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MIGRAAAANTS (On est trop nombreux sur ce putain de bateau) de Matéi Visniec, Théâtre du Chêne Noir, Avignon, du jeudi 17 au dimanche 27 novembre 2016

Ils viennent du Pakistan, d’Afghanistan, de Somalie, d’Erythrée, de Syrie, d’Irak, de Libye, du Mali, d’Algérie, du Maroc, de Haïti


© Philippe Hanula
© Philippe Hanula
et de beaucoup d’autres endroits où la vie n’est plus compatible avec l’idée d’avenir. Ils sont des millions. Combien de millions ? On ne sait pas. On les appelle « migrants » et ils ont une seule chose en tête : la volonté d’arriver en Europe...

MIGRAAAANTS (On est trop nombreux sur ce putain de bateau) de Matéi Visniec
Éditions L’OEil du prince
mise en scène : Gérard Gelas
Avec Aurélie Audax, Gérard Audax, Mouloud Belaïdi, Anysia Deprele, Lucas Gentil, Liwen Liang, Damien Rémy
Coproduction La Compagnie Clin d’Œil & le Théâtre du Chêne Noir

Note de l’auteur

Réfugiés : l’Europe se désintègre ; Réfugiés : la mort clinique de l’Europe. C’est avec des titres comme ceux-ci que journal Le Monde, mais aussi toute la presse européenne analysait, à la fin du mois de février 2016, le phénomène du flux migratoire. Grand changement d’attitude si on pense qu’en septembre 2015, suite à la mort, par noyade, en Mer Egée, d’un petit syrien d’origine kurde de 5 ans prénommé Aylan, toute la presse saluait la générosité avec laquelle l’Allemagne et surtout Mme Angela Merkel ouvrait les bras pour accueillir un million de réfugiés…
En l’espace de seulement cinq mois l’Europe a paniqué. Les responsables politiques mais aussi l’opinion publique ont compris que sur la planète, il y a environ 80 millions de personnes qui vivent dans des régions en guerre et qui ont le droit, en principe, de demander protection internationale, donc asile politique en Europe. Les frontières ont commencé à se refermer, le symbole du fil de fer barbelé a ressurgi des entrailles cauchemardesques de l’histoire.
L’Europe ne sait pas ce qui lui arrive, ne sait pas ce qu’elle doit faire, et la tentation est grande de renier ses valeurs (libre circulation, droits de l’homme, société ouverte, etc.) pour arrêter les millions de candidats à l’exil qui sont en route.

Question : est-ce que le théâtre peut devenir un espace de débat sur ces sujets ?
Oui, c’est ma réponse, et c’est pour cela que j’ai ouvert ce chantier, c’est-à-dire l’écriture d’une pièce sur les migrants.
En tant que journaliste à Radio France Internationale je suis tout simplement « noyé » dans des informations et des reportages concernant les migrants. J’ai découvert moi-même, suite à mes voyages en Grèce, en Italie, en Hongrie ou en Grande Bretagne, certaines « réalités ». Mon intention est d’utiliser cette « matière » pour essayer de comprendre les motivations profondes d’une grande mutation humaine, culturelle et géopolitique.

Je suis convaincu qu’il ne s’agit pas tellement d’un « phénomène migratoire d’une ampleur sans précédent », mais d’une sorte de révolution de partage. Une gigantesque révolte passive se cache derrière ce mouvement (motivé aussi par l’instinct de survie).

Ces centaines de millions de gens rappellent aussi à l’Occident que son modèle économique, politique et culturel se mondialise mal. C’est un modèle qui fonctionne seulement sur un périmètre restreint de terre habitable, tandis que le reste de la planète assiste au « festin des privilégiés » en regardant seulement la télé…
C’est sûrement une injustice pour laquelle les inspirateurs de ce modèle, les Occidentaux, doivent aujourd’hui payer l’addition.
La révolution à laquelle on assiste, c’est celle du repartage de l’accès au bonheur dans le monde.

Mais le théâtre n’adopte ni le langage politique ni celui de la sociologie ou de la pédagogie pour faire son travail de compréhension, pour stimuler la réflexion et éventuellement éveiller les consciences.

Dans ma pièce modulaire je propose des scènes courtes et des situations dramatiques (inspirées de faits réels) où j’essaie de suggérer le grand dilemme moral dans lequel se trouve l’Europe.
L’année passée 10 000 enfants sont arrivés seuls en Europe où on a perdu leurs traces, un phénomène qui devrait inquiéter plus le monde civilisé et les gouvernements européens.
Par cette pièce, ce qui m’intéresse c’est autant parler de l’industrie du trafic des êtres humains que de la mécanique marchande du phénomène. Dans le monde des passeurs et des trafiquants tout a un prix, pour eux la détresse humaine est un filon aurifère à exploiter, c’est une source pratiquement inépuisable de profit.

Mais surtout j’ai envie de capter dans cette pièce le côté émotionnel et humain du phénomène.
C’est une tragédie de l’humanité qui se déroule devant nos yeux, digne du théâtre antique grec où l’homme se confrontait à la force implacable du destin.

J’ai voulu aussi, dans ce texte, dénoncer la « pensée politiquement correcte » qui a atteint les limites du supportable et de la décence mentale en Occident.
Se cacher derrière la pensée politiquement correcte afin d’éviter de voir les réalités de ce monde et d’assumer l’action, ce n’est plus pardonnable.

(…)
D’une certaine manière, je fais voyager le spectateur presque tout le temps, entre le Sinaï et la côte turque, entre l’Afrique et Birmingham, entre l’île de Lesbos et une capitale européenne dont je ne précise pas le nom. J’ai voulu écrire une pièce en mouvement, une pièce débat, une pièce qui dévoilent des pratiques inhumaines et qui pousse à la réflexion. Je ne suis pas, dans cette pièce, dans la position d’un juge. Je ne juge personne, je capte seulement des situations dramatiques qui m’ont ému et troublé en tant que journaliste. Et je les présente comme un puzzle théâtral qui a besoin d’un grand investissement de la part du metteur en scène, des comédiens et du public pour fonctionner… Cette pièce se veut une proposition pour une aventure artistique collective ayant comme but au moins une chose : casser l’indifférence.

Par ailleurs, je suis heureux que la première française des « Migraaaants » ait lieu au Théâtre du Chêne Noir dans la mise en scène de Gérard Gelas. Ce lieu magique d’Avignon a accueilli il y a presque 25 ans ma première pièce créée en France, et avec ce retour au Chêne Noir, j’ai l’impression d’accomplir un cycle dans mon incroyable aventure théâtrale francophone.
Matéi Visniec

Infos pratiques

MIGRAAAANTS
au Théâtre du Chêne Noir - Avignon
du jeudi 17 au dimanche 27 novembre 2016
les jeudis à 19h, vendredis et samedis à 20h, dimanches à 16h
Avant-première Mardi 15 novembre à la MPT de Champfleury
Locations : 04 90 86 74 87 et www.chenenoir.fr


Pierre Aimar
Mis en ligne le Lundi 7 Novembre 2016 à 09:00 | Lu 471 fois

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