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3 février au 28 juin. Vanités, de Caravage à Damien Hirst, Musée Maillol, Paris

La première exposition organisée par Patrizia Nitti, nouveau directeur du Musée Maillol, C’est la vie - Vanités de Caravage à Damien Hirst, présente environ 160 oeuvres, peintures, sculptures, photographies, vidéos, bijoux, objets (Vanité signifie dans les beaux-arts, nature morte évoquant les fins dernières, la destinée mortelle de l'homme) ...


Dans une société vide de sens...

Mosaïque polychrome romaine, Ier siècle, Pompéi
Mosaïque polychrome romaine, Ier siècle, Pompéi
Le crâne en diamants de Damien Hirst, première icône du XXIème siècle, est symptomatique du regain d’intérêt pour les Vanités qui s’introduisent dans le domaine de l'art contemporain et s'affichent partout : livres, pochettes de disques, design, bijoux...
Métaphore de l'émiettement spirituel et de l'éclatement du monde, d'une planète mondialisée en proie à la menace écologique, impuissante à contenir le bouillonnement qu'elle emprisonne, parabole de la désacralisation de la vie et de la mort dans les sociétés occidentales, cette omniprésence de la Vanité, cristallise le vide de sens d'une civilisation qui s'égare dans sa soif de contrôle. Notre société du spectacle reprend l'iconographie de la tête de mort. Même si ce thème n’a jamais cessé de hanter, de fasciner, d’interroger…des mosaïstes de Pompéï aux graveurs des danses macabres médiévales, des peintres de Vanités du XVIIe siècle aux surréalistes du XXe, des artistes du néo-Pop Art aux agents provocateurs de l’art le plus récent.
Débutant par ce foisonnement des vanités dans l’art contemporain et remontant remontant le fil du temps, à travers des oeuvres peu montrées, voire cachées par des collectionneurs célèbres, l’exposition propose un parcours singulier dans l'histoire de l’art. Elle dépasse les clichés morbides attachés à la représentation de la mort, au profit d'un hymne à la vie, d’une philosophie allègre, une tentative ultime pour repousser les limites de la vie.

Le Caravage, Zurbaran, Géricault, Cézanne

Luigi Miradori dit Genovesino, « Vanitas » © Museo Civico
Luigi Miradori dit Genovesino, « Vanitas » © Museo Civico
Le « tempus fugit » des anciens
On sait que le Néolithique pratiquait le culte des crânes, depuis la découverte d'une tête de mort aux yeux blanchis à la chaux à Jéricho, qui remonterait à 7000 av JC. Et bien qu’il soit imprudent de dater l’apparition d’une forme aussi essentielle que celle du corps mort, il semble que ce soient les Grecs, à l’époque hellénistique qui, les premiers en occident, osent tout d’un coup figurer le squelette, afin d’évoquer le passage du temps et la brièveté de la vie. Ce que l’on retrouve dans le «Tempus fugit » de Virgile et dans les saisissantes mosaïques romaines de Pompei, ici présentées.
Mais c’est la fin du Moyen Age, au XIVe et XVe siècle, qui invente les danses macabres de squelettes et les « memento mori », où le crâne à la mâchoire déboîtée figure derrière le portrait du défunt: les horreurs de la Mort Noire, jointes à la Guerre de Cent ans et à la nouvelle théologie chrétienne du « Drame de l’agonie » ont fait rejaillir la mort affreuse dans le champ de l’art.

De collective, la mort est devenue individuelle.
La Renaissance mettra pour quelque temps un terme à ce macabre. Mais le XVIIe siècle ressuscitera cette célébration dans toute sa violence. Avec Le Caravage en premier témoin, qui lie son invention du ténébrisme dans les bouges de Rome avec le réalisme morbide. Son « Saint François », tout comme ceux de Georges de la Tour en France ou de Francisco de Zurbaran en Espagne, éclaire davantage le crâne dans la main du saint que le visage de l’homme, resté dans l’ombre.
Avec l’apparition de la Nature Morte, et plus spécifiquement, de la Vanité en Hollande à la même époque, la mort envahit la peinture. Pietro Paolini glisse un crâne dans son « Saint Jérôme en méditation », et Genovesino entoure une tête de mort d’un corps d'angelot endormi. Le puritanisme du XIXe siècle ne goûtera plus guère ces débordements, et il faudra Théodore Géricault et son « Radeau de la Méduse » pour peindre «Les trois crânes » comme une nouvelle Trinité, ou Paul Cézanne en colère pour remettre le genre au goût du jour en peignant des pyramide de crânes dans son atelier.

Le «Dieu est mort» des modernes et le «S’en fout la mort » des contemporains

Cindy Sherman, « Untitled », coll. part.
Cindy Sherman, « Untitled », coll. part.
Le positivisme et l’âge industriel, qui croyaient se confondre avec le progrès, pensaient en avoir fini avec cette victoire de la mort. Mais la Grande Guerre de 1914 en rappelle toute l’acuité. Dans les années 30, face à la montée des périls, Pablo Picasso retrouve l’inspiration d’un Zurbaran pour peindre des crânes comme autant d’allégories du monde. Georges Braque, dans son « Atelier au crâne » comme grisé par « Guernica », lui emboîte le pas. Tout comme le fera beaucoup plus tard le catalan Miquel Barcelo en allant peindre des crânes au désert du Mali. Mais les massacres de la seconde guerre mondiale et la mort de Dieu annoncée par la Shoah détournent les artistes de ces représentations trop éprouvantes: la mort est redevenue collective.
Après-guerre, ni l’abstraction, ni son opposé, le Pop Art qui célèbrait la société de consommation, n’ont voulu renouer avec l’art de la mort. Andy Warhol pourtant, dans les années 70, réalise des séries de crânes roses et verts. L’on comprend alors son association avec Jean-Michel Basquiat dans les années 80, autour des gris-gris vaudouisants de ce Black Picasso.
En Allemagne, après les vanités très caravagesques de Gerhard Richter, les nouveaux fauves peignent les années Sida, Georg Baselitz, A. R. Penck et Markus Lüpertz en tête. La mort se fait prégnante dans les crânes peints bien réels du mexicain Gabriel Orozco, la « Proposition pour un portrait posthume » de Douglas Gordon, les têtes de morts recouvertes de coléoptères de Jan Fabre ou dans les grands crânes gris de Yan Pei Ming.
A l’aube du XXIe siècle, la représentation de la mort change de nature. Tout effroi évacué, le crâne et le squelette deviennent un motif, un phénomène de mode.
"S'en fout la mort disent" les années 2000.

Pratique

Fondation Dina Vierny, Musée Maillol
59-61, rue de Grenelle 75007 Paris
Tél : 01 42 22 59 58
Fax : 01 42 84 14 44
Métro : Rue du Bac
Bus : n° 63, 68, 69, 83, 83, 84
www.museemaillol.com
Horaires
L’exposition est ouverte tous les jours de 10h30 à 19h sauf les mardis et jours fériés
Prix d’entrée Tarif : 11 euros, Tarif réduit : 9 euros
Gratuit pour les – de 11 ans ou jusqu’à 10 ans

pierre aimar
Mis en ligne le Mercredi 27 Janvier 2010 à 16:47 | Lu 4680 fois

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