci s'est enfermé dans sa chambre et refuse de participer aux réjouissances.
Il voit désormais l’hypocrisie de son entourage, la confortable autosatisfaction du milieu artistique et l’impossibilité criante de produire un quelconque changement. À partir de ce cercle élitiste, la pièce au titre contradictoire et provocateur La Dictature du cool explore des foyers de résistance radicale où s’applique un véritable contre-modèle au capitalisme et à la norme.
WE'RE PRETTY FUCKIN' FAR... LISBETH GRUWEZ GYMNASE PAUL GIÉRA 1H10 28€ /22€ /14€ /10€
We’re pretty fuckin’ far from okay travaille les peurs et les angoisses. En choisissant d’installer le public face à un couple de danseurs pris dans un dispositif simple : homme, femme, chaises, couloirs de lumière... Lisbeth Gruwez ne souhaite pas parler du couple mais de l’individu, de ses réactions émotionnelles, psychologiques et physiques quand il ressent de la peur. Par un vocabulaire de gestes inventoriés de nos réflexes naturels et quotidiens, la chorégraphe propose à chacun de se reconnaître et s’identifier. Le point de départ du travail : les films d’horreur d’Alfred Hitchcock et en particulier Les Oiseaux, car « la peur dont on y parle est irrationnelle. C'est une phobie, voire une paranoïa, qui résonne fortement dans le monde actuel ». Par une montée progressive du mouvement, par la sensation continue d’avoir de plus en plus besoin de l’autre, par des nappes sonores qui s’ajustent en temps réel et par cet acte commun de respirer, la pièce propose une expérience immersive. La peur a cette si grande force de mettre le corps en transe, d’obstruer l’esprit et de le déconnecter « du vouloir et du faire » qu’elle est un terrain de jeu virtuose pour les danseurs. Troisième volet d’une recherche sur le corps extatique, We’re pretty fuckin’ far from okay est cette fois-ci un duo en résonance avec le solo It’s going to get worse and worse and worse, my friend (2012), et la pièce collective AH/HA (2014). Quand il est question aujourd’hui de contrôler l’incontrôlable, est-il vrai que si la pensée se perd, le corps aussi ?
DE L'IMAGINATION CLARA LE PICARD CHAPELLE DES PÉNITENTS BLANCS 1H 17€ /14€ /14€ /10€ /8€
La metteuse en scène et chanteuse Clara Le Picard a reçu chez elle un colis anonyme.
À l’intérieur, une lettre de mise en garde : elle ne pourra ouvrir le pli cacheté qui l’accompagne qu’en présence d’une danseuse, d’un pianiste et d’un public. La curiosité et le besoin de partager ce mystère la conduisent sur scène, aujourd’hui, devant nous, où, entourée de Maud Pizon et d'un étrange pianiste, elle découvre le contenu de l’enveloppe. Il s’agit de partitions et d’indications d’un drame musical intitulé Ma barbe bleue. Bien que l'auteur de la lettre déclare avoir trouvé l'ensemble dans un grenier, il semble tenir à ce que danseuse, pianiste et chanteuse s’attèlent à l’œuvre. La femme de Barbe bleue y est dépeinte comme dans le conte mais s’ajoute à son histoire celle d’un chef-d’œuvre oublié, voire perdu au grenier… Exécutant le chant lyrique, la danse notée et les mélodies, les trois artistes s’efforcent de trouver des indices pour les dater, en préciser l’origine et en deviner l’auteur. Lorsqu’une ouvreuse apporte à Clara un disque, le jeu prend un tour inquiétant : l’instigateur anonyme de cette étrange soirée serait-il dans la salle?
KIT DE SURVIE SERGE TEYSSOT-GAY MUSÉE CALVET 1H30 17€ /14€ /14€ /10€
Kit de survie: hommage à la périphérie. Lieu de vie mais aussi posture pour regarder le monde, la périphérie est ressentie comme une zone libre. A contrario des pensées communes, elle permet à Serge Teyssot-Gay de s’échapper du monde globalisé qu’il définit comme hostile. Échappée, oui, parce que l’évasion complète est impossible ; l’hostilité de la mise aux normes et de la mise au pas se développe à chaque instant. S’il avait déjà, avec Cyril Bilbeaud, pointé cette attirance pour l’angle mort – titre du premier album de Zone libre –, Serge Teyssot-Gay invite cette fois des artistes issus d’autres périphéries du monde, habitant la lisière des genres étiquetés. Le saxophone d’Akosh Szelevenyi rencontre les cuivres de Médéric Collignon, la voix de Marc Nammour celle de Mike Ladd, pour s’entremêler aux riffs et aux patterns de leurs hôtes. Le sextet formé explore les rythmes impairs quand nos oreilles sont habituées au système qui encourage le binaire et le manichéisme. Aux moyens d’expansion gigantesque de l’industrie musicale, Kit de survie répond par un mode qui lui est étranger : l’invention permanente que Serge Teyssot-Gay reconnaît aux zones du bord et de l’entour.
Là, tout se construit par la coexistence et la préservation des différences, dans le mouvement. Le centre peut bien garder la norme ; elle est si pauvre face à la marge.
LES ÂMES MORTES KIRILL SEREBRENNIKOV LA FABRICA 2H25 28€ /22€ /14€ /10€
Dans la Russie des années 1820, Tchitchikov, homme ordinaire mais astucieux, cherche fortune et applique une idée peu commune : acheter à très bas prix les titres de propriété de serfs décédés mais non encore enregistrés comme tels par l’administration, pour les hypothéquer et en retirer bien plus d’argent qu’ils n’en valent en réalité. Au fil des tractations et des transactions de ce personnage, Nikolaï Gogol construit une œuvre monumentale en forme de galerie de portraits dont la trivialité d’abord drôle devient vite inquiétante. L’écrivain semble nous dire que le pire n’est pas que les âmes vivantes marchandent celles des morts… mais qu’elles se révèlent toutes corrompues par le jeu, l’alcool et la cupidité. S’inspirant de cette œuvre historique qui attira tant de haine à l’auteur qu’il la renia, le metteur en scène Kirill Serebrennikov fait défiler les habitants de la ville de « N. » dans un décor de contreplaqué qui laisse résonner les travers de l’humanité de toutes les époques, de la Russie à toutes les régions du monde. Castelet pour dix acteurs qui, comme des pantins, endossent les innombrables rôles du roman ou misérable cercueil pour des âmes aux intérêts si morbides qu’elles sont dénuées de vitalité, cette boîte est le théâtre d’un humour grinçant et d’une choralité absurde. Un espace-temps où les relations humaines sont sans perspective sur le moindre changement.
ESCHYLE, PIÈCES DE GUERRE OLIVIER PY ÉGLISE DE LA CHARTREUSE 5H 28€ /22€ /14€ /10€
BABEL 7.16 SIDI LARBI CHERKAOUI, DAMIEN JALET COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES PAPES 1H40 De 38€ à 10€
Babel 7.16 : réactualisation ou recréation ? Aujourd’hui, pour les chorégraphes Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, il ne s’agit plus de voir la pièce dans les mêmes dispositions qu'en 2010 pour
le triptyque composé avec Foi et Myth. L’extension du titre en est l’incarnation : 7.16 fait autant référence aux codes des logiciels qu’aux versets d’un texte sacré, à une date contemporaine qu’au pouvoir d’une numérologie archaïque. La pièce convoque le choc des langues et des corps porteurs de différentes nationalités, la diversité et la difficulté à coexister et confronte l’unicité à la communauté. Elle questionne le rapport au changement quand la technologie modifie constamment empathies et connexions. Babel 7.16, tout comme la pièce originale, met en scène des danseurs qui partagent avec humour leurs héritages immuables mais en métamorphose constante. Danser cette contradiction, c’est comme explorer les mots par le corps, éviter l’écueil de l’indicible grâce au geste et à l’action. Dans le mythe initial, il est dit que Dieu ne voulait pas partager son territoire ; les hommes, eux, voulaient se rapprocher de Lui. « Le partage est une décision, une attitude, face aux événements traumatiques notamment. Ces instants où l'extrême solidarité se confrontent à la peur du partage. » En réunissant l’intégralité des danseurs qui ont fait de Babel une référence chorégraphique, les deux chorégraphes issus d’une Belgique flamande et francophone, divisée et unitaire, ont placé la masse, l’histoire et le territoire dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Dans le centre des centres, là où les murs continuent à raconter des histoires de prérogatives et d’immuabilité du pouvoir et de la religion mais subliment et accueillent le vivant dans sa complexité.
HEARING AMIR REZA KOOHESTANI THÉÂTRE BENOÎT-XII 1H10 28€ /22€ /14€ /10€
Chaque fois qu’elle prend son vélo, Samaneh repense à Neda qui dévalait, libre, les rues encore désertes de Téhéran, à Neda qui ne reviendra pas de son exil en Suède. Elle repense à ce soir de Nouvel An où, restée à l’internat pour filles de son université, elle croit entendre le rire d’un homme provenant de la chambre de sa camarade. Voix réelle aux côtés de son amie censée rester seule ou voix tapie au creux de ses fantasmes d’adolescente? Trop tard. La rumeur de la transgression absolue a couru. Un rapport est remis à la surveillante. Depuis douze ans, Samaneh revit en boucle l’interrogatoire subi, ressasse les réponses qu’elle ne peut plus changer, revit son « cauchemar de femme coincée dans la culpabilité ». Une sanction inconsciente qu’Amir Reza Koohestani, dans cet opus en clair-obscur, souligne d’un trait bleu qui ne la quittera plus. Cette voix, c’est aussi le ressort dramaturgique de la pièce. C’est la caméra subjective du metteur en scène iranien qui explose les limites spatiales du théâtre et les limites sensorielles de la représentation ; une navigation délicate dans les eaux elliptiques mais universelles de l’implicite. Là où courants intimes et sociaux se télescopent faisant rejaillir la violence sourde d’une vie passée sous les interdits.
LEÏLA SE MEURT ALI CHAHROUR CLOÎTRE DES CÉLESTINS 1H20 28€ /22€ /14€ /10€
Au Liban, les pleureuses ne sont plus nombreuses. On les trouve encore au sud du pays et dans la plaine orientale de la Bekaa. Elles sont pourtant la pierre angulaire d’un rituel aussi religieux que social : les condoléances. Pour ces cérémonies pour lesquelles elles composent des poèmes à la mémoire de disparus, qu'elles disent en se lamentant, déterminées à faire pleurer leurs proches dans la grande tradition chiite. « Une esthétique de l’intime » que les guerres et la situation économique ont transformée, comme le pouvoir qui oblige désormais les familles à célébrer l’héroïsme des grandes figures collectives, substituant ainsi le devoir à l’émotion. Pleureuse, c’est le métier de Leïla, qu’Ali Chahrour, soucieux de revenir aux références régionales de sa danse, a invitée sur scène avec lui et ses musiciens.
