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Marseille, Théâtre Toursky : Le temps qui dure, de Serge Sarkissian, avec Isabelle Gardien et Bernard Lanneau, 22/11/18

Les spectateurs du Théâtre Toursky ont accueilli avec enthousiasme la pièce de Serge Sarkissian, ‘Le Temps qui dure’ avec Isabelle Gardien et Bernard Lanneau, ce 22 novembre 2018


Isabelle Gardien et Bernard Lanneau © DR
Isabelle Gardien et Bernard Lanneau © DR
Quand on sait que la pièce présentée ce soir-là est tirée des aphorismes de Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, proche des idées traditionalistes et aux avant-postes de la restauration ratzingérienne, sans-doute faut-il faire un effort pour garder l’âme critique dans ce théâtre de fraternité et d’humanisme.

Un bureau avec un ordinateur sur lequel une femme, assise, s’active, écouteurs aux oreilles, téléphone portable à portée de main. Plus loin, un homme assis sur une chaise lit.
L’action se déroule dans un lieu indéterminé. N’offrant aucun repère significatif au spectateur. Dès l’entame le ton est donné, le spectateur est pris à partie par la sonnerie intempestive d’un téléphone portable. Cet appel va être le début d’un dialogue improbable entre Mathurin et Roxane, personnages à priori que rien ne prédisposait à se rencontrer.
Mathurin (Bernard Lanneau formé à l’école Nationale d’Art Dramatique) et Roxane (Isabelle Gardin ex-sociétaire de la Comédie Française).
Mathurin romancier et académicien, a 70 ans, le physique altier et le caractère affirmé. Il est membre d’un jury littéraire. Il est adossé à ses convictions. Il incarne la tradition. Son expérience et sa maturité lui confèrent une aura naturelle. Il a décidé de ne pas regarder en arrière. Il vit sa vie nourrie par ses convictions à l’aune du temps présent.
Roxane est journaliste d’investigations dans la maturité de l’âge. Elle incarne la femme moderne, émancipée, sûre d’elle-même. Sa profession de foi « Vivre ici et maintenant, car il n’y a d’avenir qu’ici-bas, l’après, elle s’en fout, cela ne la concerne pas » Mathurin et Roxane sont clivants. A la fois relais d’informations et d’opinions, ils symbolisent des figures emblématiques de notre société.

L’enjeu : comment appréhender l’idée abstraite des affres du temps qui passe.
Sinon par l’expérience et le vécu. Comment vivre le temps qui dure et ses inéluctables conséquences : la souffrance, la vieillesse… ou l’appréhension qui suscite la fin de vie et l’après…. Ce spectacle nous renvoie à nous-mêmes et à la précarité de nos existences. Autrement dit nos convictions philosophiques ou religieuses peuvent elles nous aider à vivre et faire face à ces différents temps qui rythment l’existence ? Dans une mise en scène minimaliste qui sert d’écrin aux dialogues ciselés et rythmés menés tambour battant par deux comédiens talentueux, qui interprètent avec brio et authenticité ces deux personnages archétypiques que sont Mathurin et Roxane.

Deux acteurs sublimes pour un texte ciselé
Les deux comédiens jouent sublimement, totalement immergés dans leurs rôles, avec un naturel qui immisce immédiatement les spectateurs dans leur intimité. La voix est superbement projetée, la diction parfaite, les gestes mesurés, un régal de bout en bout.

Nul doute que Serge Sarkissian ait voulu mener la réflexion sur ‘comment appréhender l’idée abstraite de la vieillesse ou de la maladie qui peuvent nous affecter et nous renvoie en même temps à la précarité de notre condition humaine. Le théâtre étant ce lieu où l’identification devient plus facile, Serge Sarkissian réussit à passer un message à la fois clivant et dire sa conviction de chrétien sans avoir de scrupules à aborder ces questions-là.
On regrettera cependant que la réflexion ne soit pas vraiment laissée au public. Les propos de Mathurin, le revirement de Roxane, surtout en fin de pièce, frisent la caricature de la révélation religieuse enseignée aux impies.
On retiendra la construction subtile du magnifique texte de Sarkissian et l’essentiel, c’est-à-dire le diktat entretenu par l’invasion de l’électronique et le rythme infernal qu’inflige la vie moderne, qui altèrent la construction de la pensée, la sensibilité même de l’être, ou plutôt l’annihilent, mais sans nécessairement qu’en soient victimes les athées seulement.
Danielle Dufour-Verna

Danielle Dufour-Verna
Mis en ligne le Dimanche 25 Novembre 2018 à 19:04 | Lu 415 fois

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