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Paris, 𝗔𝗿𝘁 𝗧𝗼đ—č𝗾 : Guadeloupe ! Les enjeux d’une scĂšne artistique trĂšs dynamique. 24 octobre 2025

Premier Art Talk, le vendredi 24 octobre 2025 à partir de 18h00 à la Cité Internationale des Arts, 18 rue de l'HÎtel de ville, 75004 Paris


Pool Art Fair Guadeloupe 2025 © DR
Pool Art Fair Guadeloupe 2025 © DR

Guadeloupe ! Les enjeux d’une scùne artistique trùs dynamique

Depuis plusieurs années la scÚne guadeloupéenne est de plus en plus active.

Des parcours majeurs pour le territoire comme ceux de Michel Rovelas, JoĂ«l Nankin ou encore Philibert Yrius sont aujourd’hui relayĂ©s par une gĂ©nĂ©ration d’artistes connectĂ©s comme Kelly Sinnapah Mary, Minia Biabiany ou encore Elladj Lincy Deloumeaux. Des figures de la scĂšne guadeloupĂ©enne aux carriĂšres internationales tels que les artistes Antoine Nabajoth, Jean-Marc Hunt, Thierry Alet ou JoĂ«lle Ferly quant Ă  eux contribuent largement Ă  nourrir un Ă©cosystĂšme artistique dont la vitalitĂ© est remarquĂ©e dans de nombreuses manifestations locales et internationales depuis les annĂ©es 1990/2000. On peut citer les expositions Rites et Kreyol Factory Ă  la Villette, le cycle d’expositions Latitudes Ă  la mairie de Paris, Caribean Crossroads of the World Ă  New York (Studio Museum, El Museo del Dario, The queens Museum) et Ă  Miami (Perez Art Museum). Les publications telles que Cimaise, Revue Noire ou Small Axe.

Ces dix derniĂšres annĂ©es, des galeries comme T&T Art Contemporain, Creolitan Gallery, Kreol West Indies, l’Artocarpe ou l’Art s’En MĂȘle, des festivals comme Art BMao ou Bleu outremer, des expositions marquantes comme OMA /Outre-Mer Art en 2011 Ă  l’Orangerie du SĂ©nat Paris, NumĂ©ris Clausus 2021 Ă  la Fondation ClĂ©ment en Martinique ou encore tout rĂ©cemment Paris Noir au centre Georges Pompidou Ă  Paris, ont participĂ© Ă  la visibilitĂ© des oeuvres de nombreux artistes de Guadeloupe.

Sur le territoire, les institutions comme le MĂ©morial ACTe, le Musarth, le Fonds d’Art Contemporain sont devenus en dix ans des lieux privilĂ©giĂ©s pour rendre compte d’une scĂšne de plus en plus foisonnante. La Pool Art Fair, Ă  la fois salon d’artistes et manifestation culturelle, gagne chaque annĂ©e en notoriĂ©tĂ© et contribue ainsi Ă  dĂ©velopper la filiĂšre des arts visuels.

En 2022, le pacte en faveur des artistes et de la culture ultramarine a Ă©tĂ© cosignĂ© par les ministres de la Culture et des Outre-mer. Sans nul doute il a permis de rĂ©elles avancĂ©es en termes de visibilitĂ© pour les artistes, mais aujourd’hui comment cette politique en faveur des Outre-mer se renouvelle-t-elle ? Comment cette scĂšne artistique de la CaraĂŻbe Française peut-elle renforcer sa contribution au monde de l’art.

Cette table ronde permettra d’aborder la rĂ©alitĂ© de la scĂšne guadeloupĂ©enne tant sur son territoire que sa prĂ©sence sur la scĂšne internationale et sa dimension diasporique.

La création antillaise : la nouvelle avant-garde française

Comment la scÚne guadeloupéenne résonne-t-elle avec le dialogue artistique mondial ?

“La foire Art Basel Paris 2024 est rĂ©vĂ©latrice d’une vitalitĂ© en berne de la scĂšne artistique française, qui peine Ă  jouer un rĂŽle de premier plan Ă  l’international” titrait l’ƒil dans son numĂ©ro 779, consacrĂ© au marchĂ© de l’art.
À l’heure oĂč la scĂšne artistique mondiale connaĂźt un profond renouvellement, les expressions issues des Outre-mer et particuliĂšrement de la Guadeloupe, apparaissent comme un souffle vital pour la crĂ©ation française. Dans un paysage marquĂ© par la mondialisation, la circulation des imaginaires et les questionnements identitaires, l’art caribĂ©en porte une parole singuliĂšre : telle une fenĂȘtre ouverte sur le monde et ancrĂ©e dans une mĂ©moire qui dĂ©passe le littoral de ses eaux cristallines.

