Les émigrés de Slawomir Mrozek, Création, 20 au 29 janvier 2011 au théâtre du Chêne Noir, Avignon

Gérard Gelas s’attaque à Mrozek, avec Les émigrés : un texte fort et impliqué, qui constitue une fable universelle aux résonances très contemporaines.
Aux côtés de Pierre Santini, il a choisi Joël Cantona, qui pour ses premiers pas sur scène, incarne avec émotion l’un de ces déracinés en quête d’identité.


Déracinement, identité, altérité….
Avec Les émigrés (1974), Mro?ek interroge la schizophrénie qui s’est glissée insidieusement entre notre carte d’identité, si l’on en possède une, et notre identité d‘être humain, soumise aux bouleversements et aux déplacements - géographique, culturel, psychologique, géo politique- de notre post-modernité.
Ainsi désormais, universellement, sommes-nous tous des déracinés. Le souffle des bourses, les intérêts des puissants ont envoyé les peuples chez d’autres peuples chercher du travail, partager le rêve universel du bien-être, de la surconsommation et de l’enrichissement…
Les images déversées par les médias ont déraciné l’amour du coeur des amants, pour se répandre dans le nuage Internet comme autant de promesses pornographiques. Serions-nous devenus universellement déracinés de nous-mêmes?
Des émigrés de notre propre identité ? Avec Mrozek nous retrouvons deux de ces déracinés un soir de Réveillon, à l’heure où tous «les autres» trinquent et ripaillent, fêtant joyeusement la nouvelle année.

Un sous-sol les abrite, quatre murs «gris, sales, lépreux, avec de grandes tâches ».
Un entre-deux, entre l’oubli des entrailles et la lumière des verticalités. Un no man’s land où deux êtres s’étiolent. L’un a fui son pays, sans doute pour des raisons politiques. C’est un intellectuel, prisonnier de ses propres jeux conceptuels, et rêvant un livre où serait démonté tous les mécanismes qui asservissent l’homme moderne. L’autre s’est exilé pour gagner le peu d’argent que l’on octroie à ceux qui creusent les tranchées, construisent les immeubles et les usines.
En quelque sorte, la parodie de l’intellectuel et de l’ouvrier réunis par Madame la Misère, comme disait Léo Ferré. Et ces deux-là ont beaucoup de choses à nous apprendre sur nous-mêmes…
Nous, qui sommes à la fois capables d’expliquer tous les mécanismes de l’oppression, mais sans jamais vraiment nous y opposer.
Nous, sages travailleurs de l‘abnégation, du fatalisme et de la résignation, échangeant contre grâce ou pécule notre force de travail, en rêvant trouver un jour les conditions du bonheur…
Un mouvement incessant, une dialectique entre ces deux déracinés, émigrés d’eux-mêmes, qui va de la remise en cause de l’ordre existant à son acceptation résignée.
Si le rituel organisé par Mrozek s’effectue dans un moment de réveillon, c’est qu’encore il s’agit là d’un entre-deux. Une parenthèse -une suspension pendant laquelle les oubliés de la société le sont encore plus, et où les autres - ceux de la lumière- s’oublient eux aussi dans l’ivresse de leurs voeux alcoolisés.
D’un sous-sol, d’une cave où logent habituellement les rats, deux hommes se débattent. Comme nous ?


Les émigrés de Slawomir Mrozek
Mise en scène Gérard Gelas
Avec Joël Cantona et Pierre Santini
Création Chêne Noir
Spectacle créé au Théâtre Mouffetard à Paris en novembre 2011

Jeudi 26 à 19h
Vendredis 20 et 27 à 20h
Samedis 21 et 28 à 20h
Dimanches 22 et 29 à 16h

THÉÂTRE DU CHÊNE NOIR
8 bis, rue Sainte Catherine 84000 Avignon
Tel : 04 90 86 58 11 / fax : 04 90 85 82 05
contact@chenenoir.fr
www.chenenoir.fr

Pierre Aimar
Mis en ligne le Lundi 5 Septembre 2011 à 20:44 | Lu 832 fois
Pierre Aimar
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