Il lui a demandé de partager son expérience en chantant sa relation à la mort et, à travers elle, cette culture de deuil. Pour ce duo, le chorégraphe a pris le temps d’observer chez Leïla « ce qui la met en mouvement, elle dont le corps porte cette tristesse». Il a ensuite imaginé une partition délicate capable de se glisser dans les interstices de cette plainte poétique qui apaise les âmes.
IMPATIENCE LAURÉAT DU PRIX 2016 GYMNASE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 17€ /14€ /14€ /10€
Impatiente, la jeunesse l’est souvent. Défaut ou qualité, c’est ce qui la pousse à s’exprimer avec fougue, sincérité et à se plonger dans la création sans compromis. Fondé à l’initiative de Olivier Py et Agnès Troly à l’Odéon-Théâtre de l’Europe en 2009, soutenu par Télérama, puis porté ensuite par le CENTQUATRE-PARIS, le Festival Impatience est un instantané de la création théâtrale, une invitation à voyager dans l’imaginaire des compagnies émergentes et à voir le monde par leurs yeux. Il s’agit d’« aider les nouveaux artistes à se faire connaître dès aujourd’hui ; faciliter leurs rencontres avec un public plus étendu ; encourager les explorations des uns et la curiosité des autres ». Impatience présente ainsi des moments de théâtre exigeants et généreux, un vivier de créativité inédite qui n’attend que d’être découvert. Aujourd’hui accueillies et sélectionnées par le CENTQUATRE-PARIS et La Colline - théâtre national, les huit compagnies de la 8e édition du Festival Impatience qui se déroule du 2 au 11 juin 2016 se voient décerner trois prix : le prix du public, le prix des lycéens et le prix du jury. Ce dernier offre notamment à l’équipe artistique primée une tournée dans des salles d'Île-de-France, de Bretagne et de Suisse mais, avant cela et pour la première année, devant le public du Festival d’Avignon. On l'y attend avec impatience.
99 MARC NAMMOUR MUSÉE CALVET 1H15 17€ /14€ /14€ /10€
Utopie au sens strict, le 99 est un département français qui n’existe pas. Dernier de la liste de numéros que propose l’administration française pour déterminer le lieu d’origine des individus, il concerne toute personne, française ou non, née à l’étranger. Les natifs du 99 seraient donc des êtres sans territoire, regroupés par un terme qui ne leur laisse aucun point commun à revendiquer, sinon l’ailleurs et l’altérité. Ces deux notions n’étant pas pour lui déplaire, le rappeur Marc Nammour invite pour ce concert le chanteur Abdullah Miniawy à interroger les sens politiques et poétiques du numéro 99 : l’impossible inventaire de ce qui fonde une identité et la certitude d’être en mouvement, d’être venu, parti, d’avoir traversé une terre, une mer, des cultures et des traditions variées. Avec eux, les accords de Lorenzo Bianchi-Hoesch, Jérôme Boivin et Amir ElSaffar, nourris par l’échange, font entrevoir l’harmonie politique qui pourrait surgir de l’acceptation de la multiplicité de chacun. Sans passeport à présenter et sans peur devant l’altérité, les instruments et les voix puisent dans des temps, des langues et des régions du monde dont les frontières, même barbelées, ne pourront empêcher les croisements, les influences et l’enrichissement mutuel.
Ce projet a été imaginé avec Frédéric Deval qui nous a quittés le 27 mars 2016. Il lui est dédié.
FÊTE DE LA 70E ÉDITION PONE LIVE ET GENERAL ELEKTRIKS JARDINS DE L’UNIVERSITÉ 4H De 24€ à 10€
- PONE LIVE
Pour ouvrir la fête de la 70e édition du Festival d’Avignon, qui d’autre que Pone, emblématique DJ d’une scène alternative électro puissante, chercheuse, inventive et populaire ? Membre fondateur de Birdy Nam Nam, l’un des groupes les plus passionnants de ces dernières années tant sur disque qu’en concert, Pone allie l’intelligence des montages sonores qui composent des univers très affirmés à un certain art de la performance. Pour ce retour attendu sur scène, il est accompagné de Pierre Belleville à la batterie et de Manu Trouvé aux claviers et machines. C’est également à Pone qu’il revient de clôturer la soirée après le concert de General Elektriks par un DJ set.
- GENERAL ELEKTRIKS
Jeu de jambes et d’idées, du cortex à la voûte plantaire, de la terre à la lune, General Elektriks, félin et renard, nous promet sous les étoiles de la nuit avignonnaise une montée de plaisir comme on les aime, un grand moment d’intranquillité musicale, funk, électro, soul, pop, disco, une joute entre la machine et l’humain, un mélange de programmation et de performance. Hybride et décalée, la version scénique de l’excellent album To Be A Stranger est une ode à l’exode choisi, cuivres soyeux et beats martiaux, voix suaves et rythmiques montées sur ressorts, de quoi nous libérer de la pesanteur.
PRIMA DONNA RUFUS WAINWRIGHT COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES PAPES 2H15 De 38€ à 10€
Soirée exceptionnelle en deux parties
Prima Donna : Régine Saint-Laurent – interprétée par l’exceptionnelle soprano québécoise Lyne Fortin – vit recluse dans son appartement depuis qu’elle a tiré un trait sur sa carrière à cause de fêlures dans la voix. Un rendez-vous fait réapparaître les démons du passé : André Letourneur, journaliste, vient l’interroger sur son parcours et son rôle fétiche, Aliénor d’Aquitaine, écrit sur mesure du temps de sa splendeur. Qui se cache derrière ce personnage de tragédie lyrique ? Maria Callas, Régine Crespin ?Inspiré par le drame intime et artistique qui guette tout chanteur, Prima Donna ne décline pas seulement des personnages réels. Cet opéra écrit en français, interprété par l’Orchestre régional Avignon-Provence (sous la direction de Samuel Jean), traite d’un sujet plus profond : la perte de la voix envisagée comme un ravage de l’identité. Voilà peut-être ce qui a convaincu la photographe Cindy Sherman de prêter ses traits à la diva dans le film de Francesco Vezzoli projeté sur le mur de la Cour d'honneur.
Concert piano-solo : Rufus Wainwright, seul sous les étoiles, alterne de sa voix exceptionnelle les répertoires lyriques et pop chers au musicien, conçu comme « une lettre d’amour aux grandes mélodies de la musique romantique », des sonnets de Shakespeare à Jeff Buckley ou encore Antony and the Johnsons...
70e édition... Toute une histoire, tout un présent, tout un avenir pour construire ce feuilleton théâtral qui traversera en seize épisodes l’aventure qu’a été, qu’est et que continuera à être le Festival d’Avignon. Hors de toute commémoration institutionnelle, hors de tout récit chronologique, la troupe de La Piccola Familia répond au souhait du Festival et entraîne au fil de la 70e édition les spectateurs dans les méandres de son aventure artistique, culturelle, politique et humaine. Une aventure qui a toujours privilégié le rapport au public, qui a toujours défendu, sous différentes formes, un théâtre populaire et exigeant, ouvert à toutes et à tous. Moments spectaculaires ou événements quotidiens, succès ou échecs, traversées des lieux mythiques, tragédies humaines, récits de spectateurs ou textes de critiques… Tout est matière à récits, à images, à chansons et à improvisations. Ne rien s’interdire pour garder l’essentiel de ce qui fait le Festival d’Avignon depuis tant d’années est l’idée de La Piccola Familia afin de raconter cette fête du théâtre, ce moment unique de partage. Bien sûr, à travers les crises qui ont ponctué cette histoire, c’est aussi le reflet d’une histoire plus vaste, celle des mentalités et du rapport à l’art qui se fera entendre. C’est en changeant que le Festival a pu durer et ce sera aux enfants d’Avignon de dire comment le rêver pour les années à venir.
CEUX QUI ERRENT NE SE TROMPENT PAS MAËLLE POÉSY THÉÂTRE BENOÎT-XII 2H30 28€ /22€ /14€ /10€
Stupeur. Un vote blanc et massif affole le gouvernement qui fêtait déjà sa réélection. Maintenant, c’est le déluge. Réunis en conseil, les ministres tentent de comprendre. S’agit-il d’une conspiration? Quels en sont les organisateurs? Qu’est-ce que le vote blanc? Que veut-il dire? Comment réagir? Pris de panique, les gouvernants déclarent l’état d’inquiétude et somment le responsable des services de la Vérité d’enquêter. En parallèle, une journaliste atypique filme l’ampleur intime du cataclysme politique. En observant des personnages pris à la fois dans le désordre de leur conscience et dans un système prêt à basculer, Maëlle Poésy interroge le public : la démocratie permet-elle encore un dialogue ? Pour travailler cette question avec distance, elle adapte avec Kevin Keiss, auteur et dramaturge, le roman La Lucidité de José Saramago en imaginant une comédie fantastique qui joue de l’absurde et des logiques du système démocratique. Une révolution par les urnes qui mesure l’écart grandissant entre les deux composantes grecques du mot, le pouvoir et le peuple qui en est responsable. Grâce ou à cause des conséquences d’un vote, la jeune metteuse en scène examine, dans cette fiction aux accents de réel, la notion de représentation, d’incarnation et de dialogue. Continuer à dialoguer est déjà refuser d’être dépossédé.
PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ OLIVIER PY SPECTACLE ITINÉRANT 1H 17€ /14€ /14€ /10€
« Dieu, supplicié par les dieux » pour avoir aimé les hommes et condamné par Zeus, pour leur avoir offert
les arts et le feu, Prométhée incarne la désobéissance, la remise en cause de l’ordre établi et le rempart face
à la parole des puissants. Figure des plus citées et réinterprétées dans la littérature depuis Eschyle, il est cette pièce divine, mettant en scène le Titan face aux lieutenants Héphaïstos, Apollon, Io ou encore Hermès. Parce qu’elle est fondamentalement politique, elle offre, selon Olivier Py, une « leçon d’insurrection ».
