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Agatha de Marguerite Duras, mise en scène de Daniel Mesguich, Théâtre Toursky, Marseille, le 16 mars 2012

Dans un univers sombre et baroque, Daniel Mesguich réinterprète un des plus beaux textes de Marguerite Duras. Un spectacle aux images belles et fortes. Une scénographie impressionnante.


© Bernard Palazon
© Bernard Palazon
Texte culte, Agatha raconte l’histoire d’un amour incendié entre un frère et une sœur. Elle, Agatha, porte le nom de la maison familiale. Lui, jamais nommé, est son frère. Ils s’aiment d’un amour fou, vivace, brûlant, permanent, interdit. Un amour fait de douleur et d’absolu. La jeune femme annonce son départ. Elle a décidé cette séparation qui sera comme l’ablation d’une partie de son âme. L’homme refuse cette intolérable absence. Pourquoi veut-elle l’abandonner ?

Sur scène, l’atmosphère est lourde, obscure.
Marguerite Duras a écrit ce texte après avoir lu L’Homme sans qualité de Robert Musil. L’enfance de Duras ressurgit à cette occasion. Une enfance marquée par un amour violent entre son jeune frère et elle, bien que “la consommation de l’interdit” n’ait jamais eu lieu.
Duras, c’est un ton particulier, unique, avec ses redites, ses circonvolutions, sa musique entêtante. Ses écrits évoquent des voilages flottant au vent, des rizières...
Avec Agatha, Daniel Mesguich s’empare de l’œuvre de Duras et nous transporte dans un autre ailleurs : un salon avec un piano couvert de poussière, une vieille machine à écrire, un téléphone rétro, deux fauteuils recouverts de velours, quelques toiles posées çà et là.
Dans sa mise en scène, faite de jeux d’ombres et de miroirs, et sa vision très personnelle de l’œuvre de Duras, Mesguich, pour accentuer le désarroi de l’homme, crée un univers irréel et invente un double à l’héroïne. Cette autre Agatha incarne ainsi le fruit défendu et donne corps au désir du frère pour sa sœur tandis que la vraie Agatha se tient plus à distance. L’esprit d’un côté, la chair de l’autre.
Bruits des vagues, petite musique de Brahms comme valse de l’inceste, lumières oniriques et profondeur des miroirs où Agatha se reflète à l’infini nous font balancer sans cesse entre rêve et réalité.
La violence du texte nous emporte entre envoûtement et malaise.

William et Sarah Mesguich, dans le rôle des amants incestueux, sont magnifiques.

Note d’intention de Daniel Mesguich
« Agatha est le nom de cette villa. C’est le nom, aussi de la jeune femme. Et celui encore de leur attachement et de leur arrachement l’un à l’autre : ils ne se retrouvent que pour se séparer à jamais. Ils s’attendent. De la seule attente digne de ce nom, celle qui n’espère pas. Ils sont frère et sœur.
Agatha, oui, est le nom, dur et brillant comme la pierre d’un cri. Le cri patient d’une douleur interdite. Ce qui se dit entre eux ne se dit pas. Pourtant, rien, ici, n’existe hors de ce qui se dit. Pour jouer cette partition, j’ai appelé William et Sarah qui sont frère et sœur dans la vie. Il fallait pour jouer cette œuvre deux acteurs le plus différent possible en même temps que le plus « Mêmes ». C’est donc, aussi, une intimité qui va se donner à lire ici, à travers les lignes éblouissantes de la grande Duras. »
Daniel Mesguich

Propos de Marguerite Duras
« L’inceste ne peut être vu du dehors. Il n’a pas d’apparence particulière. Il ne se voit en rien. Il en est de lui comme la nature. Il grandit avec elle, meurt sans être jamais venu au jour, reste dans les ténèbres du fond de la mer, dans l’obscurité des sables des fonds des temps. De toutes les manières où les formes de l’amour et du désir, il se joue. De toutes les sexualités diffuses, parallèles, occasionnelles, mortelles, il se joue de même. De son incendie, il ne reste rien,aucune scorie, aucune consommation, après lui la terre est lisse, le passage est ouvert. Ainsi passe par un après-midi de mars un jeune chasseur qui remonte le fleuve alors que les pousses de riz commencent à jaillir des sables. Il regarde une dernière fois sa sœur et emmène son image vers les grandes cataractes du désert. » Marguerite Duras

Durée : 1 h 15

Pratique

Théâtre Toursky
Vendredi 16 mars à 21 h
Agatha de Marguerite Duras
Mise en scène : Daniel Mesguich
Assistante à la mise en scène : Charlotte Popon
Lumières : Eric Pelladeau
Bande son : Vincent Hulot
Avec : Sarah Mesguich, William Mesguich, Charlotte Popon…

Spectacle proposé par Mordoré Production - Avec le soutien de la SPEDIDAM
www.ciedutheatremordore.fr
www.toursky.org
Tarifs de 3 à 26 euros
Réservations : 0 820 300 033

Pierre Aimar
Mis en ligne le Vendredi 17 Février 2012 à 17:00 | Lu 892 fois

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