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Lucia di Lammermoor, de Donizetti, Opéra de Marseille, du 31 janvier au 6 février 2014

Les Ashton grands rivaux des Ravenswood depuis longtemps se vouent une haine acharnée, alors qu'Enrico Ashton considère que seul le mariage arrangé de sa sœur Lucia avec Lord Arturo Bucklaw pourrait les sauver de la banqueroute celle-ci s'éprend de l'ennemi juré de sa famille : Edgardo Ravenswood.
Drame romantique d'une histoire d'amour impossible sur fond de trahison, vengeance, assassinat...


© Christian Dresse
© Christian Dresse
Au moment de la création de Lucia di Lammermoor , cela fait déjà quatre ans que Donizetti attend de connaître le succès à Paris. Or jusque là, même si plusieurs de ses opéras y ont été représentés, seul Anna Bolena, en 1831 connaît un véritable succès. La création de Lucia a lieu le 26 septembre 1835 et fait un triomphe, les nombreuses et magnifiques mélodies reflètent l'intrigue dramatique, comme en témoignent notamment les deux passages les plus connus de cet ouvrage : la longue « scène de la folie » de l'acte III où Lucia sombre dans une démence irréversible et le grand sextuor de l'acte II, page maîtresse de l’ouvrage, un des passages les plus remarquables de toute l'histoire de l'opéra. L'air d'Edgardo (ténor) au dernier acte d'une « funèbre beauté » annonce une nouvelle forme de belcanto. Ce triomphe apporte enfin à Donizetti la consécration tant attendue : il a su comme personne avant lui produire l’opéra romantique par excellence, l’oeuvre dont toutes les facettes font étroitement écho à la sensibilité de l’époque. Pour preuve, c’est une représentation de Lucia que Flaubert décrit dans Madame Bovary et Tolstoï dans Anna Karenine. Cet ouvrage fera le tour du monde et sera joué, du vivant de l’auteur, jusqu’à la Havane ou Santiago du Chili.

Analyse

ACTE I
Tableau 1
Enrico Ashton est inquiet car sa soeur Lucia refuse d'épouser le riche Arturo Bucklaw, ce qui mettrait fin aux difficultés financières de sa famille. Enrico apprend également avec fureur que Lucia aime et rencontre en secret son ennemi juré, Edgardgo de Ravenswood.
Tableau 2
Lucia raconte à sa suivante Alisa un songe effrayant qu'elle vient de faire et la passion que lui procure son amour pour Edgardo. Ce dernier survient et annonce à Lucia son prochain départ pour la France. Les deux jeunes gens se jurent un amour éternel.
ACTE II
Tableau 1
Pour faciliter le mariage de Lucia avec Arturo, Enrico montre à sa soeur une fausse lettre montrant l'infidélité d'Edgardo. Croyant le contenu de cette missive, Lucia consent d'épouser Arturo.
Tableau 2
Après s'être faite attendre, Lucia arrive et signe le contrat de mariage. Edgardo surgit, constate la trahison de Lucia et la maudit avant de s'enfuir.
ACTE III
Tableau 1
Un soir d'orage, Enrico se rend chez Edgardo et provoque celui-ci en duel.
Tableau 2
Les festivités marquant l'union de Lucia et d'Arturo sont interrompues par une terrible nouvelle : Lucia a tué son mari et a perdu la raison. Lucia ne tarde pas à paraître, les vêtements ensanglantés. Dans sa folie, elle imagine son mariage avec Edgardo, avant d'être emportée, mourante.
Tableau 3
Apprenant la mort de Lucia, Edgardo se poignarde et expire, en appelant Lucia une dernière fois.
André Segond

Note d'intention par Frédéric Bélier Garcia

De quoi parle Lucia di Lammermoor ? Paradoxalement, ni le livret, ni l’ouvrage original de Walter Scott, ni peut-être même une lecture scrupuleuse de la partition de Donizetti ne nous le délivrent. En tout cas, rien qui soit à la mesure de l’étrange émotion qui vient nous inquiéter au voisinage de cette œuvre. Tel est le premier paradoxe de cette œuvre, la simplicité d’un livret, d’une fable assez rudimentaire, qui ouvre sur les infinis méandres du sentiment. Car l’histoire (pour le moins connue de la haine des familles et du mariage d’amour impossible des enfants) n’a pas le temps de s’amorcer que tous les personnages semblent déjà courir d’autres fables mentales, fuir d’autres démons, dans « les palais de la mémoire », se perdre dans un dédale de prémonitions, présages… Chacun semble hanté par un malheur imminent, qu’il semble craindre tout autant que poursuivre. Chacun fasciné par sa propre chute, on a l’impression qu’ils s’opposent autant qu’ils s’entraînent l’un l’autre dans ce grand plongeon vers l’ultime dénouement, aussi redouté que souhaité.