LES DAMNÉS IVO VAN HOVE COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES PAPES 2H De 38€ à 10€
Invité par la Comédie-Française à diriger des acteurs de la Troupe, Ivo van Hove a choisi de mettre en scène Les Damnés. Partant du scénario – sans se référer au film réalisé par Visconti –, il raconte, dans un spectacle à la scénographie proche de l’installation, l’histoire de la famille Essenbeck à l’heure du triomphe des nazis en Allemagne. Pour protéger leurs intérêts, ces maîtres de la sidérurgie ne voient d'autre alternative que de s’allier au nouveau régime et assassinent leur patriarche, le vieux baron Joachim, que cette idée répugne. D’intrigues en manipulations, de trahisons en meurtres, la désignation du nouveau patron des aciéries génère un véritable rituel de célébration du Mal, où la perversion des rapports entre les individus fait écho à la cruauté et la brutalité du contexte politique. Dans cette lutte pour la survie, contre toute attente, Martin – le fils pédophile et incestueux de
la puissante baronne Sophie – parvient à éliminer tous ses adversaires, devenant un serviteur zélé du régime prêt à régner sur l’empire hérité. Pour cela, il accepte de payer
le prix fort : la froideur d’une vie où l’amour, la bonté et la beauté ont irrémédiablement disparu.
AU COEUR THIERRY THIEÛ NIANG CHAPELLE PÉNITENTS BLANCS STUDIO DE LA CHARTREUSE COLLECTION LAMBERT 1H 17€ /14€ /14€ /10€ /8€
L’image d’un jeune corps à terre. Est-il mort ou vivant ? Sommes-nous sur une plage voisine, dans un jardin ou une cour de récréation? Comme beaucoup, Thierry Thieû Niang a été ému par les photographies d’enfants échoués ces derniers mois, ces derniers jours. Attentif, il l’est aussi lorsqu’il observe les poètes solitaires, les indiens dans les forêts, les tentatives des grimpeurs
à mains nues, celles des apprentis comédiens ou encore des aînés qui prennent leur cadet par la main. Pour le chorégraphe, l’enfance est le territoire de l’art, le moment des prémices, des essais, des apprentissages et de tous les possibles. Un temps où l’on peut aussi s’effondrer et renaître. Ces derniers mois, au cours d’ateliers à La Chartreuse de Villeneuve lez Avignon et à la Collection Lambert, Thierry Thieû Niang a rencontré de jeunes Avignonnais. Certains d’entre eux et d’autres se sont retrouvés à La FabricA du Festival d’Avignon, en janvier. Expérimentés ou novices, ils forment déjà une communauté singulière et « avouable » en mouvement. Leur fragilité et leur engagement nous parlent d’éclosions, de chutes, de pertes et de consolations. Ils partagent le plateau avec un jeune musicien, Robin Pharo, qui rythme la cérémonie, tantôt guide, tantôt témoin. Les sonorités de sa viole de gambe relient des temps anciens et à venir, installant les onze jeunes gens dans un présent suspendu dont l’intensité vibre longtemps, grâce aux mots de l’écrivain Linda Lê et les mots-néons de Claude Lévêque, créés pour l’occasion.
6 A.M. HOW TO DISAPPEAR COMPLETELY BLITZTHEATREGROUP OPÉRA GRAND AVIGNON 1H30 De 28€ à 10€
Comme une louve s’adressant à la lune, Angeliki Papoulia dit dans une pénombre vespérale les premiers vers de Ménon pleurant Diotima de Hölderlin. Se déploie alors sur scène un vaste terrain vague aux allures de friche industrielle : c’est la « zone ». À partir de cette élégie et influencé par le film Stalker d’Andreï Tarkovski et par le roman Roadside Picnic d’Arkady et Boris Strougatsky, le blitztheatregroup invente avec 6 a.m. How to disappear completely une odyssée de science-fiction, poétique et théâtrale. Sept personnages en quête d'une nouvelle réalité se réunissent aux heures les plus sombres de la nuit pour accomplir de mystérieuses tâches, tels des ouvriers sur un chantier de construction. Alors que tout autour semble inquiétant, l’espace change, se transforme, s’apprivoise, augurant d’un possible ailleurs... À une époque où le langage des décisions technocratiques domine, où nous devons faire avec sans savoir en quoi nous croyons, le blitztheatregroup tente d’articuler un nouveau manifeste de l’évasion. Quels pourraient être un autre langage
et un autre futur – loin du présent fait de peur et de confusion ? Comment pourraient se forger de nouvelles convictions ? Comment peut-on (se) transformer ? Il est six heures du matin, un nouveau jour se lève.
¿ QUÉ HARÉ YO CON ESTA ESPADA ? ANGÉLICA LIDDELL CLOÎTRE DES CARMES 3H45 28€ /22€ /14€ /10€
Angélica Liddell utilise tous les artifices d’un théâtre où la beauté, l’érotisme et la mort se mêlent inextricablement pour fouiller au plus profond de la nature humaine. Une manière de tenter d’exprimer l’inexprimable. Avec une sincérité sans faille et une force explosive, la metteuse en scène madrilène s’expose pour se questionner. Et de son cri bouleversant de détresse, et de son cri si profondément humain d’espoir, elle cherche à faire triompher la loi de la poésie face à la loi de l’État. Terriblement troublée par la violence d’Issei Sagawa, Japonais cannibale de sa camarade étudiante, et par celles des meurtriers des attentats de Paris de novembre 2015, elle propose avec ¿Qué haré yo con esta espada? (Que ferai-je, moi, de cette épée?) un voyage entre Tokyo et Paris. Un aller-retour pour libérer dans la fiction les instincts homicides souvent enfouis dans les tréfonds de l’être humain. Avec ses compagnons de route, Hölderlin, Cioran, Mishima et Nietzsche, elle revient aux origines de la tragédie et cherche à transformer sur le plateau la violence réelle en violence mythologique. Utilisant sa force d’actrice pour dire la fragilité des désirs, dynamitant la morale bourgeoise et bien-pensante, Angélica Liddell emmène dans des lieux où il est impossible d’être tranquille.
SUJETS À VIF PROGRAMMES A & B JARDIN DE LA VIERGE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H20 17€ /14€ /14€ /10€
- La Vie des formes Renaud Herbin et Célia Houdart
- Membre Fantôme Erwan Keravec et Mickaël Phelippeau
Erwan Keravec et Mickaël Phelippeau aiment travailler/interagir avec leurs identités pour les transformer et le point de départ de cette collaboration pourrait être ce membre fantôme, ce « ça a été ». La cornemuse, qui se réfère à une histoire, est ici l’instrument de l’obsession et du son infini. Le corps du danseur qui a traversé un vocabulaire traditionnel, serait davantage porteur de réminiscences. Mais au-delà, la rencontre entre ces deux artistes au penchant commun pour le kig ar farz et les fest-noz permet de nourrir un déplacement et un apprentissage de l’un à l’autre. « Apprendre veut dire : regarder où il met ses doigts, mémoriser les touches qu’il enfonce comme on repère les traces d’un animal qu’on traque. » Peter Szendy
- Tâkasûtra Sophie Cattani et Herman Diephuis
La comédienne, metteuse en scène Sophie Cattani et le danseur chorégraphe Herman Diephuis sont contraints, par le mariage forcé qui les rapproche sur cette scène, de faire naître le désir. Renversant le problème pour mieux s’y confronter, ils décident de le placer au centre. Ils l'interrogent, ils tournent autour, le corps s'en mêle… Mais si le désir finit par apparaître, de nouvelles questions l’accompagnent… Comme il est aussi possible de mourir de plaisir, Sophie Cattani et Herman Diephuis en viennent à s'interroger sur la mort, la petite et la grande.
- Les Corvidés Jonathan Capdevielle et Laetitia Dosch
« Quand on sait pas quoi faire… Quelqu'un devait rendre un devoir, elle savait pas quoi faire. Je lui dis : « Va à la bibliothèque, fais-toi guider, prends un livre, ouvre-le au hasard, mets ton doigt, et ça, ça va être le sujet ». Elle le fait, ça lui dit rien. Elle recommence 8 ou 10 fois… Et finalement, c'est le premier sujet qui lui parle. C'était sur les masques. Elle a fait tout un truc sur les masques des gens, l'identité, elle était inspirée. Là, le tarot il dit : « Allez au rayon théâtre/art, l'inconscient vous guidera. Faites quelque chose que Laetitia et Jonathan aiment vraiment. Si vous trouvez un argument que vous aimez tous les deux, ça va exploser.» Le tarologue, 30 mars 2016
2666 JULIEN GOSSELIN LA FABRICA 12H 49€ /39€ /20€ /10€
Comme une malédiction, le titre du roman de Roberto Bolaño associe la promesse du troisième millénaire à celle d’une apocalypse prochaine. Prochaine ou peut-être déjà en marche, si l’on en croit le tableau que l’auteur dresse d’une Europe fatiguée et d’une Amérique corrompue. Crimes monstrueux qui ont ravagé le monde au XXe siècle, atrocités qui naissent dans le nouveau, force de l’art mais aussi constat de sa défaite perpétuelle contre le mal… Attiré par les thèmes historiques mais aussi esthétiques qu’aborde cette œuvre monumentale, Julien Gosselin en saisit la structure et les récits qui la composent et leur donne un décor commun. Apparemment distinctes mais reliées par des crimes, un désert, des enquêtes et la ville de Ciudad Juarez – ici nommée Santa Teresa –, les pistes s’accumulent et permettent au collectif Si vous pouviez lécher mon cœur de jouer des registres et d’alterner les rythmes. À l’avant-scène, quatre critiques européens s’enferrent dans la recherche d’un mystérieux auteur et d’une histoire d’amour puis le monde de Bolaño s’ouvre en même temps que la scène. Voici le Mexique, un professeur chilien au bord de la folie, un journaliste américain désorienté, des trafics, des policiers perdus et des meurtres par centaines…
LUDWIG, UN ROI SUR LA LUNE MADELEINE LOUARN L’AUTRE SCÈNE DU GRAND AVIGNON - VEDÈNE 1H30 28€ /22€ /14€ /10€
Roi légendaire, roi fou, roi qui ne voulut jamais être totalement roi, Louis II de Bavière est autant admiré aujourd’hui qu’il fut détesté ou incompris en son règne. Celui qui écrivait: « Je veux demeurer pour moi et pour les autres une éternelle énigme » a réussi son pari au-delà de toute espérance en devenant une des figures les plus célèbres du romantisme allemand. Madeleine Louarn et les comédiens handicapés de Catalyse, avec qui elle travaille depuis plus de 20 ans, ont décidé de mettre ce personnage au cœur de leur spectacle. Avec leurs compagnons de route, Frédéric Vossier pour le texte, Rodolphe Burger et Julien Perraudeau pour la musique, Loïc Touzé et Agnieszka Ryszkiewicz pour la chorégraphie, ils explorent les fantasmes et les rêves de ce roi mystérieux et explosif. Ils suivent sa recherche absolue d’une vie qui touche au sublime, les contradictions profondes qui l’habitent, son retrait progressif de la vie réelle pour un monde de fiction – le lent chemin de sa décomposition. De cette chute, ils font un voyage dans l’esprit de Louis II et construisent une pièce musicale et chorégraphique où la nature, les arts et les excès conduisent au fantastique.
