arts-spectacles.com
Sortir ici et a
Sortir ici et ailleurs, magazine des arts et des spectacles

Membre du Syndicat de la Presse Culturelle et Scientifique (SPCS) et de la Fédération Nationale de la Presse Spécialisée (FNPS)



Carmen de Bizet à la Fabrique Opéra d'Avignon

Prise de rôle réussie pour Valentine Lemercier


A la conquête d'un public nouveau

Valentine Lemercier © DR
Valentine Lemercier © DR
Sur le modèle du Summum à Grenoble et du Zénith à Orléans, la Fabrique Opéra d'Avignon a donné pour quatre représentations la Carmen de Georges Bizet.
Le concept est méritoire et original. Il permet de faciliter l'accès de l'opéra au plus grand nombre en intégrant à l'entreprise jeunes, lycéens (Maria Casarès, Vedène, Vincent de Paul), apprentis, étudiants d'universités ou d'écoles d'ingénieurs, et à les faire travailler sous l'encadrement d'une vraie équipe artistique.
En choisissant Carmen, l'Association ne cédait pas à la facilité. L'ouvrage qui remplit aisément les salles même dans les pires conditions, ne livre en réalité son secret, dans toute son intransigeante beauté, qu'au prix d'une rigueur absolue dans la fidélité du texte musical.
Cette rigueur, nul mieux que Vincent Fuchs au pupitre de sa juvénile phalange ne pouvait l'imposer. Bien que parfois chaloupée, plus souvent préoccupée par les pourpres et les ors de la partition (le prélude au III se moirera d'accents mahlériens bienvenus), sa direction garde toutefois une pulsion irrésistible, comme une sorte de frémissement interne.
Hélas, trois fois hélas, une sonorisation envahissante, pas toujours au point techniquement, gâchait souvent le plaisir et a fait tourner le spectacle dans une irrésistible parodie des Marx Brothers.

Le travail scénique de Fanny Gioria fait dans l'ascèse et la simplicité. Un ring, une place où personne ne vient, personne ne va, une sorte d'arène... où on comble comme on peut le manque de moyens. Inénarrable rideau de spaghettis censé figurer la montagne où beaucoup s'y mêle qui la perruque, qui le micro... soulevant bien sûr l'hilarité générale.
Conscient du défi à relever, tous y croient, c'est l'essentiel et chacun s'engage avec ferveur dans le spectacle avec un sympathique entrain.

Ce que l'oeil nous refusait, l'oreille l'a cherché.
Glissons vite sur Micaela au micro mal réglé, des chœurs sincères mais aux multiples maladresses (trop d'amateurisme tue l'amateurisme) pour mieux souligner la providentielle connivence entre Mesdames Lorrie Garcia, Marie-Nadège Barthazon (superbe contre-ut au final du II) et Messieurs Angelo Citriniti et Arnaud Delmotte qui ont fait du quintette un moment de pure perfection mozartienne.
Précédé de la pire entrée chorale jamais entendue, l'Escamillo de Fabrice Alibert, peu aidé par des effets de Larsen, conscient de la situation, sauve comme il peut les meubles dans l'air le plus niais et le plus casse-gueule du répertoire. Le monégasque trouve par contre en deuxième partie de forts beaux accents. Adrien Djouadou, vrai rival à Don José, chante un Zuniga généreux à souhait.
Très bien en place, percutant, impliqué comme pas deux (on y entend tellement de cotonneuses utilités) le Morales de Pascal Terrien crève l'écran et casse la baraque. D'une franchise vocale et musicale rares, soutenant par moment ses jeunes partenaires, on imagine sans peine le baryton niçois chanter enfin Escamillo.
Colosse enfantin, touchant dans sa balourdise, le Don José d'Olivier Montmory se montre plus à l'aise dans les éclats véristes des III et IVe actes que dans les élans lyriques du début. Un artiste à suivre.
Dans le rôle titre Valentine Lemercier soumet un mezzo clair mais généreux, coloré, aux exigences d'un jeu visiblement charnel. La jeune artiste met l'ouvrage à son répertoire, défend bec et ongle une conception musicale et vocale devant lesquelles on ne peut que s'incliner car son métier, prodigieusement sûr pour son jeune âge, lui permet de trouver d'emblée le point où la vulgarité confine au sublime.
Ni pute ni soumise avant la lettre, racée éprise de liberté, superbe panthère blonde, insouciante, lourdement sensuelle - n'oublions pas qu'en Allemagne le grand Fritz Reiner ne voulait diriger l'ouvrage que si le metteur en scène faisait des cigarières de vraies filles de joie ! - sa mort fait penser irrésistiblement à celle de la Lulu de Berg. Deux passions se consumant dans un meurtre.
Pour Valentine et quelques autres on pouvait quitter la FabricA un tantinet heureux en espérant que pour le prochain spectacle certains défauts techniques soient résolus.
Christian Colombeau

Représentation du samedi 14 avril 2018
Prochaines représentations : 20 et 21 avril 2018
www.lafabriqueopera-provence.com

Christian Colombeau
Mis en ligne le Lundi 16 Avril 2018 à 11:52 | Lu 671 fois

Nouveau commentaire :


Dans la même rubrique :
1 2 3 4 5 » ... 40

Festivals | Expositions | Opéra | Musique classique | théâtre | Danse | Humour | Jazz | Livres | Cinéma | Vu pour vous, critiques | Musiques du monde, chanson | Tourisme & restaurants | Evénements | Téléchargements