Yves Klein / Claude Parent - Le mémorial, Projet d'architecture, Espace de l'Art Concret, Mouans-Sartoux, du 31 mars au 25 août 2013

L'Espace de l'Art Concret organise à partir du printemps 2013 deux expositions autour de l'architecture. Le premier volet est consacré à la collaboration entre Claude Parent et Yves Klein.


Architecte, dessinateur, polémiste, académicien, Claude Parent n’a cessé durant sa carrière de proposer des lieux de contradiction générateurs de doute, excluant toute passivité face à l’architecture. Depuis la Maison Drusch (1963) jusqu’au projet pour le Musée du Prado (1995), il s’est attaché à instaurer la discontinuité par le basculement des volumes et la fracture du plan. Il met en place un nouveau langage porté par une grande inspiration utopique.

Dès le début des années 1950, il multiplie les collaborations et adhère au groupe Espace, qui défend une nouvelle synthèse des arts. De sa rencontre, en 1963, avec Paul Virilio naîtra le groupe Architecture Principe (1963-68). Paul Virilio et Claude Parent imaginent le concept de « fonction oblique » cherchant ainsi à redéfinir nos espaces de vie en édifiant des bâtiments perturbateurs, aux sols et aux murs inclinés. Avec l’intervention de la « fonction oblique », Parent devient l’un des plus importants utopistes sociaux dans l’histoire récente de l’architecture.

Entre 1959 et 1961, Claude Parent collabore à plusieurs reprises avec Yves Klein sur des projets d’architectures de l’air – expériences fondatrices qui influenceront profondément ses recherches sur l’espace.

Après la disparition prématurée de l’artiste en 1962, sa mère et son épouse sollicitent Parent pour un projet de mémorial à Saint-Paul-de-Vence (1964-65). Prévu sur un terrain à Saint-Paul-de-Vence, ce monument commémoratif était dédié à la mémoire d’«Yves le Monochrome ». L’ œuvre interprète architecturalement les thèmes favoris de Klein en prenant la forme d’un parcours initiatique, intuitif et sensoriel, qui s’élève sur trois niveaux reliés entre eux au sein d’une enceinte carrée, lieu sacré où le temps est comme suspendu.

A travers une sélection de dessins et la présentation d’une maquette, l'exposition s'attache à illustrer cette collaboration entre l'architecte et le peintre et le travail autour de l'espace cher aux deux artistes.

Commissariat : Fabienne Fulchéri et Eric De Backer, assistés de Claire Spada
Un second volet proposera l’exposition «Rêves d’architecture» du 11 mai au 20 août 2013.

La seconde demeure d’Yves Klein / Claude Parent

Ce projet se gardant de reconstruire et pétrifier les thèmes de l’artiste, vise plutôt à une interprétation architecturale de sa pensée dans ce qu’elle propose de plus fondamental.

Il s’agit de réaliser sur trois niveaux un parcours continu, enchaînant des espaces différenciés, parcours ponctué d’éléments cylindriques visant les trois directions de l’espace.

Ces tubes de béton par leurs positions propres visent à illustrer pour le visiteur le vide, l’immatériel, le monochrome, la cosmogonie par la simple découpe du ciel de Nice.

En effet grâce au positionnement différent de ces capteurs de l’infini, la perception visuelle du bleu est différente :
La diagonale donne la vision atmosphérique
La verticale au-dessus de la tête du visiteur suggère l’immatériel
L’horizontale pousse au vide du bleu de Klein
La verticale inversée nous entraine vers la mort : le CI-GIT.
Cette dernière direction plongeante nous conduit à l’exploration de l’espace cryptique et répond en négatif à l’élévation verticale vers l’immatériel.

Toutes ces visions verticales, horizontales, inclinées à 45°, s’enchainent dans un chemin très étroit où le visiteur se présente seul, debout, isolé dans le rêve d’Yves Klein. Pour mieux cerner cette solitude nécessaire, le cheminement sera fait de la poudre du pigment bleu IKB protégé par des plaques de verre transparent : seule présence du bleu Klein dans le projet, confronté aux bleus du ciel de Nice auxquels Yves Klein fait (dans ses textes) toujours allusion au titre d’une référence fondamentale. C’est dans cette confrontation essentielle de l’oeuvre ; de la pensée de l’artiste et de la nature, c’est dans cette découpe sur le ciel des trois directions du projet de mausolée que l’architecture proposée espère exprimer la certitude de la survivance d’Yves Klein si ancrée dans le coeur de ses amis.
Texte de Claude Parent issu du dossier original sur le projet architectural du mémorial Yves Klein.
Claude Parent Mémorial à Yves Klein, 1964 © Pierre Bérenger

Yves Klein, 1928, Nice - Paris, 1962

Le travail d'Yves Klein repose sur un équilibre dynamique entre deux pôles : le visible et l'invisible, la matière et le vide, la chair et l'immatériel. Cette tension est au cœur de son œuvre : tout en explorant la non matérialité au point d'exposer Le Vide (Galerie Iris Clert, Paris 1958), Yves Klein continuera à créer des œuvres visibles.