L’INSTITUT BENJAMENTA BÉRANGÈRE VANTUSSO GYMNASE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H30 28€ /22€ /14€ /10€
Quoique bien né, Jacob von Gunten est résolu à devenir « un beau zéro tout rond ».
Il choisit d’entrer à l’Institut Benjamenta, une école de domestiques qui porte le nom de son directeur. Le « sacro-saint » règlement, les comportements rigoureux, la tenue, l’humilité que requiert la fonction, amusent Jacob et sont autant de sujets qu’il consigne dans son journal, forme que Robert Walser donne à son roman. Réflexions sur le statut de serviteur et notation de ce qui survient à l’institut jusqu’à son bouleversement, les écrits de Jacob sont toujours ponctués d’un doute : se tromperait-il sur ce qu’il voit ? L’a-t-il vécu ? L’a-t-il rêvé? Bérangère Vantusso approfondit ce trouble en mélangeant acteurs et marionnettes hyperréalistes pour traverser cette histoire de maîtres et de serviteurs, de mort et de renaissance. S’inspirant du bunraku, art de la marionnette japonais, la metteuse en scène dissocie voix et corps, installe Jacob en récitant principal jusqu’à glisser de la narration à l’action. Les marionnettes deviennent les figures idéales de ce « zéro » duquel tout peut advenir. Le cercle des possibles s’élargit et avec lui, le rêve.
LA RIVE DANS LE NOIR PASCAL QUIGNARD, MARIE VIALLE TINEL DE LA CHARTREUSE 1H15 28€ /22€ /14€ /10€
Tout débute par une disparition ; celle d’une femme, Carlotta, qui emporte avec elle un mouvement qu’on ne pourra plus montrer, des voix qu’on ne pourra plus entendre. La perte irrémédiable et le manque qui s’ouvre produisent bientôt un geste : l’écriture. La question « Où es-tu ? » ne pouvant plus se dire, l’écrivain décide de livrer ce qui blesse son âme à celle qui sait le lire : la prêtresse, celle qui chante, celle qui danse, celle qui vit hors du temps. Pour apaiser les morts et bercer les vivants, ils entrent ensemble sur la rive des ombres. Là, les animaux sont rejoints par les hommes, les chants deviennent sauvages, les touches d’un piano poussent des ululements, le regard d’un rapace convoque une peur d’enfant. De possessions en métamorphoses, tour à tour maîtres et assistants, Marie Vialle et Pascal Quignard rappellent des disparus, visitent des peines et des zones primitives où le langage n’est plus seulement articulé, où la musique n’est plus seulement sonore, où le jour et la nuit ne sont plus des repères. Par les moyens du rêve et dans l’obscurité, l’auteur et la comédienne éveillent des sens que la mémoire voudrait croire oubliés mais que le cœur reconnaît : ils reviennent d’un ailleurs, du temps d’avant la lumière.
TRISTESSES ANNE-CÉCILE VANDALEM GYMNASE DU LYCÉE AUBANEL 2H15 28€ /22€ /14€ /10€
En passe de devenir Premier ministre, Martha Heiger, dirigeante du Parti du Réveil Populaire, retourne sur son île natale, Tristesse, pour enterrer sa mère retrouvée morte dans des circonstances qui restent encore à éclaircir. Après la faillite des abattoirs de Muspelheim, la candidate retrouve son village, exsangue, et profite de la situation pour jeter les bases d’un projet de propagande. Dans l’ombre, deux adolescentes décident de prendre les armes… Inspirée par la violence de la montée des nationalismes en Europe, la dernière création d’Anne-Cécile Vandalem dissèque avec humour ce qu’elle envisage comme l’une des plus redoutables « armes » de la politique contemporaine : « l’attristement des peuples ». Comment ? En liant de manière inextricable la tristesse à la comédie sociale, la politique à l’enquête de mœurs, l’émotion à sa propre résistance. En imaginant cette fable comme un polar nordique, animiste et surnaturel, la metteuse en scène croise la fiction et la réalité, le théâtre et le cinéma, les vivants et les morts. Un thriller où le passé télescope le présent, où les personnages sont pris dans des postures drôles et cruelles, et où le pouvoir insidieux des médias domine. « Un des états de la tristesse ».
ALORS QUE J’ATTENDAIS OMAR ABUSAADA GYMNASE PAUL GIÉRA 1H30 28€ /22€ /14€ /10
Disparu puis brutalement battu après avoir traversé un des nombreux check points qui fractionnent Damas en Syrie, Taim est admis à l’hôpital sans connaissance. Les médecins en informent la famille et l’accident la mène à des confrontations douloureuses et des révélations ensevelies. Après avoir surmonté la mort tragique du père et le scandale qu’elle a révélé, la famille parait incapable d’affronter le coma du fils sans accomplir de profondes mutations. De son sommeil profond, le jeune homme observe ses proches lui rendre visite et, mêlant sa voix à la leur, raconte la vie qui a changé de cours, le quotidien bouleversé de cette famille et les changements qui affectent la capitale syrienne devenue étrange et cruelle. Pour documenter cette pièce sur l’omniprésence de l’absence, Omar Abusaada a rencontré des familles plongées dans le drame du coma et des médecins afin d’en comprendre les mécanismes et d’en percer les mystères. Avec l’auteur Mohammad Al Attar, le metteur en scène a imaginé cette fable qui tisse différents niveaux de conscience. Métaphore à peine voilée de l’état dans lequel se trouve son pays, « ni vivant ni mort, cette zone grise entre espoir et désespoir », mais aussi de ses rêves de théâtre politique « dont les valeurs n’ont pas réussi à s’incarner quand c’était encore possible », ce théâtre de résistance réinterroge ses capacités fictionnelles sans renoncer jamais à raconter l’Histoire.
LENZ CORNELIA RAINER COUR DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H40 28€ /22€ /14€ /10€
En 1835, Georg Büchner, exilé à Strasbourg, s’intéresse au séjour que le poète et dramaturge Jacob Lenz effectua en 1777 au Ban de la Roche, dans la demeure du pasteur Oberlin. De cette parenthèse de vingt et un jours au cœur des Vosges, il cherche à faire entendre les tourments d’un écrivain aux prises avec ses questionnements existentiels. Au sein de ce village et plus précisément au centre d’une communauté de fidèles qui entourent le pasteur, Lenz se sent généreusement accueilli mais prend conscience que le seul remède proposé à ses angoisses est une foi qu’il a déjà rejetée dans sa jeunesse. Si le salut existe, ce ne sera pas celui-ci…
En adaptant ce récit très intense et en y ajoutant des extraits de pièces de théâtre, de drames et les notes du pasteur Oberlin, Cornelia Rainer réalise le portrait d’un homme souffrant qui ne trouve pas de repos et propose de découvrir une œuvre et un auteur trop souvent dans l’ombre de son maître Goethe. Accompagnant au plus près l’écriture de Büchner faite d’harmonie et de dysharmonie, la metteuse en scène autrichienne a imaginé, dans une scénographie spectaculaire, un théâtre musical où la partition contemporaine nourrie de percussions se confronte aux chants religieux que pouvaient entendre Jacob Lenz dans son exil vosgien. Poids de la religion, puissance de l’univers, violence des éléments, hypersensibilité des âmes… LENZ ouvre la porte au romantisme.
CAEN AMOUR TRAJAL HARRELL CLOÎTRE DES CÉLESTINS 1H 28€ /22€ /14€ /10€
Dans un show au décor de carton-pâte – une maison de poupée ? Un palais de papier ? – quatre interprètes vont, se détournent, surgissent, repartent, bouclent… À bout de bras ou près du corps, ils portent rôles et vêtements dans un défilé circulaire, faisant apparaître les spectres de cow-boys, de marins, de danseuses orientales et autres figures lascives ou farouches. Fidèle à son projet d’étudier les liens entre pratiques artistiques et populaires, entre danses académiques, commerciales et contestataires, Trajal Harrell met en place un manège inédit qui fait vibrer l’histoire et vaciller les stéréotypes. Point d’ancrage et destination du voyage : le hoochie coochie. Un nom d’une autre époque pour une pratique qui s’est développée dans le sillage de l’exposition de Philadelphia de 1876 puis de l’exposition universelle de 1893 à Chicago, où la danseuse syrienne Little Egypt avait ému les foules. Depuis, et un siècle durant, les variations exotiques et sexuellement suggestives se multiplient dans les cirques itinérants des États-Unis où la femme exposée offre une danse du bassin et du ventre, une danse nourrie d’influences que l’on pourrait tenter de raccorder au Moyen-Orient, à l’Afrique mais aussi aux peuples des Roms – Gitans, Manouches, Tziganes – ou des Indes orientales. Aucun souci de fidélité documentaire ici : Trajal Harrell ne propose pas une reconstitution mais plutôt une divagation collective, dont les spectateurs sont parties prenantes. Une divagation éclairée par un siècle de travaux sur le sexisme, l’orientalisme, le colonialisme et le genre, dont le chorégraphe est familier et qui impriment à ses visions toute leur modernité.
YITZHAK RABIN : CHRONIQUE... AMOS GITAÏ COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES PAPES 1H45 De 38€ à 10€
L’année dernière, le cinéaste, architecte de formation, Amos Gitaï a réalisé Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin, film-enquête et choral sur l’assassinat, le 4 novembre 1995, du Premier ministre israélien au sortir d’une manifestation pour la paix et contre la violence à Tel-Aviv. Cet assassinat projette une lumière froide, brutale, sur un univers sombre et terrifiant – un univers qui a rendu possible le meurtre, comme le découvre une opinion publique traumatisée. Pour la Cour d’honneur du Palais des papes, à partir des souvenirs de Leah Rabin, l’épouse du Premier ministre, Amos Gitaï a imaginé une « fable » débarrassée de tout formalisme et portée par une distribution d’exception. Quatre protagonistes féminines, quatre voix associées dans un mode récitatif, « entre lamentation et berceuse » remontent le cours de l’Histoire et de la violence inouïe avec laquelle les forces nationalistes se sont opposées au projet de paix en déchirant le pays. Quatre voix prises, comme « dans une chambre d’écho », entre des images-documents et des extraits de la littérature classique – cette mémoire vive qui accompagne depuis toujours le cinéaste et metteur en scène dans sa compréhension du monde. Pour nous, qui laissons circuler dans notre esprit les évènements de ce récit historique, la réalité est une juxtaposition des fragments gravés dans la mémoire collective.
