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Ballet National de Marseille : Oberdorff, Grandville, Childs.

Abandonnant cette année l'intitulé : « Danse dans tous ses états », le BNM a présenté, fin Avril, à l'Opéra de Marseille, deux soirées de ballets comprenant des créations d'Eric Oberdorff, d'Olivia Grandville, et la reprise de Tempo Vicino de Lucinda Childs, qui avait obtenu un vif succès l'an dernier, au grand studio du boulevard Gabès (cf. DANSE N°239, Juillet 2009, p. 25).


Les Vertiges de l'Immobilité d'Eric Oberdorff

Les Vertiges de l'immobilité © BNM
Les Vertiges de l'immobilité © BNM
Donner le spectacle de danseurs mondains, en tenue de soirée, mais pieds nus, qui ne veulent plus se comporter comme les gens pressés ou affairés de nos sociétés évoluées, tel est en gros le propos de cette pièce d'Eric Oberdorff, ancien danseur des Ballets de Monte-Carlo.
Dans une scénographie de barres verticales et obliques de Bruno de Lavenere, et sur la partita en ré mineur de Jean-Sébastien Bach, les sept interprètes masculins (Thibault Amanieu, David Cahier, Julien Lestel, Marcos Marco, Thierry Vasselin, Angelo Vergari et Anton Zvir) se livrent à un flux de mouvements en spirale qui balayent l'espace, accompagnés de jetés et de dégagés, jambe d'appui pliée, réalisent des portés, des glissades, des figures d'arts martiaux qu'ils ponctuent de suspensions, d'instants d'immobilité ou de mouvements lents réalisés en cadence. La partita de Bach agit parfois comme point de repère pour le découpage dans l'espace et le temps, mais dès que son rythme s'impose aux danseurs, on assiste à une adéquation harmonieuse du mouvement des corps sur la musique.
« Rester artiste, nous dit le chorégraphe, c'est rester un observateur attentif et privilégié du monde face au flot incessant des informations ». En vérité, ces vertiges de l'immobilité correspondent le plus souvent à des vertiges de l'incertitude. . .

6 Giselles d'Olivia Grandville

6 Giselles © BNM
6 Giselles © BNM
6 Giselles, d'Olivia Grandville, ancienne danseuse du corps de ballet de l'Opéra de Paris, se présente comme une cruelle bouffonnerie inspirée par « la Folie de Giselle », ce solo de la fin du premier acte du ballet d'Adam réalisé par l'héroïne lorsqu'elle découvre la véritable identité du Prince qui la courtisait sous l'apparence d'Albert, découverte qui la conduit au délire, puis à la mort subite, après une grande scène de pantomime pathétique (reconstituée ici, dès le début, par Laurence Ponnet) où la malheureuse s'emploie à rééffeuiller une marguerite imaginaire, à désigner l'anneau des fiançailles, puis à se frapper de l'épée du Prince.
Ces six Giselle réincarnent ici la jeune paysanne à tour de rôle dans une création sonore d'Olivier Renouf, mais aussi, de manière totalement absurde, les présences de quelques personnages du ballet : Wilfride, Bathilde, Berthe, Les Willis, en dépouillant avec un sens aigu du fétichisme, une garde-robe de costumes folkloriques et de tutus qu'elles étendent sur toute la surface du plateau pour l'encombrer, vêtements qui vont servir d'enveloppe aux apparitions fugitives de quelques étoiles de la Danse dont elles investissent l'identité (Anna Pavlova, Isadora Duncan, Loïe Fuller, Martha Graham, Musidora) sur la trace des girls ou des mannequins de collection qui ont défilé bruyamment sur les pointes après le prologue!
Ensuite, toutes ces Giselle (Fanny Barrouquère, Marion Cavaillé, Agnès Lascombes, Mylène Martel, Laurence Ponnet et Marion Zurbach) finissent par se confondre dans la figure dominante de l'Hystérique qu'elles symbolisent avant de la démolir dans un grand rire salvateur.
La chorégraphie d'Olivia Granville convoque à la fois l'esthétique de la danse classique (battements, développés, échappés, entrechats) et la banalité de la marche ou de la course dans l'affairement de l'habillage et du déshabillage qui impose, à vrai dire, à ce ballet burlesque d'une demi-heure, des temps morts plutôt préjudiciables.

Tempo Vicino de Lucinda Childs

La soirée se terminait avec Tempo Vicino de Lucinda Childs. Cette pièce nous permet de retrouver avec plaisir, sur la musique répétitive de John Adams, Son of Chamber Symphony, le style post-modern de la célèbre chorégraphe américaine qui consiste à découper inlassablement l'espace de parallèles, de cercles, de diagonales toujours semblables sur lesquelles se construit un réseau serré de petits mouvements répétitifs qui semble prendre la mesure du temps qui passe. Et les évolutions élégantes des danseurs et des danseuses, dans leurs seyantes combinaisons rouge-grenat, rapides, ralenties, ou précipitées, dans une géométrie de figures complexes réalisées avec joie et énergie, continuent de susciter une émotion indéfinissable qui relève tout simplement de la perception fugitive de ce que l'Amour souffle à la Danse.

Toujours fidèle au rendez-vous, le public des abonnés de l'Opéra et des écoles de danse classique de Marseille qui s'inquiétait, ces dernières années de l'évolution de la création chorégraphique dans le système culturel actuel, a réservé un chaleureux accueil à ces deux soirées de ballets contemporains où la Danse restait questionnée dans sa spécificité et son histoire.
Philippe Oualid

pierre aimar
Mis en ligne le Mardi 27 Avril 2010 à 00:15 | Lu 1779 fois

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