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AiMe comme Marquise, de Philippe Froget, Editions du Panthéon-Théâtre

L’œuvre est écrite en vers, en alexandrins ou presque. Presque tout le temps.
Oui vous avez bien lu.
Des vers plaisants à lire car le vers a ce souffle du rythme qui organise la pensée en même temps que les mots, pèse et pose et s’écoule plaisamment.


Marquise ou Mademoiselle du Parc
Thérese de Gorla, dite Marquise ou Mademoiselle du Parc, est une célèbre comédienne française. Bien réelle. En 1653, lors du passage à Lyon de l’Illustre théâtre, elle rejoint la troupe de Molière.
Plus tard, celle de l’Hôtel de Bourgogne, celle souvenez-vous-en qui fait tant de bruit dans Cyrano de Bergerac ? Les deux troupes donneront ensuite la Comédie Française.

Mademoiselle du Parc ne vivra pas longtemps, 35 ans à peine, tout consacrés au théâtre et… à l’amour, car elle est belle et dotée d’un port de reine qui lui permet tous les beaux rôles, Elvire de Dom Juan ou Arsinoé du Misanthrope mais aussi Molière et surtout Andromaque .
Qu’elle interprète d’ailleurs ce soir-là, lorsque le lieutenant général de la police de Paris Gabriel Nicolas de la Renie se présente dans sa loge. Présence dérangeante, elle veut l’éconduire:
« Et pour devenir Andromaque je l’avoue,
J’ai plus nécessité d’un silence complice
Que du lieutenant général de la police. »


Une enquête romancée
La Renie fait une enquête - eh oui - car des bruits courent.
« On dit que Molière très en délicatesse,
N’aurait écrit quasi aucune de ses pièces,
Que Corneille les aurait pour bien d’autres causes,
Toutes créées : celles en vers, celles en prose.»


Car il fallait bien une trame pour que se rencontrent et se mêlent dans les coulisses du théâtre, auteurs et policier, comédien, tragédien, et surtout tragédienne .
« Je dois trouver la vérité sur cette affaire,
Et y poser un point final, si nécessaire.
Vous qui avez connu l’un et l’autre de près,
Et quand je dis de près, je sais ce qu’il en est,
Vous devez avoir réponse à cette question.
Mon interrogatoire a toutes ses raisons. »


Voici le ton donné, l’intrigue lancée, l’héroïne mise au centre : Mademoiselle du Parc, la grande comédienne.
Gros-René, pauvre théâtreux mais fervent et passionné va prendre sous son aile Thérèse Gorla et contribuer à en faire Mademoiselle du Parc. Il va l’éduquer aux malheurs du théâtre, la malédiction divine permanente, les rivalités, car les Béjart sont redoutables, les humeurs et la difficulté des rôles. Il l’aime.
Car elle est douée, Molière aussi en est convaincu.

Amours et théâtre

On l’a compris après Gros-René, d’autres amants dans ce creuset théâtral où la classe et la distinction de Thérèse font merveille. Molière, Corneille, rejeté (trop vieux) ; et Racine enfin, dans le feu d’Andromaque.
Mais au passage admirons l’art de Philippe Froget, composant de nouveaux textes avec des vers qui se conjuguent pour d’autres rôles. Lorsque Corneille, plus âgé, plaide auprès de Thérèse pour se faire aimer, iI emprunte d’abord à l’Ecole des Maris de Molière, puis au Cid.
« C’est un étrange fait du soin que vous prenez,
A me venir toujours jeter mon âge au nez »…


« Ô rage, Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie
N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? »


Mais lorsqu’ils communiquent une autre fois on assiste à un échange plaisant et incongru.
Corneille :
« Marquise si mon visage
A quelques traits un peu vieux
Souvenez-vous qu’à mon âge
Vous ne vaudrez guère mieux »

Ce à quoi Marquise répond d’une plume allègre, empruntée à la chanson Marquise de Brassens:
« Peut-être que je serai vieille
Ridée, fanée et cependant
J’ai vingt-six ans mon vieux Corneille
Et je t’emmerde en attendant ! »


Tout est bien qui finit…
Pas si bien que ça, puisque Marquise meurt.
« C’est qu’elle a voulu faire passer un enfant
Et une clandestine, sans l’once d’un talent,
A stupidement raté l’intervention.
Et Marquise est emportée par l’infection. »

Dans la scène finale, Marquise se meurt et ... pour faire dans l’esprit du siècle, père et fille se retrouvent enfin ; le lieutenant de La Reynie et sa fille Mademoiselle du Parc. On appelle cela une reconnaissance.
Mais tout cela n’est que théâtre… et Louis le quatorzième entre en scène.

Que le lecteur se rassure. Ultime bonne nouvelle, Molière retrouve la propriété de ses textes:
i[« [...] C’est un bonheur
De savoir enfin votre enquête clôturée,
Et mon cher Molière dûment tranquillisé » ]i
Et reconnu comme l’auteur de son propre théâtre.
Comédie ? Tragédie… ?

Une lecture plaisante
Les lecteurs de notre temps, écrasés, - enfouis, découpés en tranches dans des sms et des emails, bourrés de fautes - vont-ils trouver un plaisir malin et vengeur, comme je l’ai trouvé, à redécouvrir une autre langue, la nôtre en fait, enrichie de son rythme et de la clarté de sa pensée, des nuances de l’âme et du cœur, de la douceur de valse, du swing ou du tango qui sommeille dans les vers les plus parlants ?
C’est le souhait que je forme pour notre temps d’abrèv. et de symb. qui ne connaît que l’util. le racc. le minim., pour la pensée aussi. Et aussi les inutiles e.es. Mode absurde.
Jacqueline Aimar

Mis en ligne le Mercredi 13 Mars 2019 à 14:06 | Lu 354 fois

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