KARAMAZOV JEAN BELLORINI CARRIÈRE DE BOULBON 5H 38€ /29€ /17€ /10€
Telle une enquête grandiose, le roman de Dostoïevski explore les tourments et les contradictions qui conduisent l’un des fils Karamazov au parricide de Fiodor. L’intempérant Mitia est revenu pour exiger l’héritage maternel indûment conservé par le père. Ivan, aussi instruit qu’intransigeant, nourrit un mépris insondable pour cet homme dépravé. La perversité de Smerdiakov, fils illégitime, pèse comme une menace sur la maison. Seul le jeune Aliocha, dévoué et pieux, semble déterminé à écouter chacun, à comprendre
et aimer. En contrepoint des rancœurs qui les occupent, une tragédie se joue dans la famille d’un homme blessé, offensé puis humilié sous les yeux de son fils Ilioucha qui ne s’en remettra pas. C’est le point de vue que Jean Bellorini et sa troupe choisissent pour déployer la symphonie des Karamazov : une datcha de verre abrite une famille pauvre, simple et honnête qui raconte l’histoire d’Aliocha et de ses frères. Porteurs d’autant de sens, la musique, le silence et la parole se relaient pour poser, amplifier et transmettre les questions essentielles de l’œuvre du romancier russe: la possibilité d’une justice dans un monde sans Dieu, la possibilité d’une valeur accordée à l’amour et à la charité.
TRUCKSTOP ARNAUD MEUNIER CHAPELLE DES PÉNITENTS BLANCS 1H30 17€ /14€ /14€ /10€ /8€
Une mère tenant un bar routier, sa fille fragile et un jeune camionneur paumé, tels sont rapidement les trois personnages aux allures embourbées de ce Truckstop. Construite comme un huis clos intimiste, la pièce de l’auteure néerlandaise Lot Vekemans s’accroche à l’aujourd’hui. Effets de la mondialisation, inquiétudes liées au système, déshumanisation au travail sont le sous-texte des dialogues. Arrêtés dans leurs parcours comme dans leurs pensées, les protagonistes se livrent de manière parcellaire, fragmentée. Car si Truckstop est ce carrefour hyperréaliste de libre-échange, cette zone anonyme dénuée d’attraits qui génère un imaginaire puissant, il est aussi difficile d’y être entendu. Sans chronologie et sans sens premier, il est le puzzle qui dans la forme et le fond tient autant les personnages que les spectateurs, l’énigme policière qu’Arnaud Meunier a choisi de raconter : une véritable tragédie à rebours. À l’image de la jeunesse à qui il souhaite s’adresser, chacun est perdu dans sa quête d’idéal. « J’aime ce fossé entre ce qu’on espère et ce qui arrive. Cette grande énigme de l’adolescence tiraillée entre l’attente et l’anxiété de ce qu’on va être.»
XS JARDIN DE LA VIERGE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H20 17€ /14€ /14€ /10€
- Axe de l'importance du sacrifice humain au XXIe siècle, Thierry Hellin et Agnès Limbos
Un couple de ploutocrates décadents, accroché à ses privilèges comme la misère sur le monde, s’épuise à se maintenir debout alors que tout se décompose autour de lui. Comme la cire ou le glaçon qui, s’ils fondent, ne reprennent plus jamais leur forme initiale, le retour en arrière est impossible. Ils ont poussé le bouchon un peu loin, l’angoisse les envahit.
L’axe qui les a maintenus droits, fiers et arrogants depuis des lustres ressemble de plus en plus à un carrefour giratoire. La désorientation leur fait perdre le langage. De durs, ils deviennent flasques...
- Heimaten Antoine Laubin
Antoine Laubin invite Axel Cornil, Thomas Depryck et Jean-Marie Piemme à questionner le terme Heimaten, pluriel de Heimat, qui signifie « patrie » ou « pays d’origine » en allemand. Les quatre auteurs belges explorent les sens de l’expression et saisissent l’occasion de confronter leurs parcours, en convoquant au plateau des ressortissants de plusieurs pays. À Avignon, deux acteurs belges jouent et dialoguent en duplex avec deux acteurs allemands.
Quels liens entretenons-nous avec nos origines? Dans quelle mesure nos langues et nos lieux nous déterminent-ils?
- Les Idées Grises Bastien Dausse et François Lemoine
Les Idées grises est une recherche de liberté absolue, un abandon du convenu et un éloge de l’incongru. C’est une occasion de détruire les pensées cartésiennes et de se laisser divaguer vers l’irrationnel. Bastien Dausse et François Lemoine, les deux jeunes acrobates auteurs et interprètes de la compagnie Barks, imaginent un monde affranchi des lois et des logiques du nôtre. Inventant leur propre vocabulaire pour donner leur vision du cirque dans chacune de leurs créations, cette fois ils détraquent l’espace et le temps, gomment la frontière entre réel et irréel, se jouent avec humour de la gravité et bouleversent nos repères.
HET LAND NOD FC BERGMAN PARC DES EXPOSITIONS AVIGNON 1H35 28€ /22€ /14€ /10€
Certaines salles de musée, à l’instar des cathédrales, semblent dimensionnées pour nous intimider ou, tout du moins, pour souligner notre humble condition. C’est le cas de la salle Rubens du musée des Beaux-Arts d’Anvers, fidèlement reconstituée par les FC Bergman qui ne résistent pas au plaisir d’y installer le public. Devant nous, alors que des œuvres viennent manifestement d’en être retirées ; une seule résiste, Le Coup de Lance, trop grande pour franchir le cadre de la porte d’entrée. Privée de sa vocation – abriter les toiles du peintre flamand –, elle pourrait être une Arche de Noé, un refuge paisible et silencieux dans un monde agité. Pourtant ce havre est habité par des personnages en proie à la solitude et à l’absurdité. Le gardien n’a plus grand chose à surveiller ; une visiteuse s’évanouit devant l’œuvre rescapée ; des techniciens et un conservateur tentent désespérément de l’évacuer… À l’origine de cette mise en situation, les véritables travaux du musée des Beaux-Arts où, en 2015, les FC Bergman, artistes anversois, découvrent que la salle Rubens, avec laquelle ils entretiennent comme leurs concitoyens une relation très intime, sera fermée à l’instar du musée pour une dizaine d’années. Le choc de cette vision leur inspire un spectacle d’une grandeur plastique, un spectacle d’atmosphère, sans paroles, où les rapports d’échelle sidérants et la poésie des situations décrivent des êtres humains obstinés, fragiles et bouleversants.
TIGERN SOFIA JUPITHER THÉÂTRE BENOÎT-XII 1H15 28€ /22€ /14€ /10€
Un chauffeur de taxi, des touristes, trois volatiles et quelques autres témoignent. Tous ont eu affaire à Mihaela, une étrange créature apparemment peu au fait des us et coutumes locaux et tous hésitent sur son identité : il, elle, cet individu... Et pour cause, Mihaela est une tigresse, une tigresse qui s’est échappée du zoo pour découvrir la ville et le monde.
À travers cette fable fantasque, dont la narration répond aux codes du film documentaire, Gianina Cărbunariu et Sofia Jupither livrent une satire joyeuse et puissante de notre rapport à l’étranger. Le regard est tendre mais sans concession : La Tigresse est l’histoire d’êtres vulnérables mais tous intégrés au système urbain – du sans domicile au banquier – qui manifestent désarroi, mesquinerie et parfois même violence dès lors qu’ils sont confrontés à l’altérité. Si l’ombre de Ceaușescu plane à un moment donné sur la vraie-fausse ville en panique, ce sont bien les démons européens contemporains qui menacent. Sofia Jupither évite costumes et décors figuratifs, préférant dessiner un espace abstrait où les récits subjectifs se transforment en bruits médiatiques. Ses cinq comédiens campent des archétypes plus que des personnages, tendant au public un miroir troublant mais non déformant.
20 NOVEMBER SOFIA JUPITHER THÉÂTRE BENOÎT-XII 1H 28€ /22€ /14€ /10€
« Vous serez de toute façon obligés, tôt ou tard, de me regarder ». Lars Norén nous offre dans 20 November l’opportunité de voir et d’entendre, une heure durant, le jeune homme de 18 ans qui s’apprête à commettre un massacre dans son lycée d’Emstetten en Westphalie. Le dramaturge suédois s’est longuement documenté sur cette tuerie survenue en 2006 :
il a compulsé le journal intime de l’adolescent, ses posts sur les réseaux sociaux, visionné la vidéo qu’il a tournée avant de passer à l’acte… Dans un monologue à nu et sans répit, il dit les humiliations subies, sa haine de l’institution, son sentiment d’être piégé. Entre manifeste et soliloque, il élabore une théorie politique pour justifier le geste à venir tout en révélant ses écorchures intimes. Cet adolescent pourrait ressembler à beaucoup d’autres. Pourquoi lui ?Pourquoi maintenant ? Sofia Jupither veut nous faire entendre un jeune homme et non un monstre. Est-il le produit d’une époque ? La victime d’un délire ? Un combattant en première ligne des guerres civiles à venir ? Il se dévoile mais demeure opaque. À fleur de peau et solidement ancré, face à nous, David Fukamachi Regnfors incarne l’effroyable mystère. Une violence qui n’efface pas l’humanité.
ESPÆCE AURÉLIEN BORY OPÉRA GRAND AVIGNON 1H De 28€ à 10€
« Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner.» Cette phrase résume l’humeur et le projet de Georges Perec dans Espèces d’espaces, livre à la lisière de l’essai, du poème, de l’autobiographie. Comment Aurélien Bory, artiste des tangentes et des plans inclinés, de l’apesanteur et de la verticalité, s’empare-t-il de cette œuvre dont le point de départ est une page de papier? En réalité, Espèces d’espaces accompagne depuis longtemps le metteur en scène, qui se passionne pour les « machines à écrire » de l'auteur, dispositifs littéraires qui lui permettent de déplier le monde entier à partir du signe premier : la lettre. Aurélien Bory remplace la page blanche par le plateau nu et se saisit des outils du théâtre comme d’un alphabet, pour en révéler l’histoire et les potentialités. Il rend ainsi hommage à Georges Perec, par allusions plus que par citations. Un hommage à son génie littéraire, connu pour sa dimension ludique, oulipienne, mais aussi à son histoire intime, marquée par la perte de ses parents lors de la seconde guerre mondiale. Aurélien Bory fabrique un puzzle en mouvement, discrètement savant, où s’imbriquent euphorie créative, liberté potache et conscience de l’inévitable naufrage.
