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Mozart et Création au « Palais Neptune » à Toulon le 30 janvier 2025 à 20h00. De Leïla METINA-BOUCHOUR

Sous la direction de Raphaël Merlin, l'Orchestre de l'Opéra de Toulon propose un concert où les chefs-d'œuvre de Mozart rencontrent une création contemporaine de Raphaël Lucas, interprétée en première mondiale ce soir-là.


Cri de cœur du chœur de l’opéra de Toulon

Dans l'Auditorium, le Chœur de l'Opéra de Toulon fait son entrée, accueilli par un salve d'applaudissements chaleureux. Après l'annonce de la fermeture imminente de leur formation, quelques mots suffisent à poser le contexte avant que leurs voix ne s'élèvent dans un émouvant « Va, pensiero » du Nabucco de Verdi empli de tristesse et de révolte. Ce moment, où la musique, bien plus que des mots, se transforme en cri collectif contre l'injustice a sans nul doute été d'une puissance émotionnelle inouïe. Le choix du « Va, pensiero » s'avère particulièrement fort, symbolisant l'exil et la lutte pour la liberté. Au-delà de la performance musicale, ce fut un instant de solidarité profonde, un lien tangible entre les artistes et le public, amplifié par le contexte poignant de la disparition annoncée du Chœur de l’opéra. Le chœur et le chef d'orchestre, dans la salle, en retrait de la scène, sont en parfaite communion avec le public. Cette scène, d'une émotion intense, où la musique dépasse les mots, a profondément marqué les esprits. Debout, applaudissant avec ferveur, le public a fait entendre sa voix de soutien.

Une ouverture d’opéra grandiose

Deux chefs-d’œuvres de Mozart : Don Giovanni, et Symphonie N°38 « Prague » pour encadrer une création inattendue « L'empire des Lumières ».
Une Exploration de l'intime à travers la Rencontre et la Dissolution

L'œuvre de Raphaël Lucas se distingue par une capacité unique à plonger au cœur de l'émotion humaine, explorant les espaces de l'intime, du vide, de la recherche de soi et de l'autre. Dans un cadre sonore souvent hybride, entre électronique, musique de chambre et influences minimalistes, Lucas façonne une œuvre où les frontières des genres disparaissent, nous entraînant dans un voyage sonore puissant, parfois déroutant, mais toujours profondément humain.
La première partie de l'œuvre reflète cette quête de soi dans un tumulte sonore où les figures se cherchent, se croisent, s'évitent et se repoussent. À travers des jeux de rythmes et de textures souvent dissonants, les personnages sont emprisonnés dans un monde bruyant, presque irréel. Leur musique, dense, incertaine, semble vouloir sortir de cet espace oppressant, sans y parvenir. C'est là où la rencontre se construit non seulement sur des motifs mélodiques, mais aussi sur des silences, ces moments où l'on se trouve face à soi-même dans l'absence de l'autre.
Puis, peu à peu, le cadre de la fête se décompose. Les éclats de la fête s'éteignent, et le vide s'installe dans l'orchestre. La musique, comme un miroir de l'âme, se fait plus intime. Les sons se font plus légers, presque suspendus. La rencontre devient possible dans cette dissipation progressive des tensions, et Lucas nous guide à travers une transition subtile, où chaque note devient une exploration de l'autre et de soi-même. C'est dans cet espace de vide que le dépouillement, la sortie de soi et la rencontre avec l'autre prennent tout leur sens.
Raphaël Lucas a généreusement partagé ce moment avec nous en étant présent pour la première de sa création.
Sous la direction de Raphaël Merlin, l'Orchestre de l'Opéra de Toulon prend vie avec une énergie débordante. Sa conduite, précise et aérienne, mêle rigueur et légèreté, créant une complicité évidente avec les musiciens. Sa lecture est méthodique, il se transforme en danseur, guidant l'orchestre avec fluidité et harmonie. Son enthousiasme atteint son apogée dans la Symphonie n° 38 « Prague », où la perfection de son interprétation sublime à chaque instant, entraînant l'orchestre dans un tourbillon d'énergie et de finesse qui capte pleinement l’attention de la salle.

Un dialogue Inattendu : Piano et Tuba au cœur de la création musicale

@ DR
@ DR
Musicalement, la rencontre entre le piano et le tuba dans cette création est un véritable défi, tant les deux instruments diffèrent par leur timbre et leur rôle dans l'orchestre. L'équilibre entre ces deux instruments, qui à première vue pourrait sembler incompatibles, se transforme en un jeu subtil où chaque variation de dynamique, chaque pause, chaque changement de registre est une exploration sonore d'une profondeur inattendue. Le contraste entre la flexibilité du piano et la puissance du tuba crée une texture musicale unique, un terrain de jeu où l'émotion brute se mêle à la pureté de l'expression. Ce duo n'est pas seulement une rencontre de timbres, mais aussi une confrontation de deux mondes musicaux, chacun apportant sa propre lumière à l'œuvre.
Thomas Leleu, tubiste français de renommée internationale, a métamorphosé le tuba en un instrument d'une richesse sonore et d'une expressivité rare. Par sa maîtrise parfaite, il a su révéler toutes les nuances de l'instrument, offrant une palette dynamique où le tuba, à la fois puissant et gracieux, devient capable de porter des mélodies tout en conservant sa force indomptable. Son jeu, oscillant entre des sonorités graves et imposantes ou des passages aériens et légers.
À ses côtés, Olga Jegunova, pianiste d'origine russe, a fait preuve d'une maîtrise technique éblouissante, parfaitement alliée à une sensibilité artistique rare. Son jeu, à la fois fluide et passionné, a transcendé chaque phrase musicale, donnant vie aux subtilités de l'œuvre de manière unique. Avec une agilité hors du commun, elle a navigué entre les nuances délicates de Mozart et les intensités plus dramatiques de l'œuvre contemporaine, captivant l'auditoire à chaque instant. Sa capacité à fusionner précision et émotion a permis à chaque note de résonner avec une profondeur qui allait au-delà de la simple technique d'exécution. Ses doigts semblaient sculpter des paysages sonores, où chaque accord, chaque silence, devenait une exploration intime et expressive, donnant une nouvelle dimension à la musique. Par son interprétation, elle a non seulement rendu hommage à l'esprit de l'œuvre, mais l'a portée à une hauteur où l'émotion brute et la virtuosité se rejoignent.
Olga et Thomas ont offert ensemble une performance époustouflante, mêlant finesse technique et émotion brute. Leur complicité sur scène a marqué le public d'une empreinte indélébile.
Une première mondiale réussie
Une soirée pleine d'harmonie et de passion, où la musique a réussi, une fois de plus, à unir et à émouvoir.

« Quelle chance pour Toulon d'assister à la création d'un concerto réunissant le roi des instruments à cordes, le piano, et le plus majestueux des cuivres, le tuba ! »

Distribution :
Direction Musicale : Raphaël Merlin
Compositeur : Raphaël Lucas
Piano : Olga Jegunova
Tuba : Thomas Leleu
Orchestre de l’opéra de Toulon

Leïla METINA-BOUCHOUR
Leila.metina@gmail.com
Photos : ©Kevin Bouffard -Opéra de Toulon

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 4 Février 2025 à 19:39 | Lu 103 fois

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