Le constat est clair, la scÚne artistique française reste perçue comme institutionnelle et est en retrait sur le marché global. La plupart des artistes français ne dépassent pas le top 100 des ventes (bilan Artprice 2023) tandis que dominent les artistes américains, britanniques ou allemands ou encore que la scÚne africaine s'affirme comme une valeur montante.

Souvent en marge des grands Ă©vĂ©nements institutionnels, mais riches d’une crĂ©ation plus spontanĂ©e et viscĂ©rale, les artistes des Antilles, eux, s’inscrivent pleinement dans les dĂ©bats qui agitent notre Ă©poque. Leur force rĂ©side dans la libertĂ© plastique et non acadĂ©mique de leurs Ɠuvres : par les thĂšmes abordĂ©s, les couleurs (vives, intenses), les mĂ©diums (la dominance de la peinture) qui rĂ©sonnent avec les enjeux contemporains : les mixitĂ©s, la mĂ©moire, l’hĂ©ritage postcolonial, la quĂȘte d’identitĂ© ou encore les enjeux environnementaux subis par ces territoires (ChlordĂ©cone, Sargasse, etc.).

Leur vitalitĂ© fait Ă©cho Ă  la scĂšne africaine et celle issue de la diaspora. L’exemple du portrait est rĂ©vĂ©lateur de cette dynamique. Ce genre pictural connaĂźt un spectaculaire retour depuis quelques annĂ©es, portĂ© par des artistes comme Kehinde Wiley (US) ou encore Amoako Boafo (Ghana), figures emblĂ©matiques d’une nouvelle gĂ©nĂ©ration afrodescendante qui revisite la reprĂ©sentation du corps noir. En Guadeloupe, ce genre est partout, de la rue Ă  la toile et ne cesse de nourrir de nouveaux talents. Qu’elle soit hyper-rĂ©aliste ou plus expressive, la question de la reprĂ©sentation de la figure humaine s’affirme sans dĂ©tours. Samuel Gelas, Steek, Steve VĂ©rin ou Kelly Sinnapah Mary (artiste Ă©mergente sur la scĂšne internationale), tĂ©moignent de cette pratique figurative. Ces visages interpellent, perturbent parfois, mais surtout rĂ©vĂšlent de nouvelles sensibilitĂ©s, de nouveaux modĂšles de reprĂ©sentation. Ils traduisent aussi l’émergence d’une nouvelle gĂ©nĂ©ration de collectionneurs et d’amateurs d’art, sensibles Ă  des rĂ©cits dans lesquels ils se reconnaissent enfin.

Face aux États-Unis, toujours leaders et Ă  la scĂšne africaine en pleine ascension, les artistes guadeloupĂ©ens et martiniquais se situent Ă  la croisĂ©e de ces blocs. Leur histoire, Ă  l’instar de l'Ɠuvre de Maryse CondĂ©, nĂ©e de l’intime guadeloupĂ©en et dont l’universalitĂ© a Ă©tĂ© reconnue par le prix Nobel, ouvre la porte Ă  quelque chose de plus grand. Leurs Ɠuvres s’inscrivent dans une dialectique Ă©vidente avec les sujets contemporains postcoloniaux. Ainsi, Thierry Alet, avec La Voleuse d’enfant (exposition permanente, MACTe, Pointe-Ă -Pitre) fait dialoguer histoire personnelle, passĂ© colonial et Code noir dans une esthĂ©tique contemporaine proposant une rĂ©ponse alternative Ă  l’hĂ©ritage de l’esclavage.

Avec cet autre regard, la scĂšne artistique antillaise lĂšve le voile sur notre monde actuel oĂč les narrations ne passent plus exclusivement par le prisme occidental.
Car le basculement est lĂ . Les rĂ©cits et les esthĂ©tiques issus de ces horizons longtemps considĂ©rĂ©s comme pĂ©riphĂ©riques s’imposent dĂ©sormais au cƓur du discours mondial. Les artistes des Antilles s’inscrivent pleinement dans ce tournant et pourraient offrir Ă  la France une plus-value artistique et symbolique majeure; la possibilitĂ© d’une crĂ©ation plurielle, traversĂ©e par l’histoire et Ă  l’avant-garde des questions de demain.
Lyne Kaczmarek
Historienne de l’art
Consultante, spécialiste art contemporain Guadeloupe/Martinique

FrĂšreIndependent
Mis en ligne le Vendredi 17 Octobre 2025 Ă  20:18 | Lu 53 fois

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