FATMEH ALI CHAHROUR CLOÎTRE DES CÉLESTINS 55MIN 28€ /22€ /14€ /10€
« Habitant du désert, Tu m’as appris à pleurer. Ton souvenir m’a fait oublier toutes les catastrophes. Et même absent sous terre, Tu seras toujours présent dans mon cœur triste. » Fatmeh. Fatmeh, prénom arabe qui hante la culture populaire dans tout le monde arabe. Prénom de la fille du Prophète Mahomet. Fille dont les lamentations poétiques écrites au VIIe siècle – sont récitées dans cette pièce qui en porte le nom. Pour le spectateur, il s’agit d’assister à l’autre face de la recherche d’Ali Chahrour sur la tristesse, achevée avec Leïla se meurt, et d’entendre la voix sacrée qui résonne avec celle, séculaire, d’Oum Kalsoum, diva égyptienne des années 1930 surnommée l’Astre d’Orient. Deux femmes chantant la joie et la douleur avec lesquelles le chorégraphe libanais, dans une cérémonie réinventée, ouvre un dialogue, interroge ce qui est permis et ce qui est tabou. Autant d’attitudes qu’il met en débat sur un plateau, espace de liberté proche de celui des célébrations rituelles du deuil, seul moment dans la culture religieuse qui est la sienne où « le corps peut s’exprimer librement » en libérant ses émotions. Un corps affranchi de toute technique, comme celui de ses interprètes non-danseuses, qu’Ali Chahrour a choisies pour approcher « le mouvement brut du caractère sacré ».
LE RADEAU DE LA MÉDUSE THOMAS JOLLY GYMNASE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H45 17€ /14€ /14€ /10€
Ils sont treize enfants sur ce radeau de fortune, treize enfants qui fuient la violence des adultes, cette violence guerrière qui les a obligés à quitter leur pays avant de devenir naufragés. Si Georg Kaiser s’est inspiré d’un fait divers tragique de la seconde guerre mondiale – le torpillage d’un navire anglais transportant des enfants vers l’Amérique –, ce n’était pas pour travailler à un théâtre documentaire fait de réalités dans un univers de fiction mais pour plonger au cœur même des contradictions humaines. Quoi de pire que d’assister au spectacle d’enfants adoptant le comportement des adultes qu’ils ont fuis ? Menacés dans leur existence, en état de survie, ils se protègent du danger en éliminant l’un des leurs... En choisissant ce texte dont les personnages sont des enfants pour les jeunes acteurs de l’École du Théâtre national de Strasbourg, Thomas Jolly s’inscrit dans une nouvelle aventure collective. « Leurs énergies, leurs colères, leurs idées, leurs singularités, leurs désirs » sont mis en jeu dans ce huis clos perdu au milieu de l’océan et travaillent à dénoncer les méthodes d’endoctrinement qui enclenchent un mécanisme d’exclusion d’une grande violence. Car après avoir tenté de créer une petite société égalitaire et solidaire, sept jours leur suffisent pour glisser lentement dans la barbarie. Sept jours de la vie d’un groupe d’enfants réfugiés sur un radeau qui jouent à devenir adultes, le deviennent à leur corps défendant, à l’image d’une tragédie si antique et si moderne.
SOFT VIRTUOSITY, STILL HUMID,... MARIE CHOUINARD COUR DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 50MIN 28€ /22€ /14€ /10
Observer la marche. Encore et toujours. Comme un inépuisable point de départ vers des mondes inconnus. Regarder comment, à elle seule, une marche porte un corps. Explorer son caractère. Déformer sa course, la ralentir ou au contraire l’accélérer. Complexifier sa trajectoire. Et recommencer à marcher. Ensemble cette fois, en cherchant, même claudicant, un possible unisson. Observer cet unisson, décrocher de son orbite, plonger dans les abysses. Complexifier à nouveau sa trajectoire en la déviant d’un regard. Et maintenant cadrer en plan serré ces regards qui se croisent dans une forêt de hauteurs et de marches, dans des remous de vagues et d'ensembles, dans les jeux complexes du perpétuel mouvement de la vie. Ce monde inconnu… Avec son incroyable compagnie, Marie Chouinard multiplie les états de grâce dans une œuvre à la fois sauvage et raffinée, primitive et sophistiquée. Ses matériaux ? Un corps « sismographe » captant « le jeu des fluctuations qui l’environne » et cette lumière qu’elle travaille dans une incandescence sonore. Comme ici, dans cette épopée abstraite, tour à tour tragique et comique, païenne et sacrée, qui célèbre d’un geste vif et précis une humanité partie en quête de ses confins.
RUMEUR ET PETITS JOURS RAOUL COLLECTIF CLOÎTRE DES CARMES 1H20 28€ /22€ /14€ /10€
Antenne dans trois minutes. Le public finit de se placer. Les techniciens s’affairent. Décontractés, les chroniqueurs d’Épigraphe s’installent derrière leurs micros. Un clope au bec, l’un d’entre eux lance le générique, un vieux swing. Trois, deux, un… « Faute de soleil, sache mûrir dans la glace » : le sujet du dernier épisode de l’émission, brutalement rayée des ondes, vient d’être posé. Pressentant qu’autour d’eux le décor va tomber en ruine, que les lumières vont s’affoler en faiblissant, les animateurs s’engagent malgré tout dans un nouveau débat contradictoire. Chacun à leur manière, ils défient l’idéologie libérale qui les a déprogrammés dans un ultime assaut de pensée poétique, pleine d’autodérision. Une arme capable à elle seule de tordre cette doctrine – savamment mûrie dans les années 1950 par les membres de la Société du Mont-Pèlerin – au slogan provocateur, « There is no alternative ». Un « argument de terreur qui vient bloquer toute autre conception du monde ». De Henri Michaux aux indiens huichols, les sources d’inspiration de ce jeune quintet belge l'engagent dans une réflexion situationniste. Affirmant que le temps et les moments passés ensemble sont nécessaires, que l’humour n’est pas opposé à la pensée, le Raoul Collectif signe ici son deuxième spectacle, à la fois esthétique, politique et drôle, sur la réappropriation collective du pouvoir par le langage et l’imagination.
SUJETS À VIF PROGRAMMES C & D JARDIN DE LA VIERGE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 1H20 17€ /14€ /14€ /10€
- Sisters Roser Montlló Guberna et Elsa Wolliaston
« Arriver ensemble, prendre cet espace et le partager, convier nos fantômes, ceux qui nous poussent et qui nous portent, converser avec nos danses, nos histoires, dans les différentes langues, celles qu’on parle, celles qu’on ne parle pas, danser ces langues…»
- Il est trop tôt pour un titre Halory Goerger et Martin Palisse
«Disons les choses : on ne se connaît pas.
On a reçu un coup de fil fin mars : il y a une cour, avec un plateau, on pourra faire un spectacle dedans.
On commencera à l'écrire ensemble, mi-juin. La contrainte liée au dispositif nous plaît.
Après tout, on pourrait tout à fait imaginer que ce soit statutaire, dans le spectacle vivant, d'avoir peu de temps et pas d’intention initiale. On fera de notre mieux. Comme disait Claude Rains à Humphrey Bogart dans Casablanca : “I think this is the beginning of a wonderful friendship”.
Ou pas.»
- Les Promesses du Magma Casey et Kevin Jean
« Nous rencontrer. Nous découvrir. Nous accepter.
Trouver du commun et défendre nos rêves et nos luttes.
Avec espoir, conviction, puissance et tendresse.
Avec nos mots, nos voix, nos histoires et nos corps.
Se rassembler et partager à la lumière du jour ce doux combat. »
- Cent Titres Guilherme Garrido et Joëlle Léandre
Joëlle Léandre hérite à la fois de la révolution noire américaine des années 70 – enfant du free jazz, d’une musique
« libérée » de la tradition écrite –, de la pensée du compositeur américain John Cage, de la musique orale et de l’écriture savante de l’Europe du XXe siècle. Guilherme Garrido porte la liberté des jeunes créateurs issus de la danse dite contemporaine, et interroge notre compréhension du monde par son goût de l’intime, de la relation à l’autre sur scène, de l’humour et du « dérangement ». Ces deux histoires singulières s’entrecroisent pour des étincelles de feu, toujours sacrées.
PLACE DES HÉROS KRYSTIAN LUPA L’AUTRE SCÈNE DU GRAND AVIGNON - VEDÈNE 4H15 28€ /22€ /14€ /10€
15 mars 1938, place des Héros : les Viennois acclament Hitler qui a envahi l’Autriche.
Le professeur Schuster, un mélomane à la fois tyrannique, raffiné et révolté, s’exile alors à Oxford. Dix ans ont passé quand il revient « par amour de la musique ». Mais sa femme Hedwige, hantée par la ferveur avec laquelle son pays a accueilli l’occupation, les pousse à retourner vivre en Angleterre. La veille de leur départ, alors que les malles sont prêtes, que le précieux piano Bösendorfer est déjà expédié, Schuster se suicide sur la place des Héros... Écrite en pleine affaire Kurt Waldheim (Premier ministre élu malgré son passé nazi) et traitant de l’Anschluß dans une langue véhémente et presque brutale, Place des Héros provoque un véritable scandale politique avant même que le texte ne soit joué et publié en 1989. Après Des arbres à abattre, unanimement salué l’année dernière au Festival, le metteur en scène polonais monte aujourd’hui avec les acteurs du Théâtre national de Vilnius cette ultime provocation de Thomas Bernhard, dernière pièce de son Théâtre de l’irritation qui cherche « la part de vérité contenu dans tout mensonge ». Ensemble, ils explorent les possibilités d’un temps suspendu entre le monde des vivants et des morts dans un fascinant rapport à la persistance de la pensée.
