Don Giovanni ou Mozart tagué, festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence. Par Jacqueline Aimar

Ainsi Dmitri Tcherniakov, le dernier metteur en scène de Don Giovanni à Aix-en-Provence s’est arrogé le droit de taguer Mozart. Au nom du modernisme et du désir de faire nouveau à tout prix, il a tagué et barbouillé l’œuvre emblématique du festival, Don Giovanni, malgré la présence à la direction d’orchestre de Louis Langrée, dont on sait qu’il aime et les œuvres qu’il mène et Mozart.


Mozart a été tagué à grands traits barbares et violents

Certes, il faut reconnaître que ces œuvres du répertoire jouées tant et tant de fois peuvent donner des fourmis dans les mains et des envies d’innover, en changeant les époques ou les costumes, en animant différemment les scènes, en accentuant autrement les traits des personnage ou en insistant sur les valeurs ou les sens profonds de l’histoire.
Mais était-il besoin de transformer le livret en saga familiale peu plausible et bancale, de déguiser les acteurs, de faire d’eux des ardents du sexe prêts à se jeter sauvagement les uns sur les autres ? Etait-il besoin surtout de faire du héros Don Giovanni interprété par Bo Skovhus un paysan sauvage et rude, tout droit venu des monts d’Oural, sans raffinement aucun, perdant son charme, et dont le jeu et la voix manquaient singulièrement d’ampleur et de séduction ?
Et surtout de faire que tout à coup la musique de Mozart, sa tendresse ou sa chaleur et aussi tout ce qui fait Mozart inimitable, deviennent comme hors de propos, absurdes presque, dans cette nouvelle construction de l’histoire, et face aux actes commis en scène ?
Mozart a été tagué à grands traits barbares et violents, barbouillé de couleurs ineptes et son œuvre s’en sort toute endolorie. Comme ces grands murs clairs des villes qui se retrouvent, par pur plaisir de salir et de polluer le trop net, griffouillés et raturés, ramagés de formes ou de sigles monotones et redits, infiniment répétés et dénués de sens.
Est-ce là le rôle d’un festival qui consacre l’art de la musique, baroque ou opéra, moderne parfois, mais toujours magnifiée par le désir de la faire partager à d’autres, de la rendre plus familière ?
Admirons cependant les performances de Kyle Ketelsen en Leporello, sur la réserve et sans enthousiasme face à Don Giovanni, et Kerstin Avemo en petite Zerlina trop pâle, désarmante et joliment séduite.
Cependant les actes de malveillance commis par Dmitri Tcherniakov à l’égard de l’opéra sont si nombreux qu’il n’est pas question de les énumérer. Contentons-nous de regretter la version donnée en 1998, montée par Peter Brook et de souhaiter qu’au plus vite les tags soient effacés jusque dans le souvenir.
Jacqueline Aimar

pierre aimar
Mis en ligne le Dimanche 11 Juillet 2010 à 19:55 | Lu 944 fois
pierre aimar
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