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SUPPORTS/SURFACES. LES ORIGINES, 1966-1970, Carré d'Art-Musée d'art contemporain de Nîmes du 13 octobre au 31 décembre 2017

En septembre 1970 a lieu au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris une exposition intitulée Supports/Surfaces. Ce nom, choisi par les artistes et aujourd'hui fameux, va désigner un groupe qui transformera durablement les pratiques artistiques en France.


ANDRÉ VALENSI Objet d'analyse, 1969
ANDRÉ VALENSI Objet d'analyse, 1969

Sous cette appellation exposent ensemble au début des années soixante-dix André-Pierre Arnal, Vincent Bioulès, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Toni Grand, Bernard Pagès, Jean-Pierre Pincemin, Patrick Saytour, André Valensi et Claude Viallat.

Les artistes ainsi rassemblés vont incarner une des dernières avant-gardes, contemporaine des mouvements comme l'Arte Povera en Italie, le Land Art américain pour ne citer que quelques exemples. Singularité du mouvement durant cette période, les artistes se réclament pour la plupart du champ pictural – à l'exception de Bernard Pagès et de Toni Grand
– bien que les œuvres déstabilisent le spectateur alors habitué aux toiles tendues sur châssis.

L'exposition Supports/Surfaces : Les origines 1966-1970 montre la constitution de ces démarches au cours des années soixante, jusqu'à l'apparition du groupe. Comprendre ce mouvement à la fois important et éphémère que fut Supports/Surfaces nécessite de se replonger dans ces années de recherches, de confrontations et d'oppositions. Ces quatre années sont celles d'une extraordinaire effervescence artistique au sein d'une période de contestations sociales et politiques puisque traversée en son milieu par mai 68.

Cette histoire commence avec la mise en crise, voir la mise en pièce littérale du tableau de chevalet, opérée par des artistes qui, peu après leur sortie des Beaux-Arts, s'affranchissent de l'héritage de l'Ecole de Paris et s’intéressent aux abstractions américaines alors peu connues en France (salle 1). Cette remise en cause est alors partagée par différents artistes comme Pierre Buraglio, Jean-Michel Meurice, ou encore François Rouan et Michel Parmentier dont les travaux resteront proches du groupe Supports/Surfaces pour les premiers ou s'éloigneront vers d'autres directions pour les seconds. Cette « déconstruction » du tableau s’opère contre un savoir appris par les artistes. Elle porte sur leur propre pratique comme le montre les tableaux des artistes réalisés durant leurs années de formation. Moment significatif, l'exposition Impact en 1966 organisée par Claude Viallat à Céret réunit Pierre Buraglio, Daniel Buren, Michel Parmentier et François Rouan. Tous ces jeunes artistes partagent une volonté de s’affranchir des conventions et de l’espace clos du tableau et de situer ainsi leur travail dans un « degré zéro de la peinture ». Néanmoins, ce degré zéro ne se conçoit pas comme une fin ou un ressassement comme chez BMPT mais comme un nouveau développement de la pratique picturale pour les artistes qui formeront Supports/Surfaces. Lors de cette exposition, Viallat retourne le tableau qu’il a réalisé et présente son verseau, dernière toile sur châssis de l’artiste avant qu’il n’adopte, durant les semaines qui suivent, la forme répétitive d’une empreinte sur des toiles libres. La même année, Daniel Dezeuze, alors distant de plusieurs milliers de kilomètres puisqu’il réside au Canada, entaille la surface de ses tableaux dont s’extraient des fragments de tissus.

Au cours des années 1967-1968 (salle 2), les démarches des artistes s'affirment. Le châssis simplement recouvert d’une feuille de plastique de Daniel Dezeuze exprime la réduction maximale de la peinture à une structure matérielle qui supporte le plan. L’oeuvre ouvre sur le mur, manifestant le dépassement de l’espace clôt du tableau. L’utilisation de l’empreinte, du pliage de la toile, l’imprégnation de la couleur chez Noël Dolla ou André-Pierre Arnal comme chez Claude Viallat associe la production de la forme et de la couleur à la matérialité du support, ces processus comme celui de la répétition d’un motif libéré de la composition.

Ces démarches se construisent aussi dans une confrontation avec le Nouveau Réalisme (salle 3). Les tampons de Louis Cane, affirmant « artiste peintre », s’opposent à ceux d’Arman. Alors que le Pop Art domine la scène de l'art et que le multiple sérigraphique d'Andy Warhol apparaît comme un dépassement de la peinture, les artistes de Supports/Surfaces - dont plusieurs résident à Nice, ville de Klein, d’Arman et de Martial Raysse mais aussi de Ben - opèrent une forme de renversement qui inscrit l’objet dans le champ pictural chez Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Patrick Saytour, et dans le champ sculptural pour Bernard Pagès. La forme répétitive de Claude Viallat, exactement à l’inverse du papier peint de Andy Warhol, ne sert pas une production industrielle et uniforme mais devient la matrice d’un processus pictural qui met en jeu l’unicité de chacune des oeuvres dans la relation entre la forme, la couleur et le support.

Les premiers rapprochements entre les artistes s’opèrent aussi dans le sud de la France : ce sont les expositions en plein air qui réunissent d'abord Daniel Dezeuze, Bernard Pagès, Patrick Saytour et Claude Viallat dans le petit village de Coaraze sur les hauteurs de Nice (salle 4). Après s’être affranchis du tableau, les artistes expérimentent de nouveaux modes de présentation des oeuvres affranchis du cadre artistique. Au cours de l’été 70, les oeuvres des artistes sont déposées dans des rues de village ou sur des plages, elles s’intègrent au paysage et remettent en cause l’opposition traditionnelle entre nature et culture. Lorsque les artistes reviennent à l’intérieur de lieux d’exposition, les oeuvres occupent pleinement l’espace, l’intègrent.

La cinquième salle donnera à voir ce déploiement de la peinture dans l’espace, souvent détachée du mur. Confrontation avec le Nouveau Réalisme, expositions dans la nature : Supports/Surfaces se révèle à l'opposé de la fascination industrielle des trente glorieuses.
Le groupe présente un mouvement à rebours qui s'accompagne d'un intérêt pour des gestes premiers de transformations, pour des matériaux et objets traversés par l'usage et finalement pour une pratique buissonnière de la peinture qui ne peut que nous interpeller aujourd’hui (salle 6).

Réunissant des œuvres majeures de cette période, certaines n'ayant pas été montrées depuis, l'exposition restitue les grands questionnements mis en jeu dans les différentes réalisations des artistes : crise du tableau, confrontation aux Nouveaux Réalistes et à une certaine mort de la peinture, exposition en extérieur, déploiement des œuvres dans l'espace, importance de l'objet et de sa manipulation. Elle intègre également une importante documentation faite d’archives de l’époque : affiches, tracts, écrits des artistes qui participent pleinement de la formation du groupe. Elle entend faire émerger un nouveau regard sur ce mouvement en se focalisant sur ces années traversées par une véritable jubilation liée à une volonté des artistes de réinventer leur pratique.

Pierre Aimar
Mis en ligne le Vendredi 8 Septembre 2017 à 09:21 | Lu 657 fois

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