INTERVIEW NICOLAS TRUONG TINEL DE LA CHARTREUSE 1H30 28€ /22€ /14€ /10€
Impossible d’échapper à cet exercice journalistique qu’est l’interview dans notre monde surmédiatisé. Hommes politiques et artistes, sportifs et anonymes s’y livrent dans un ballet incessant. Intrusive ou complaisante, combattive ou complice, posthume ou imaginaire, sentencieuse ou burlesque, l’interview est un jeu de rôle, un théâtre, une piste de danse où se joue la confrontation de deux subjectivités. Mais, à l’ère du bavardage généralisé, l’enjeu consiste à y faire encore advenir des vérités, des paroles qui brisent le conformisme et la banalité grâce à cet art singulier de « l’accouchement de la pensée ». C’est cette diversité du genre, cette interrogation sur le questionnement que Nicolas Truong, journaliste rompu à cet exercice, veut faire entendre. De Foucault à Duras, de Pasolini à Deleuze, mais aussi de Bernard Pivot à Thierry Ardisson et de Florence Aubenas à Svetlana Alexievitch, c’est toute une galaxie d’interviewés et d’intervieweurs qui reprennent la parole, tous les questionneurs qui sont questionnés sur leurs entretiens réussis ou leurs rencontres ratées. Sur le plateau du Tinel de La Chartreuse, le public entendra le passage d’un langage formaté à une parole incarnée. Hors de tout naturalisme, de toute reconstitution à l’identique, place est faite au jeu, au corps-à-corps, à la déconstruction, à la reconstruction, à l’imagination. Du mensonge assumé au désarroi incontrôlable, de la connivence à l’agressivité, c’est aussi bien notre mémoire collective que notre actualité qui sont mises en scène dans cet entretien infini sur le temps présent.
LA DICTADURA DE LO COOL MARCO LAYERA GYMNASE DU LYCÉE AUBANEL 1H25 28€ /22€ /14€ /10€
Sous-titré « Nous nous conformons à notre non-conformisme », le nouveau spectacle de
La Re-Sentida se penche sur une catégorie sociale qu’elle considère dominante aujourd’hui : les bobos (contraction de bourgeois-bohèmes). Le metteur en scène chilien Marco Layera, conscient d’en faire lui-même partie, interroge le potentiel et l’intégrité de ce groupe social devenu classe qui souscrit en tout point au capitalisme comme mode de vie et de communication, dans ses rapports au monde et au marché, mais revendique un héritage culturel et des valeurs dites à contre-courant. Pour examiner ce paradoxe constitutif avec sa compagnie, il instaure une fiction : le soir d’un 1er mai à Santiago du Chili, alors que les mouvements protestataires enflent dans la rue, des membres de l’élite culturelle de la capitale sont réunis chez un ami dont ils célèbrent la nomination au poste de ministre de la Culture. Mais, désabusé, celui-ci s'est enfermé dans sa chambre et refuse de participer aux réjouissances.
Il voit désormais l’hypocrisie de son entourage, la confortable autosatisfaction du milieu artistique et l’impossibilité criante de produire un quelconque changement. À partir de ce cercle élitiste, la pièce au titre contradictoire et provocateur La Dictature du cool explore des foyers de résistance radicale où s’applique un véritable contre-modèle au capitalisme et à la norme.
WE'RE PRETTY FUCKIN' FAR... LISBETH GRUWEZ GYMNASE PAUL GIÉRA 1H10 28€ /22€ /14€ /10€
We’re pretty fuckin’ far from okay travaille les peurs et les angoisses. En choisissant d’installer le public face à un couple de danseurs pris dans un dispositif simple : homme, femme, chaises, couloirs de lumière... Lisbeth Gruwez ne souhaite pas parler du couple mais de l’individu, de ses réactions émotionnelles, psychologiques et physiques quand il ressent de la peur. Par un vocabulaire de gestes inventoriés de nos réflexes naturels et quotidiens, la chorégraphe propose à chacun de se reconnaître et s’identifier. Le point de départ du travail : les films d’horreur d’Alfred Hitchcock et en particulier Les Oiseaux, car « la peur dont on y parle est irrationnelle. C'est une phobie, voire une paranoïa, qui résonne fortement dans le monde actuel ». Par une montée progressive du mouvement, par la sensation continue d’avoir de plus en plus besoin de l’autre, par des nappes sonores qui s’ajustent en temps réel et par cet acte commun de respirer, la pièce propose une expérience immersive. La peur a cette si grande force de mettre le corps en transe, d’obstruer l’esprit et de le déconnecter « du vouloir et du faire » qu’elle est un terrain de jeu virtuose pour les danseurs. Troisième volet d’une recherche sur le corps extatique, We’re pretty fuckin’ far from okay est cette fois-ci un duo en résonance avec le solo It’s going to get worse and worse and worse, my friend (2012), et la pièce collective AH/HA (2014). Quand il est question aujourd’hui de contrôler l’incontrôlable, est-il vrai que si la pensée se perd, le corps aussi ?
DE L'IMAGINATION CLARA LE PICARD CHAPELLE DES PÉNITENTS BLANCS 1H 17€ /14€ /14€ /10€ /8€
La metteuse en scène et chanteuse Clara Le Picard a reçu chez elle un colis anonyme.
À l’intérieur, une lettre de mise en garde : elle ne pourra ouvrir le pli cacheté qui l’accompagne qu’en présence d’une danseuse, d’un pianiste et d’un public. La curiosité et le besoin de partager ce mystère la conduisent sur scène, aujourd’hui, devant nous, où, entourée de Maud Pizon et d'un étrange pianiste, elle découvre le contenu de l’enveloppe. Il s’agit de partitions et d’indications d’un drame musical intitulé Ma barbe bleue. Bien que l'auteur de la lettre déclare avoir trouvé l'ensemble dans un grenier, il semble tenir à ce que danseuse, pianiste et chanteuse s’attèlent à l’œuvre. La femme de Barbe bleue y est dépeinte comme dans le conte mais s’ajoute à son histoire celle d’un chef-d’œuvre oublié, voire perdu au grenier… Exécutant le chant lyrique, la danse notée et les mélodies, les trois artistes s’efforcent de trouver des indices pour les dater, en préciser l’origine et en deviner l’auteur. Lorsqu’une ouvreuse apporte à Clara un disque, le jeu prend un tour inquiétant : l’instigateur anonyme de cette étrange soirée serait-il dans la salle?
KIT DE SURVIE SERGE TEYSSOT-GAY MUSÉE CALVET 1H30 17€ /14€ /14€ /10€
Kit de survie: hommage à la périphérie. Lieu de vie mais aussi posture pour regarder le monde, la périphérie est ressentie comme une zone libre. A contrario des pensées communes, elle permet à Serge Teyssot-Gay de s’échapper du monde globalisé qu’il définit comme hostile. Échappée, oui, parce que l’évasion complète est impossible ; l’hostilité de la mise aux normes et de la mise au pas se développe à chaque instant. S’il avait déjà, avec Cyril Bilbeaud, pointé cette attirance pour l’angle mort – titre du premier album de Zone libre –, Serge Teyssot-Gay invite cette fois des artistes issus d’autres périphéries du monde, habitant la lisière des genres étiquetés. Le saxophone d’Akosh Szelevenyi rencontre les cuivres de Médéric Collignon, la voix de Marc Nammour celle de Mike Ladd, pour s’entremêler aux riffs et aux patterns de leurs hôtes. Le sextet formé explore les rythmes impairs quand nos oreilles sont habituées au système qui encourage le binaire et le manichéisme. Aux moyens d’expansion gigantesque de l’industrie musicale, Kit de survie répond par un mode qui lui est étranger : l’invention permanente que Serge Teyssot-Gay reconnaît aux zones du bord et de l’entour.
Là, tout se construit par la coexistence et la préservation des différences, dans le mouvement. Le centre peut bien garder la norme ; elle est si pauvre face à la marge.
LES ÂMES MORTES KIRILL SEREBRENNIKOV LA FABRICA 2H25 28€ /22€ /14€ /10€
Dans la Russie des années 1820, Tchitchikov, homme ordinaire mais astucieux, cherche fortune et applique une idée peu commune : acheter à très bas prix les titres de propriété de serfs décédés mais non encore enregistrés comme tels par l’administration, pour les hypothéquer et en retirer bien plus d’argent qu’ils n’en valent en réalité. Au fil des tractations et des transactions de ce personnage, Nikolaï Gogol construit une œuvre monumentale en forme de galerie de portraits dont la trivialité d’abord drôle devient vite inquiétante. L’écrivain semble nous dire que le pire n’est pas que les âmes vivantes marchandent celles des morts… mais qu’elles se révèlent toutes corrompues par le jeu, l’alcool et la cupidité. S’inspirant de cette œuvre historique qui attira tant de haine à l’auteur qu’il la renia, le metteur en scène Kirill Serebrennikov fait défiler les habitants de la ville de « N. » dans un décor de contreplaqué qui laisse résonner les travers de l’humanité de toutes les époques, de la Russie à toutes les régions du monde. Castelet pour dix acteurs qui, comme des pantins, endossent les innombrables rôles du roman ou misérable cercueil pour des âmes aux intérêts si morbides qu’elles sont dénuées de vitalité, cette boîte est le théâtre d’un humour grinçant et d’une choralité absurde. Un espace-temps où les relations humaines sont sans perspective sur le moindre changement.
ESCHYLE, PIÈCES DE GUERRE OLIVIER PY ÉGLISE DE LA CHARTREUSE 5H 28€ /22€ /14€ /10€
BABEL 7.16 SIDI LARBI CHERKAOUI, DAMIEN JALET COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES PAPES 1H40 De 38€ à 10€
Babel 7.16 : réactualisation ou recréation ? Aujourd’hui, pour les chorégraphes Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, il ne s’agit plus de voir la pièce dans les mêmes dispositions qu'en 2010 pour
le triptyque composé avec Foi et Myth. L’extension du titre en est l’incarnation : 7.16 fait autant référence aux codes des logiciels qu’aux versets d’un texte sacré, à une date contemporaine qu’au pouvoir d’une numérologie archaïque. La pièce convoque le choc des langues et des corps porteurs de différentes nationalités, la diversité et la difficulté à coexister et confronte l’unicité à la communauté. Elle questionne le rapport au changement quand la technologie modifie constamment empathies et connexions. Babel 7.16, tout comme la pièce originale, met en scène des danseurs qui partagent avec humour leurs héritages immuables mais en métamorphose constante. Danser cette contradiction, c’est comme explorer les mots par le corps, éviter l’écueil de l’indicible grâce au geste et à l’action. Dans le mythe initial, il est dit que Dieu ne voulait pas partager son territoire ; les hommes, eux, voulaient se rapprocher de Lui. « Le partage est une décision, une attitude, face aux événements traumatiques notamment. Ces instants où l'extrême solidarité se confrontent à la peur du partage. » En réunissant l’intégralité des danseurs qui ont fait de Babel une référence chorégraphique, les deux chorégraphes issus d’une Belgique flamande et francophone, divisée et unitaire, ont placé la masse, l’histoire et le territoire dans la Cour d’honneur du Palais des papes. Dans le centre des centres, là où les murs continuent à raconter des histoires de prérogatives et d’immuabilité du pouvoir et de la religion mais subliment et accueillent le vivant dans sa complexité.
