Philippe Favier se démarque par une recherche plastique singulière et en constante évolution. Imprégné d’un imaginaire nourri par la photographie, le cinéma et la poésie, son travail puise aussi bien dans les scènes du quotidien que dans le répertoire de l’histoire de l’art. Sa pratique s’appuie également sur une collecte continue d’objets anciens, qu’il transforme et réinvente dans ses œuvres.
Philippe Favier © Cyrille Cauvet
Le monde du Parfait
« Évoquer la perfection nous conduit illico vers l'incontournable Giotto. À quelques mois près, nous aurions pu tout autant solliciter Grouès. Ce dernier, plus ambigu que bigot, déclarait entre deux pince-fesses : "Il ne faut pas attendre d'être parfait pour commencer quelque chose de bien". Face à tout ce cirque, Favier, coutumier des buissonnières et peu boulversé par la perfection, ira dénicher le Parfait là où il reste vain de briller. Les souvenirs - en art et en cuisine - envahissent les discours, passage obligé ou flemme de l'imaginaire, ils semblent conférer au présent une sorte d'immunité, voir d'impunité, qu’une légitimité pourtant discutable leur octroie de fait.
Alors allons-y...
« Évoquer la perfection nous conduit illico vers l'incontournable Giotto. À quelques mois près, nous aurions pu tout autant solliciter Grouès. Ce dernier, plus ambigu que bigot, déclarait entre deux pince-fesses : "Il ne faut pas attendre d'être parfait pour commencer quelque chose de bien". Face à tout ce cirque, Favier, coutumier des buissonnières et peu boulversé par la perfection, ira dénicher le Parfait là où il reste vain de briller. Les souvenirs - en art et en cuisine - envahissent les discours, passage obligé ou flemme de l'imaginaire, ils semblent conférer au présent une sorte d'immunité, voir d'impunité, qu’une légitimité pourtant discutable leur octroie de fait.
Alors allons-y...
Philippe Favier © Cyrille Cauvet
Ma grand-mère n'aimait pas ma mère, elle aurait tellement préféré que son fils épousât la fille du quincailler qu'il avait engrossée entre deux tournées. Mon père rêvait d'un autre monde où seule la terre serait ronde, loin de tous ces villages et des rêves étouffés. Des années plus tard, je fus contraint de passer tout un été avec ces grands-parents-là et j'ai pu mesurer combien l'absence d'amour était tenace.
On m'avait logé dans un espace qui n’avait rien d’une chambre, ce lieu n’avait jamais connu la tendresse, sauf peut-être un peu d’onanisme. Il servait de garde-manger et il était tout-à-fait possible d’y cacher un otage ou un petit-fils.
Avant cette pension complète, nous venions chaque année en famille fêter quelque chose. Personne ne semblait savoir quoi, le côté festif échappait à tous, les non-dits distillant un équitable ennui. En Auvergne, un malheur n’arrive jamais seul, après un saucisson-brioché un peu sec et les haricots du jardin, ma mère, pompette après ses deux Clairette, entonnait un Nooooon rienderien... déchirant; j’étais plutôt gêné de voir autant sa glotte.
On m'avait logé dans un espace qui n’avait rien d’une chambre, ce lieu n’avait jamais connu la tendresse, sauf peut-être un peu d’onanisme. Il servait de garde-manger et il était tout-à-fait possible d’y cacher un otage ou un petit-fils.
Avant cette pension complète, nous venions chaque année en famille fêter quelque chose. Personne ne semblait savoir quoi, le côté festif échappait à tous, les non-dits distillant un équitable ennui. En Auvergne, un malheur n’arrive jamais seul, après un saucisson-brioché un peu sec et les haricots du jardin, ma mère, pompette après ses deux Clairette, entonnait un Nooooon rienderien... déchirant; j’étais plutôt gêné de voir autant sa glotte.
Philippe Favier © Cyrille Cauvet
Il me fallu attendre quatorze années - soit 5 mètres 40 de saucisses - pour qu'au hasard de ce séjour punitif, je découvris que cette grand-mère sèche et revêche concoctait en secret de voluptueuses confitures... d'abricots ! L'idée de m'en offrir ne sembla jamais l'effleurer et ce n'est que par le larcin que j'accédais à ces délices du haut-placard. Du même coup, je mis le doigt sur une autre découverte encore plus émouvante et plus pérenne. Je me surpris au fil de ces nuits de monte-en-l'air, à guetter, le cœur battant, le petit pet fleuri qui ne manquait pas de s'échapper quand j’arrivais, avec mes doigts un peu gourds à pincer et tirer l'épais caoutchouc orange qui l’air de rien, soudait temporairement ces bocaux. La volupté n'était plus très loin et en trempant mon index dans la confiote, je serrais tellement fort le précieux bocal entre mes jambes, qu'un fugace "LE PARFAIT" s'imprimait inversé sur une de mes cuisses. »
Philippe Favier
Sainte-Sigolène, le 14 juillet 2025
Philippe Favier
Sainte-Sigolène, le 14 juillet 2025
Info+
Philippe Favier
Andormi
18 septembre - 1er novembre 2025
Vernissage le 18 septembre 2025, à partir de 18h
Galerie Ceysson & Bénétière
21, rue Longue
69 001 Lyon
Andormi
18 septembre - 1er novembre 2025
Vernissage le 18 septembre 2025, à partir de 18h
Galerie Ceysson & Bénétière
21, rue Longue
69 001 Lyon