Pool Art Fair Guadeloupe 2025 © DR
Guadeloupe ! Les enjeux d’une scène artistique très dynamique
Depuis plusieurs années la scène guadeloupéenne est de plus en plus active.
Des parcours majeurs pour le territoire comme ceux de Michel Rovelas, Joël Nankin ou encore Philibert Yrius sont aujourd’hui relayés par une génération d’artistes connectés comme Kelly Sinnapah Mary, Minia Biabiany ou encore Elladj Lincy Deloumeaux. Des figures de la scène guadeloupéenne aux carrières internationales tels que les artistes Antoine Nabajoth, Jean-Marc Hunt, Thierry Alet ou Joëlle Ferly quant à eux contribuent largement à nourrir un écosystème artistique dont la vitalité est remarquée dans de nombreuses manifestations locales et internationales depuis les années 1990/2000. On peut citer les expositions Rites et Kreyol Factory à la Villette, le cycle d’expositions Latitudes à la mairie de Paris, Caribean Crossroads of the World à New York (Studio Museum, El Museo del Dario, The queens Museum) et à Miami (Perez Art Museum). Les publications telles que Cimaise, Revue Noire ou Small Axe.
Ces dix dernières années, des galeries comme T&T Art Contemporain, Creolitan Gallery, Kreol West Indies, l’Artocarpe ou l’Art s’En Mêle, des festivals comme Art BMao ou Bleu outremer, des expositions marquantes comme OMA /Outre-Mer Art en 2011 à l’Orangerie du Sénat Paris, Numéris Clausus 2021 à la Fondation Clément en Martinique ou encore tout récemment Paris Noir au centre Georges Pompidou à Paris, ont participé à la visibilité des oeuvres de nombreux artistes de Guadeloupe.
Sur le territoire, les institutions comme le Mémorial ACTe, le Musarth, le Fonds d’Art Contemporain sont devenus en dix ans des lieux privilégiés pour rendre compte d’une scène de plus en plus foisonnante. La Pool Art Fair, à la fois salon d’artistes et manifestation culturelle, gagne chaque année en notoriété et contribue ainsi à développer la filière des arts visuels.
En 2022, le pacte en faveur des artistes et de la culture ultramarine a été cosigné par les ministres de la Culture et des Outre-mer. Sans nul doute il a permis de réelles avancées en termes de visibilité pour les artistes, mais aujourd’hui comment cette politique en faveur des Outre-mer se renouvelle-t-elle ? Comment cette scène artistique de la Caraïbe Française peut-elle renforcer sa contribution au monde de l’art.
Cette table ronde permettra d’aborder la réalité de la scène guadeloupéenne tant sur son territoire que sa présence sur la scène internationale et sa dimension diasporique.
Des parcours majeurs pour le territoire comme ceux de Michel Rovelas, Joël Nankin ou encore Philibert Yrius sont aujourd’hui relayés par une génération d’artistes connectés comme Kelly Sinnapah Mary, Minia Biabiany ou encore Elladj Lincy Deloumeaux. Des figures de la scène guadeloupéenne aux carrières internationales tels que les artistes Antoine Nabajoth, Jean-Marc Hunt, Thierry Alet ou Joëlle Ferly quant à eux contribuent largement à nourrir un écosystème artistique dont la vitalité est remarquée dans de nombreuses manifestations locales et internationales depuis les années 1990/2000. On peut citer les expositions Rites et Kreyol Factory à la Villette, le cycle d’expositions Latitudes à la mairie de Paris, Caribean Crossroads of the World à New York (Studio Museum, El Museo del Dario, The queens Museum) et à Miami (Perez Art Museum). Les publications telles que Cimaise, Revue Noire ou Small Axe.
Ces dix dernières années, des galeries comme T&T Art Contemporain, Creolitan Gallery, Kreol West Indies, l’Artocarpe ou l’Art s’En Mêle, des festivals comme Art BMao ou Bleu outremer, des expositions marquantes comme OMA /Outre-Mer Art en 2011 à l’Orangerie du Sénat Paris, Numéris Clausus 2021 à la Fondation Clément en Martinique ou encore tout récemment Paris Noir au centre Georges Pompidou à Paris, ont participé à la visibilité des oeuvres de nombreux artistes de Guadeloupe.
Sur le territoire, les institutions comme le Mémorial ACTe, le Musarth, le Fonds d’Art Contemporain sont devenus en dix ans des lieux privilégiés pour rendre compte d’une scène de plus en plus foisonnante. La Pool Art Fair, à la fois salon d’artistes et manifestation culturelle, gagne chaque année en notoriété et contribue ainsi à développer la filière des arts visuels.