De quoi parle donc Lucia ? D’où nous vient cette curieuse fascination pour ces êtres si enclins à leur douleur ? De toute part, Lucia di Lammermoor raconte le manque, tous les manques, la force, le vertige, l’ivresse du manque. Manque d’amour, manque de l’objet aimé (pour Lucia), manque de fortune (pour Enrico), manque de gloire (pour Edgardo), manque à vous rendre furieux, lâche ou fou. Ce manque est origine tout à la fois de l’amour et de la folie. Et c’est dans l’ivresse de ce manque que prospèrent les fantasmes, les mirages et les visions. De cette nuit des chasseurs sur laquelle s’ouvre l’œuvre jusqu’au « cri » musical de la folie qui nous en délivre, cet opéra plonge dans le puits sans fond de la désespérance, avec une sorte d'enivrement solaire du malheur.

Pour moi, monter Lucia di Lammermoor signifie succomber à cette fascination du plongeur, celle-là même qui résonne dans « Regnava nel silenzio » quand Lucia entre dans la fontaine, a ce charme sombre des profondeurs. Tout l’opéra de Donizetti, dans ses circonvolutions dramatiques, ses départs et ses retours, n’est là que pour creuser, saisir ce sentiment, ce mouvement du cœur, ce pincement de l’âme qu’est le manque. Peut-être, parce que, comme le dit Françoise Dolto, « aimer est ce mouvement du cœur vers l’image de l’absent. Si nous n’avions jamais été séparés dans le temps et dans l’espace de ceux avec qui nous avons éprouvé le plaisir d’être ensemble, nous ne saurions pas ce qu’est aimer ». Mais Donizetti et Cammarano ne s’embarrassent pas de psychologie, ils fondent, coulent cette face sombre, cette tristesse essentielle de l’amour.

Parce que je pense qu’il faut succomber aux œuvres que l’on monte plutôt que vouloir leur faire dire quelque chose, et que tout l’art de la mise en scène est dans cette aptitude subtile, difficile à être séduit, ma proposition pour Lucia épouse cette fascination des tréfonds qui est aussi celle du personnage. C’est pourquoi nous avons fait de la fontaine l’espace de ce spectacle, puisque c’est d’elle, comme nous l’annonce « Regnava nel silenzio », qu’émergent passé et futur, parce que dans son obscur miroitement tout dès le départ est déjà là, et tout dans la folie y retourne, y replonge. La fontaine, au même titre que la folie, n’est pas qu’un moment de cette œuvre, elle en est la texture même. Elle est ce point où le rêve et le réel se rejoignent pour le meilleur dans l’amour, pour le pire dans la folie. Lucia est ce sombre vertige, et comme tout vertige, une curieuse alchimie d’appréhension et de fascination.

Distribution

Direction musicale Alain GUINGAL
Mise en scène Fréderic BÉLIER-GARCIA
Assistante Caroline GONCE
Décors Jacques GABEL
Costumes Katia DUFLOT
Lumières Roberto VENTURI

Lucia Eglise GUTIÉRREZ (31 janvier, 2, 4, 6 février) et Zuzana MARKOVÁ (1, 5 février)
Alisa Lucie ROCHE
Enrico Marc BARRARD (31 janvier, 2 , 4, 6 février) et Gezim MYSHKETA (1, 5 février)
Edgardo Giuseppe GIPALI (31 janvier, 2 , 4, 6 février) et Arnold RUTKOWSKI (1, 5 février)
Raimondo
Wojtek SMILEK (31 janvier, 2 , 4, 6 février) et Nicolas TESTÉ (1, 5 février)
Arturo
Stanislas de BARBEYRAC
Normanno Marc LARCHER

Orchestre et Choeur de l'Opéra de Marseille

Informations pratiques

Tarifs : 13 à 78 euros
Location
- A l’Opéra, du mardi au samedi de 10h à 17h30 – Angle Place Ernest Reyer / Rue Molière
- Fnac
- Par téléphone : 04 91 55 11 10 – 04 91 55 20 43 du mardi au samedi de 10h à 17h30
- Internet : opera.marseille.fr
Par téléphone
04 91 55 11 10 – 04 91 55 20 43 du mardi au samedi de 10h à 17h30
Représentations
Vendredi 31 Janvier 2014 > 20h00
Samedi 01 février 2014 > 20h00
Dimanche 02 février 2014 > 14h30
Mardi 04 février 2014 > 20h00
Mercredi 05 février 2014 > 20h00
Jeudi 06 février 2014 > 20h00

Pierre Aimar
Mis en ligne le Mercredi 11 Décembre 2013 à 12:31 | Lu 731 fois

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