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« Un certain Charles Spencer Chaplin » de Daniel Colas, au Théâtre Toursky, Marseille, le 28 avril 2017

Le théâtre Toursky, fidèle à l’excellence de sa production, accueillait ce vendredi 28 avril une comédie de Daniel Colas : « Un certain Charles Spencer Chaplin ». Nominé aux Molières 2016, catégories Création Visuelle, la comédie est excellente et les acteurs relèvent le défi de faire revivre l’immense Chaplin


« Un certain Charles Spencer Chaplin » de Daniel Colas, au Théâtre Toursky, Marseille, le 28 avril 2017
Plus qu’une réincarnation vivante du mythe de Charlie Chaplin cette pièce est une évocation de la vie de Monsieur Chaplin, sans fioriture, ni pathos.
Maxime d’Aboville « est » Chaplin, avec brio. Son jeu est juste, mesuré. Il campe un Chaplin facétieux ou grave avec désinvolture. La ressemblance est époustouflante d’exactitude. Les autres acteurs sont au diapason, la mise en scène impeccable, réglée comme du papier à musique. Les mouvements de va et vient des personnages entre chaque séquence plonge le spectateur dans l’ambiance du « Muet ». Le découpage en séquences ajoute à cette impression de film de début de siècle avec sous-titrage explicatif. Le spectateur est « bluffé », transporté malgré lui dans l’Amérique de Mac Carthy ou dans les bas-fonds de Londres. Le rire, le sourire, cède le pas à l’émotion quand on comprend que Charlot cherchait éperdument à panser les blessures de son enfance.

« La peur de la folie me hante ! »
On aime cet être torturé, ce dandy vagabond, ce juif qui ne l’est pas, ce mari inconstant, cet homme seul qui ne sait pas comprendre les autres, ou qui ne le veut pas ; trop sensible, trop amer, trop triste, trop avare, toujours trop … Le voyage avec lui se fait de Londres à New-York, de New-York à Londres, puis de Londres en Suisse.
Et peu à peu se dessine un homme génial, tolérant, humaniste, tendre, amoureux. Hasard du calendrier ? Les paroles du commissaire à l’émigration résonnent bizarrement :
-« Etes-vous Juif Monsieur Chaplin ? Communiste ?... Nous devons à tout prix débarrasser l’Amérique de cette chienlit ! Le public sait-il que ce vagabond est Juif ? La majorité des Américains n’aiment pas les Juifs, faites circuler la rumeur !»
Un frisson parcourt la salle, une impression de malaise… Il est question de rejet du migrant, d’exil, de dépression économique, de montée des dictatures, de racisme, d’intégrisme, de liberté d’expression !

Chaplin ne se soumettra pas : « Ce qui fait la beauté de l’Amérique, c’est sans doute sa diversité ! » Il s’engage auprès des déshérités, des faibles, des parias de la société américaine puritaine toute puissante.

« L’Amérique, pays de la liberté ! »
Trop dangereux, trop vrai, trop perspicace, trop humain, trop génial : l’Amérique ne veut plus de lui. Ce sera l’exil, une blessure, malgré la reconnaissance du monde entier.
« Le Kid, c’est moi, le vagabond, c’est moi. Ce petit garçon qu’un policier arrache aux bras de sa mère, c’est moi quand on m’a arraché aux bras de la mienne pour me mettre à l’orphelinat ; la masure du film ? J’ai reconstitué la chambre de ma mère… »

Quelques instants suspendus dans le silence de la salle avant que le rideau ne s’abaisse. Sir Charlie Chaplin se blottit dans les bras de sa mère, à même le sol. Là il est bien, la tête enfouie dans sa jupe : « Nul ne guérit de son enfance ».
On a aimé ces acteurs qui font oublier le théâtre et nous plonge dans le désarroi des personnages, laissant planer ce sentiment subtil qui plait et dérange à la fois : « je suis là mais je n’y suis plus ; je suis moi et je suis elle ou lui, spectateur et protagoniste à la fois.»
Peu de pièces sont capables d’un tel exploit. Le décor, les costumes, sont choisis avec bonheur. Merci pour ces moments de bonheur en partage.
Le public, enthousiaste, applaudit à tout rompre : cinq rappels pour cette magnifique production et les acteurs prodigieux qui la servent.
Danielle Dufour-Verna

De Daniel Colas assisté de Coralie Audret
Décors : Jean Hass – Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz
Lumières : Franck Thevenon – Musique originale : Sylvain Meniac
Vidéo : Olivier Bémer – Chorégraphie : Cécile Bon
Avec Maxime d’Aboville, Béatrice Agenin, Linda Hardy, Benjamin Boyer, Xavier Lafitte, Adrien Melin, Coralie Audret, Alexandra Ansidei, Thibault Sauvaige et Yann Couturier.


Pierre Aimar
Mis en ligne le Mardi 9 Mai 2017 à 03:10 | Lu 704 fois

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