En 2022, le pacte en faveur des artistes et de la culture ultramarine a été cosigné par les ministres de la Culture et des Outre-mer. Sans nul doute il a permis de réelles avancées en termes de visibilité pour les artistes, mais aujourd’hui comment cette politique en faveur des Outre-mer se renouvelle-t-elle ? Comment cette scène artistique de la Caraïbe Française peut-elle renforcer sa contribution au monde de l’art.
Cette table ronde permettra d’aborder la réalité de la scène guadeloupéenne tant sur son territoire que sa présence sur la scène internationale et sa dimension diasporique.
La création antillaise : la nouvelle avant-garde française
Comment la scène guadeloupéenne résonne-t-elle avec le dialogue artistique mondial ?
“La foire Art Basel Paris 2024 est révélatrice d’une vitalité en berne de la scène artistique française, qui peine à jouer un rôle de premier plan à l’international” titrait l’Œil dans son numéro 779, consacré au marché de l’art.
À l’heure où la scène artistique mondiale connaît un profond renouvellement, les expressions issues des Outre-mer et particulièrement de la Guadeloupe, apparaissent comme un souffle vital pour la création française. Dans un paysage marqué par la mondialisation, la circulation des imaginaires et les questionnements identitaires, l’art caribéen porte une parole singulière : telle une fenêtre ouverte sur le monde et ancrée dans une mémoire qui dépasse le littoral de ses eaux cristallines.
Le constat est clair, la scène artistique française reste perçue comme institutionnelle et est en retrait sur le marché global. La plupart des artistes français ne dépassent pas le top 100 des ventes (bilan Artprice 2023) tandis que dominent les artistes américains, britanniques ou allemands ou encore que la scène africaine s'affirme comme une valeur montante.
Souvent en marge des grands événements institutionnels, mais riches d’une création plus spontanée et viscérale, les artistes des Antilles, eux, s’inscrivent pleinement dans les débats qui agitent notre époque. Leur force réside dans la liberté plastique et non académique de leurs œuvres : par les thèmes abordés, les couleurs (vives, intenses), les médiums (la dominance de la peinture) qui résonnent avec les enjeux contemporains : les mixités, la mémoire, l’héritage postcolonial, la quête d’identité ou encore les enjeux environnementaux subis par ces territoires (Chlordécone, Sargasse, etc.).
Leur vitalité fait écho à la scène africaine et celle issue de la diaspora. L’exemple du portrait est révélateur de cette dynamique. Ce genre pictural connaît un spectaculaire retour depuis quelques années, porté par des artistes comme Kehinde Wiley (US) ou encore Amoako Boafo (Ghana), figures emblématiques d’une nouvelle génération afrodescendante qui revisite la représentation du corps noir. En Guadeloupe, ce genre est partout, de la rue à la toile et ne cesse de nourrir de nouveaux talents. Qu’elle soit hyper-réaliste ou plus expressive, la question de la représentation de la figure humaine s’affirme sans détours. Samuel Gelas, Steek, Steve Vérin ou Kelly Sinnapah Mary (artiste émergente sur la scène internationale), témoignent de cette pratique figurative. Ces visages interpellent, perturbent parfois, mais surtout révèlent de nouvelles sensibilités, de nouveaux modèles de représentation. Ils traduisent aussi l’émergence d’une nouvelle génération de collectionneurs et d’amateurs d’art, sensibles à des récits dans lesquels ils se reconnaissent enfin.
Face aux États-Unis, toujours leaders et à la scène africaine en pleine ascension, les artistes guadeloupéens et martiniquais se situent à la croisée de ces blocs. Leur histoire, à l’instar de l'œuvre de Maryse Condé, née de l’intime guadeloupéen et dont l’universalité a été reconnue par le prix Nobel, ouvre la porte à quelque chose de plus grand. Leurs œuvres s’inscrivent dans une dialectique évidente avec les sujets contemporains postcoloniaux. Ainsi, Thierry Alet, avec La Voleuse d’enfant (exposition permanente, MACTe, Pointe-à-Pitre) fait dialoguer histoire personnelle, passé colonial et Code noir dans une esthétique contemporaine proposant une réponse alternative à l’héritage de l’esclavage.
Avec cet autre regard, la scène artistique antillaise lève le voile sur notre monde actuel où les narrations ne passent plus exclusivement par le prisme occidental.