HEARING AMIR REZA KOOHESTANI THÉÂTRE BENOÎT-XII 1H10 28€ /22€ /14€ /10€
Chaque fois qu’elle prend son vélo, Samaneh repense à Neda qui dévalait, libre, les rues encore désertes de Téhéran, à Neda qui ne reviendra pas de son exil en Suède. Elle repense à ce soir de Nouvel An où, restée à l’internat pour filles de son université, elle croit entendre le rire d’un homme provenant de la chambre de sa camarade. Voix réelle aux côtés de son amie censée rester seule ou voix tapie au creux de ses fantasmes d’adolescente? Trop tard. La rumeur de la transgression absolue a couru. Un rapport est remis à la surveillante. Depuis douze ans, Samaneh revit en boucle l’interrogatoire subi, ressasse les réponses qu’elle ne peut plus changer, revit son « cauchemar de femme coincée dans la culpabilité ». Une sanction inconsciente qu’Amir Reza Koohestani, dans cet opus en clair-obscur, souligne d’un trait bleu qui ne la quittera plus. Cette voix, c’est aussi le ressort dramaturgique de la pièce. C’est la caméra subjective du metteur en scène iranien qui explose les limites spatiales du théâtre et les limites sensorielles de la représentation ; une navigation délicate dans les eaux elliptiques mais universelles de l’implicite. Là où courants intimes et sociaux se télescopent faisant rejaillir la violence sourde d’une vie passée sous les interdits.
LEÏLA SE MEURT ALI CHAHROUR CLOÎTRE DES CÉLESTINS 1H20 28€ /22€ /14€ /10€
Au Liban, les pleureuses ne sont plus nombreuses. On les trouve encore au sud du pays et dans la plaine orientale de la Bekaa. Elles sont pourtant la pierre angulaire d’un rituel aussi religieux que social : les condoléances. Pour ces cérémonies pour lesquelles elles composent des poèmes à la mémoire de disparus, qu'elles disent en se lamentant, déterminées à faire pleurer leurs proches dans la grande tradition chiite. « Une esthétique de l’intime » que les guerres et la situation économique ont transformée, comme le pouvoir qui oblige désormais les familles à célébrer l’héroïsme des grandes figures collectives, substituant ainsi le devoir à l’émotion. Pleureuse, c’est le métier de Leïla, qu’Ali Chahrour, soucieux de revenir aux références régionales de sa danse, a invitée sur scène avec lui et ses musiciens.
Il lui a demandé de partager son expérience en chantant sa relation à la mort et, à travers elle, cette culture de deuil. Pour ce duo, le chorégraphe a pris le temps d’observer chez Leïla « ce qui la met en mouvement, elle dont le corps porte cette tristesse». Il a ensuite imaginé une partition délicate capable de se glisser dans les interstices de cette plainte poétique qui apaise les âmes.
IMPATIENCE LAURÉAT DU PRIX 2016 GYMNASE DU LYCÉE SAINT-JOSEPH 17€ /14€ /14€ /10€
Impatiente, la jeunesse l’est souvent. Défaut ou qualité, c’est ce qui la pousse à s’exprimer avec fougue, sincérité et à se plonger dans la création sans compromis. Fondé à l’initiative de Olivier Py et Agnès Troly à l’Odéon-Théâtre de l’Europe en 2009, soutenu par Télérama, puis porté ensuite par le CENTQUATRE-PARIS, le Festival Impatience est un instantané de la création théâtrale, une invitation à voyager dans l’imaginaire des compagnies émergentes et à voir le monde par leurs yeux. Il s’agit d’« aider les nouveaux artistes à se faire connaître dès aujourd’hui ; faciliter leurs rencontres avec un public plus étendu ; encourager les explorations des uns et la curiosité des autres ». Impatience présente ainsi des moments de théâtre exigeants et généreux, un vivier de créativité inédite qui n’attend que d’être découvert. Aujourd’hui accueillies et sélectionnées par le CENTQUATRE-PARIS et La Colline - théâtre national, les huit compagnies de la 8e édition du Festival Impatience qui se déroule du 2 au 11 juin 2016 se voient décerner trois prix : le prix du public, le prix des lycéens et le prix du jury. Ce dernier offre notamment à l’équipe artistique primée une tournée dans des salles d'Île-de-France, de Bretagne et de Suisse mais, avant cela et pour la première année, devant le public du Festival d’Avignon. On l'y attend avec impatience.
99 MARC NAMMOUR MUSÉE CALVET 1H15 17€ /14€ /14€ /10€
Utopie au sens strict, le 99 est un département français qui n’existe pas. Dernier de la liste de numéros que propose l’administration française pour déterminer le lieu d’origine des individus, il concerne toute personne, française ou non, née à l’étranger. Les natifs du 99 seraient donc des êtres sans territoire, regroupés par un terme qui ne leur laisse aucun point commun à revendiquer, sinon l’ailleurs et l’altérité. Ces deux notions n’étant pas pour lui déplaire, le rappeur Marc Nammour invite pour ce concert le chanteur Abdullah Miniawy à interroger les sens politiques et poétiques du numéro 99 : l’impossible inventaire de ce qui fonde une identité et la certitude d’être en mouvement, d’être venu, parti, d’avoir traversé une terre, une mer, des cultures et des traditions variées. Avec eux, les accords de Lorenzo Bianchi-Hoesch, Jérôme Boivin et Amir ElSaffar, nourris par l’échange, font entrevoir l’harmonie politique qui pourrait surgir de l’acceptation de la multiplicité de chacun. Sans passeport à présenter et sans peur devant l’altérité, les instruments et les voix puisent dans des temps, des langues et des régions du monde dont les frontières, même barbelées, ne pourront empêcher les croisements, les influences et l’enrichissement mutuel.
Ce projet a été imaginé avec Frédéric Deval qui nous a quittés le 27 mars 2016. Il lui est dédié.
FÊTE DE LA 70E ÉDITION PONE LIVE ET GENERAL ELEKTRIKS JARDINS DE L’UNIVERSITÉ 4H De 24€ à 10€
- PONE LIVE
Pour ouvrir la fête de la 70e édition du Festival d’Avignon, qui d’autre que Pone, emblématique DJ d’une scène alternative électro puissante, chercheuse, inventive et populaire ? Membre fondateur de Birdy Nam Nam, l’un des groupes les plus passionnants de ces dernières années tant sur disque qu’en concert, Pone allie l’intelligence des montages sonores qui composent des univers très affirmés à un certain art de la performance. Pour ce retour attendu sur scène, il est accompagné de Pierre Belleville à la batterie et de Manu Trouvé aux claviers et machines. C’est également à Pone qu’il revient de clôturer la soirée après le concert de General Elektriks par un DJ set.
- GENERAL ELEKTRIKS
Jeu de jambes et d’idées, du cortex à la voûte plantaire, de la terre à la lune, General Elektriks, félin et renard, nous promet sous les étoiles de la nuit avignonnaise une montée de plaisir comme on les aime, un grand moment d’intranquillité musicale, funk, électro, soul, pop, disco, une joute entre la machine et l’humain, un mélange de programmation et de performance. Hybride et décalée, la version scénique de l’excellent album To Be A Stranger est une ode à l’exode choisi, cuivres soyeux et beats martiaux, voix suaves et rythmiques montées sur ressorts, de quoi nous libérer de la pesanteur.
PRIMA DONNA RUFUS WAINWRIGHT COUR D’HONNEUR DU PALAIS DES PAPES 2H15 De 38€ à 10€
Soirée exceptionnelle en deux parties
Prima Donna : Régine Saint-Laurent – interprétée par l’exceptionnelle soprano québécoise Lyne Fortin – vit recluse dans son appartement depuis qu’elle a tiré un trait sur sa carrière à cause de fêlures dans la voix. Un rendez-vous fait réapparaître les démons du passé : André Letourneur, journaliste, vient l’interroger sur son parcours et son rôle fétiche, Aliénor d’Aquitaine, écrit sur mesure du temps de sa splendeur. Qui se cache derrière ce personnage de tragédie lyrique ? Maria Callas, Régine Crespin ?Inspiré par le drame intime et artistique qui guette tout chanteur, Prima Donna ne décline pas seulement des personnages réels. Cet opéra écrit en français, interprété par l’Orchestre régional Avignon-Provence (sous la direction de Samuel Jean), traite d’un sujet plus profond : la perte de la voix envisagée comme un ravage de l’identité. Voilà peut-être ce qui a convaincu la photographe Cindy Sherman de prêter ses traits à la diva dans le film de Francesco Vezzoli projeté sur le mur de la Cour d'honneur.
Concert piano-solo : Rufus Wainwright, seul sous les étoiles, alterne de sa voix exceptionnelle les répertoires lyriques et pop chers au musicien, conçu comme « une lettre d’amour aux grandes mélodies de la musique romantique », des sonnets de Shakespeare à Jeff Buckley ou encore Antony and the Johnsons...
Réservations
PAR INTERNET / FESTIVAL-AVIGNON.COM
à partir du 13 juin dès 10h
– frais de réservation : 2€ par billet ou forfait de 35€ à partir
de 25 places groupées dans une seule commande
– paiement uniquement par carte bancaire
PAR TÉLÉPHONE +33 (0)4 90 14 14 14
– du 13 juin au 5 juillet du lundi au vendredi de 10h à 17h
– à partir du 6 juillet tous les jours de 10h à 19h
– frais de réservation : 2€ par billet ou forfait de 35€ à partir
de 25 places groupées dans une seule commande
– par carte bancaire : validation immédiate de la
commande
à partir du 13 juin dès 10h
– frais de réservation : 2€ par billet ou forfait de 35€ à partir
de 25 places groupées dans une seule commande
– paiement uniquement par carte bancaire
PAR TÉLÉPHONE +33 (0)4 90 14 14 14
– du 13 juin au 5 juillet du lundi au vendredi de 10h à 17h
– à partir du 6 juillet tous les jours de 10h à 19h
– frais de réservation : 2€ par billet ou forfait de 35€ à partir
de 25 places groupées dans une seule commande
– par carte bancaire : validation immédiate de la
commande