La Voix Humaine de Francis Poulenc et Jean Cocteau au Théâtre Toursky, par Nicolas de Staehl

Prendre un Tgv gare de Lyon et une nuit d’hôtel sur le vieux port pour retrouver la magie de la cité phocéenne et la programmation de grande qualité du Toursky en vaut la chandelle…


La Voix humaine © Juliette Péretié
Il faut dire que le directeur et fondateur du théâtre Toursky, l’un des phares culturels de phocée, Richard Martin a eu la riche idée de programmer pour une représentation cette production de la voix humaine, pièce de théâtre écrite en 1930 par Jean Cocteau pour Berthe Bovy, sociétaire de la Comédie française puis adaptée sous la forme d’une tragédie lyrique par le compositeur et pianiste Francis Poulenc en 1958 offrant une musique qui suit au millimètre le texte de Cocteau, où chaque mot, chaque note, formidablement réalisés ont leur importance.

La production présentée au Toursky hier soir est une voix humaine version piano que le compositeur donnait parfois avec sa muse Denise Duval à laquelle s’ajoute la Dame de Monte-Carlo mis en musique par Poulenc en 1961 évoquant la jalousie hystérique et le désespoir d’une courtisane de la Riviera qui constitue un exquis prélude à l’une des œuvres majeures de Poulenc.

Les femmes de Cocteau incarnent souvent des ombres, des ombres d’elles-mêmes qui brûlent de ne pouvoir toucher, caresser, frapper l’homme qui leur impose l’insupportable. La mise en scène sobre et efficace dans une scénographie dépouillée de Juliette Mailé trouve en Caroline Casadesus, belle et profondément émouvante la figure idéale de cette amoureuse fragile, apeurée et fébrile.
Cette mise en scène sans artifice d’un dialogue à une voix laisse surgir l’intériorité du personnage, son angoisse et le vertige du gouffre.

Une femme, un téléphone tel un miroir, un amant à l’autre bout du fil qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas. Une rupture. Elle l’aime, il ne l’aime plus. Il le lui dit à distance, trop lâche sans doute pour lui dire en face. Elle refuse, elle acquiesce, elle se bat, elle renonce. Caroline Casadesus incarne cette femme au bord du drame. Elle joue avec les ruptures du texte. Les silences sont habités et ses envolées lyriques la révèlent saisissante de justesse. Sensuelle et animale, elle vit la tragédie de l’abandonnée lui offrant une diction perlée vibrante de chair et de déchirures.

Le pianiste Jean-Chistophe Rigaud fait corps avec sa formidable comédienne–chanteuse. Il égrène avec sensibilité les notes de Poulenc sur son clavier. Les deux premières gnossiennes de Satie jouées à la fin de La Dame de Monte-Carlo offrent des respirations musicales nécessaires avant d’écouter l’une des œuvres les plus denses émotionnellement du répertoire français. En bis, ils nous offrent avec la troisième gnossienne de Satie la trop rare Dame de cœur. Une superbe découverte !

Caroline Casadesus rejoint les plus grandes interprètes du rôle telles Denise Duval, Felicity Lott ou plus proche de nous Stéphanie d’Oustrac et Mireille Delunsch. Ce spectacle-là mériterait d’être programmée sur toutes les grandes scènes françaises et européennes…
Merci à Richard Martin et son équipe de pouvoir proposer de telles soirées à Marseille sur les bords de la Méditerranée !
Nicolas de Staehl

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 19 Février 2014 à 17:43 | Lu 697 fois
Pierre Aimar
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