Car le basculement est là. Les récits et les esthétiques issus de ces horizons longtemps considérés comme périphériques s’imposent désormais au cœur du discours mondial. Les artistes des Antilles s’inscrivent pleinement dans ce tournant et pourraient offrir à la France une plus-value artistique et symbolique majeure; la possibilité d’une création plurielle, traversée par l’histoire et à l’avant-garde des questions de demain.
Lyne Kaczmarek
Historienne de l’art
Consultante, spécialiste art contemporain Guadeloupe/Martinique
“La foire Art Basel Paris 2024 est révélatrice d’une vitalité en berne de la scène artistique française, qui peine à jouer un rôle de premier plan à l’international” titrait l’Œil dans son numéro 779, consacré au marché de l’art.
À l’heure où la scène artistique mondiale connaît un profond renouvellement, les expressions issues des Outre-mer et particulièrement de la Guadeloupe, apparaissent comme un souffle vital pour la création française. Dans un paysage marqué par la mondialisation, la circulation des imaginaires et les questionnements identitaires, l’art caribéen porte une parole singulière : telle une fenêtre ouverte sur le monde et ancrée dans une mémoire qui dépasse le littoral de ses eaux cristallines.
Le constat est clair, la scène artistique française reste perçue comme institutionnelle et est en retrait sur le marché global. La plupart des artistes français ne dépassent pas le top 100 des ventes (bilan Artprice 2023) tandis que dominent les artistes américains, britanniques ou allemands ou encore que la scène africaine s'affirme comme une valeur montante.
Souvent en marge des grands événements institutionnels, mais riches d’une création plus spontanée et viscérale, les artistes des Antilles, eux, s’inscrivent pleinement dans les débats qui agitent notre époque. Leur force réside dans la liberté plastique et non académique de leurs œuvres : par les thèmes abordés, les couleurs (vives, intenses), les médiums (la dominance de la peinture) qui résonnent avec les enjeux contemporains : les mixités, la mémoire, l’héritage postcolonial, la quête d’identité ou encore les enjeux environnementaux subis par ces territoires (Chlordécone, Sargasse, etc.).
Leur vitalité fait écho à la scène africaine et celle issue de la diaspora. L’exemple du portrait est révélateur de cette dynamique. Ce genre pictural connaît un spectaculaire retour depuis quelques années, porté par des artistes comme Kehinde Wiley (US) ou encore Amoako Boafo (Ghana), figures emblématiques d’une nouvelle génération afrodescendante qui revisite la représentation du corps noir. En Guadeloupe, ce genre est partout, de la rue à la toile et ne cesse de nourrir de nouveaux talents. Qu’elle soit hyper-réaliste ou plus expressive, la question de la représentation de la figure humaine s’affirme sans détours. Samuel Gelas, Steek, Steve Vérin ou Kelly Sinnapah Mary (artiste émergente sur la scène internationale), témoignent de cette pratique figurative. Ces visages interpellent, perturbent parfois, mais surtout révèlent de nouvelles sensibilités, de nouveaux modèles de représentation. Ils traduisent aussi l’émergence d’une nouvelle génération de collectionneurs et d’amateurs d’art, sensibles à des récits dans lesquels ils se reconnaissent enfin.
Face aux États-Unis, toujours leaders et à la scène africaine en pleine ascension, les artistes guadeloupéens et martiniquais se situent à la croisée de ces blocs. Leur histoire, à l’instar de l'œuvre de Maryse Condé, née de l’intime guadeloupéen et dont l’universalité a été reconnue par le prix Nobel, ouvre la porte à quelque chose de plus grand. Leurs œuvres s’inscrivent dans une dialectique évidente avec les sujets contemporains postcoloniaux. Ainsi, Thierry Alet, avec La Voleuse d’enfant (exposition permanente, MACTe, Pointe-à-Pitre) fait dialoguer histoire personnelle, passé colonial et Code noir dans une esthétique contemporaine proposant une réponse alternative à l’héritage de l’esclavage.
Avec cet autre regard, la scène artistique antillaise lève le voile sur notre monde actuel où les narrations ne passent plus exclusivement par le prisme occidental.
Car le basculement est là. Les récits et les esthétiques issus de ces horizons longtemps considérés comme périphériques s’imposent désormais au cœur du discours mondial. Les artistes des Antilles s’inscrivent pleinement dans ce tournant et pourraient offrir à la France une plus-value artistique et symbolique majeure; la possibilité d’une création plurielle, traversée par l’histoire et à l’avant-garde des questions de demain.
Lyne Kaczmarek
Historienne de l’art
Consultante, spécialiste art contemporain Guadeloupe/Martinique