Yves Klein se dirige d’abord vers une carrière de judoka qui le conduit au Japon. Sa grande dévotion pour la philosophie et la pratique de cet art martial asiatique — il étudie pendant quinze mois au fameux Institut Kôdôkan de Tokyo — a une influence décisive sur sa conception de l'art. Le judo kôdôkan s'inspire du Zen et recherche l'union de l'esprit et du corps, une pure réceptivité, un état de vide et d'harmonie totale avec l'existence. De plus, Klein s’intéresse très tôt à l'enseignement ésotérique de l'Ordre Rose-Croix. L'intérêt profond qu'il a toute sa vie ressenti pour le rituel, l'immatérialité et le vide ne découle pas d'une affiliation à un dogme religieux précis mais reflète plutôt sa préoccupation pour les questions spirituelles.

La première apparition officielle de Klein en tant qu'artiste plastique se produit en 1955, avec la présentation de son monochrome Expression de l'univers de la couleur mine orange au Salon des Réalités Nouvelles. Le Salon refuse la peinture au motif qu'une seule couleur ne suffit pas à créer une peinture. Refusant toute modification, Klein radicalise sa position en supprimant toute signature sur la surface de ses monochromes ultérieurs.

Lors de sa première exposition à la galerie Colette Allendy, en 1956, où il présente une série de « propositions monochromes » de diverses couleurs, un débat lui fait comprendre que les amateurs ont tendance à considérer la « polychromie décorative » qui se dégage de l’ensemble, au lieu de concentrer leur attention sur chaque « proposition » singulière. C’est pourquoi il réalise une série de tableaux de même format et surtout du même bleu outremer pour sa première exposition en Italie, Proposte monocrome, epoca blu (Galleria Apollinaire, Milan, 1957).

Utilisant des rouleaux à la place de pinceaux, afin d'éliminer toute trace de la main de l'artiste dans l'application de peinture, Klein met au c œur de son œuvre la couleur, véritable « sensibilité matérialisée ». Il cherche avant tout à créer non pas des plans mais des champs de couleurs vibrants qui se déploient dans l’espace afin que le spectateur se submerge dans l'espace infini de la couleur pour expérimenter une sensibilité accrue envers l'immatériel.

Klein attribue un rôle à part à la couleur bleue, qui incarne pour lui les motifs les plus abstraits de la nature tangible et visible : le ciel et la mer. Longtemps en quête d'un bleu qui conserve la luminosité originelle du pigment, il trouva enfin l'IKB (le Bleu Klein International) : un bleu outremer profond que Klein mit au point avec l'aide d'un ami chimiste et qu'il fit ensuite breveter. Associé à l’or et au rose, il participe à une nouvelle trilogie des couleurs, toute personnelle et qui se distingue des trois primaires (bleu, rouge, jaune) élevées au rang de symbole de la modernité picturale par les avantgardes historiques.

Outre des monochromes, Yves Klein réalisa des Sculptures éponges, le plus souvent gorgées de bleu, véritables portraits des lecteurs de ses tableaux qui, immergés dans la couleur, en revenaient, selon ses propres termes, « imprégnés en sensibilité comme des éponges ».

Parmi ses œuvres les plus fascinantes se trouvent également les Anthropométries, empreintes corporelles de couleur bleue, rose ou or que les « pinceaux vivants » (des modèles féminins et parfois masculins, seuls, en couple ou en groupe) laissent sur des toiles et des papiers grand format.

Dans les Cosmogonies, Klein capture sur la toile les traces du vent et de la pluie, et poursuit ses expérimentations avec les éléments naturels, dont fait partie son dernier groupe d'œuvres baptisé Peintures de feu. Ces œuvres, qui s'intéressent aux phénomènes passagers et universels, sont nées d'actions spectaculaires et, comme les Anthropométries, révèlent l'importance que Klein accordait à l'action. Les œuvres ici exposées sont aussi des reliques, car, comme le disait Klein lui-même : « Mes tableaux sont les 'cendres' de mon art ».

Klein a documenté très tôt ses expositions et ses manifestations par des films qu’il faisait tourner par des amis cameramen. Il utilisa aussi le texte pour promouvoir ses œuvres, expliquer ses intentions ou diffuser ses idées.

Sources :
- Emission de France Culture Yves Klein (1928-1962) par Matthieu Garrigou-Lagrange, 2012 - Une vie, une œuvre
- Denys Riout Yves Klein. Manifester l’immatériel, 2004. 205 p / français. Collection "Arts et artistes". Gallimard, Paris
- Yves Klein. Corps, couleur, immatériel. Catalogue d'exposition. Sous la direction de Camille Morineau, 2006. 320 p / français. Centre Georges Pompidou, Paris
- Denys Riout, Yves Klein, l'aventure monochrome, 2006 / français. Collection Découvertes, n°494. Gallimard, Paris

Renseignements pratiques

Espace de l’Art Concret
Château de Mouans
06370 Mouans-Sartoux
Tel : 00 33 (0)4 93 75 71 50 - Fax :00 33 (0)4 93 75 88 88
www.espacedelartconcret.fr

Ouverture :
Horaires d’hiver, du 1er septembre au 30 juin, du mercredi au dimanche, de 12h à 18h
Horaires d’été, du 1er juillet au 31 août, tous les jours, de 11h à 19h
Visite de groupes, sur rendez-vous, tous les jours de 10h à 18h
Tarifs:
Individuel
7 euros : Toutes les entrées individuelles
3,5 euros : Enseignants et étudiants hors académie de Nice-Var


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Pierre Aimar
Mis en ligne le Jeudi 14 Mars 2013 à 18:33 | Lu 989 fois
Pierre Aimar
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