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Antigona, d’après Antigone de Sophocle, théâtre du Chêne Noir, Avignon, du 1 au 6 décembre 2014

Œdipe [ÉDIPE], roi de Thèbes, apprend qu’il est le meurtrier de son père et qu’il a fait quatre enfants à sa propre mère. Il se crève les yeux et ses deux fils le chassent de la ville.


Antigona © LauHebrard
Antigona © LauHebrard
Polynice et Etéocle décident alors de gouverner en alternance par mandat d'une année. Quand le mandat d'Etéocle arrive à son terme il refuse de céder le trône à son frère. Polynice fait appel à sept chefs ennemis, pour lancer une offensive simultanée sur les sept portes de Thèbes et reprendre le trône. Les deux frères s'entretuent, la bataille s'arrête, Créon, leur oncle, devient roi de Thèbes.
La tragédie d'Antigone commence.
Le nouveau tyran proclame publiquement qu'il accorde une sépulture à Etéocle et la refuse à Polynice qu’il considère comme un traitre à sa ville. Antigone, ne pouvant accepter le sort réservé à la dépouille de son frère, décide d'ensevelir le corps malgré l'interdiction et la mort par lapidation promise à celui ou celle qui enfreindrait la loi. Antigone désobéit, Créon la condamne, elle se pend, le fils de Créon en fait de même ainsi que sa femme.
Bref, une tragédie…

Notes d'intention

S’il y a bien un argument qui m'est devenu insupportable et qu'on lit chaque année dans toutes les notes d'intentions des metteurs en scène qui choisissent un classique uniquement pour remplir leur salle, c'est : "La modernité évidente des textes anciens". La pièce de Sophocle, pour un Français d’aujourd’hui n’a rien de « moderne ». La majorité de nos concitoyens est athée et le reste monothéiste.
Notre précédent président n'a pas quitté le pouvoir après s’être crevé les yeux pour se punir d'avoir sauté sa mère et tuer son père. Il n'y a pas eu de guerre civile pour régler sa succession. Aujourd'hui, qui oserait priver de sépulture un homme, même un ennemi? L’antiquité grecque n’a rien à voir avec le monde dans lequel nous vivons. Les temps ont changé, les mœurs ont changé, la vie a changé. Ce n'est pas à cause de leur "modernité" que les grands textes classiques continuent d'être étudiés dans des classes et joués dans des théâtres. C'est parce qu'ils sont la preuve que l'Homme ne change pas!

Amour, Pouvoir, Justice, Vie , Mort, sont les cinq "sens métaphysiques" de l'existence humaine. Tous les grands textes parlent de ces sujets. Ils n'ont rien de "moderne", ils sont bien plus que ça, ils sont éternels!
Quand on choisit de monter Antigone, c'est pour plonger dans le fond de notre existence, pour comprendre ce que l 'on est , en regardant ceux qui nous ont précédés. Pas leur prétendue modernité mais leur essence même!

Cette pièce est un pilier de notre civilisation. C'est une histoire que les gens doivent connaître, juste pour se souvenir que l'indignation est vieille comme l 'humanité.
Qu'on a le droit , le devoir, de dire "non", même au péril de sa vie. Antigone est la mère de toutes les révoltées, la sœur de toutes les militantes, l'amie de toutes les femmes qui considèrent que leur prétendue fragilité physique ne leur interdit pas de se battre, d'envoyer de la rage, de réclamer et parfois d'obtenir.

L'Espagne sera présente dans ce spectacle. Il est trop tôt pour dire jusqu'où cette version d'Antigone sera "hispanisante". Mais Antigone est une tragédie, la mort y est obligatoire (en sachant que ce mot me donne de la fièvre) et quel autre pays que l'Espagne entretient avec la mort une relation si intime? Lorca disait de son pays qu' il était "un pays de mort , un pays ouvert à la mort". L'Espagne adore la tragédie, les larmes et le sang. La corrida en est l'exemple le plus frappant. Elle est la forme de spectacle contemporain la plus proche de la tragédie antique. Il y a le pouvoir, il y a le peuple, il y a le monstre, le héros, la mort...

Olé, le décor se dessine! Pour " l'unité de lieux" qui caractérise la tragédie, une arène. "Una plaza de torro".
Il faudra aussi un fond de scène qui laisse passer les ombres, qui se joue de nos regards. Un mur à la fois utile pour des raisons pratiques et symbolique sur l' importance d'Antigone dans notre civilisation méditerranéenne.
Et si Marseille 2013 nous servait enfin?

Je vais voler à Rudi Riccioti son fabuleux "Mur des civilisations". Le Mucem et ses voilages de béton, son imposante légèreté inspirera le fond de notre scénographie. Il y aura de la terre, de l’air, de l'eau et du feu. Sans ces quatre éléments, pas de vie, sans vie pas de mort, sans mort pas de tragédie, ils seront donc les éléments de base de notre tragédie.

Pour le texte, je fais moi-même la traduction et en même temps je me permets de modifier quelques enjeux. C'est le thème de la religion qui va subir les plus grandes modifications par rapport au texte de Sophocle. Pour le coup, je vais moderniser la relation qu'ont les différents protagonistes avec la foi. Les Labdacides d'Antígona, à la différence de ceux d'Antigone, seront monothéistes. Le roi sera le représentant de Dieu sur terre.
La révolte d'Antígona sera plus proche de nos révoltes contemporaines, aujourd'hui symbolisées par des mouvements comme les Femen. Dans la forme, le Coryphée sera remplacé par Tirésias qui sera en quelque sorte le narrateur. Le garant de l’histoire. Chez Lorca, il pourrait être le personnage de "l'auteur".
Mais je ne veux pas, en pensant Espagne, Lorca, rester bloqué sur les années 30 et la guerre civile comme si aujourd'hui ne pouvait être une source suffisante de révolte. C'est pour ça que le cinéma d'Almodovar entre en scène.
La couleur, l'exubérance, sa faculté à trouver du rire dans le tragique, son rapport au genre, qui est au centre de notre actualité, sont des bouts d'Almodovar que je vais lui arracher, pour les coller à ce spectacle.

Pour tout le reste, laissez-nous le plaisir d' inventer en équipe. La répétition, c’est là le vrai moment de la création, il peut tout s'y passer.
C'est ce qui fait du théâtre toute sa singularité, c'est pour ça qu'à la Naïve, nous y consacrons tout notre temps et c'est grâce à ça que chaque matin les comédiens et les metteurs en scène trouvent la force d'aller offrir ce qu'ils sont, à la création.
Jean-Charles Raymond

Pratique

Antigona
Par la Compagnie La Naïve
D’après Antigone de Sophocle
Traduction, adaptation et mise en scène : Jean-Charles Raymond
Avec Patrick Henry, Hervé Pezière, Marie Salemi,
Gonzague Van Bervesseles, Chloé Vivarès
Scénographie, vidéo, Lumières : Valérie Foury, Arno Villenave, Loïk Poupinais
Création musicale : Fredo Faranda
Coproduction Espace NOVA - Velaux, Ville de Pertuis avec le soutien du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, D.R.A.C. et Région Provence-Alpes-Côte d'Azur

Jeudi 4 à 19h, Vendredi 5 et samedi 6 à 20h, dimanche 7 à 16h
& représentations scolaires :
Lundi 1er décembre à 14h30, Mardi 2 décembre à 9h30 et 14h30,
Mercredi 3 décembre à 9h30, Jeudi 4 à 14h30, Vendredi 5 à 9h30
TARIFS : de 5€ à 23€

Théâtre du Chêne Noir
8 bis, rue Sainte Catherine
84000 Avignon
Adm : 04 90 86 58 11
www.chenenoir.fr

Pierre Aimar
Mis en ligne le Vendredi 28 Novembre 2014 à 12:18 | Lu 574 fois

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